La corruption dans tous ses états
La corruption est partout et colle à la peau, dans ce pays. Les populations décrivent leur quotidien de compromission, de chantage et de menaces. Sans surprise, c'est la police et le système judiciaire qui sont les plus dénoncés.
Un groupe de jeunes, sur la rue 22 prolongée, à Fass Delorme. Assis sur un banc, ils devisent tranquillement. EnQuête leur offre un autre sujet qui a l'air de les inspirer : la corruption. Chacun y va de sa petite anecdote. À croire que l'hydre de la corruption a étendu partout ses tentacules. Doudou*, en Lacoste bleu assorti d’un jean de même couleur, la taille moyenne et teint noir, raconte : ''J’avais besoin d’une procuration légalisée et il fallait du temps pour pouvoir la récupérer. Un gars m’a proposé de lui donner 5 000 F Cfa. comme j’étais pressé, je me suis exécuté et il a réglé mon problème en un rien de temps''. Son ami Assane Seck* embraye : Moi on m’a demandé 2 000 F Cfa pour la légalisation d’un certificat de bonne vie et mœurs''. Lui aussi déclare qu'il n’avait d'autre choix que de céder à la corruption. Avant de signaler que ce n’était pas la première, ni la dernière fois. Par contre, Ousmane Ndiaye* ne s'est pas laissé tenter. ''Je voulais un casier judiciaire au tribunal de Dakar. J'y suis allé, dans l’après-midi, et on m’a fait savoir que ce n’était pas le bon moment. Car les dépôts se font le matin''. Toutefois, contre toute attente, ‘’un gars m’a interpellé, en me proposant de lui remettre 2 000 F Cfa, avec la photocopie de ma carte d’identité pour qu’il me procure le document''. Devant, cette tentative de corruption, il a tout simplement tourné les talons.
Plus loin dans le quartier, nous entrons dans un salon de coiffure. Aïda*, la patronne, prend son petit-déjeuner tranquillement. Le sujet l’intéresse au plus haut point, car elle est souvent confrontée à ces pratiques de bas étage. ''Je suis la gérante de ce salon de coiffure, en même temps, je fais du commerce. Je me rends souvent en Gambie et en Mauritanie pour acheter des marchandises. Mais, nous sommes souvent confrontés à des cas de corruption'', dit la dame en taille basse, un foulard sur la tête. ‘’Nous parcourons des kilomètres et nous payons toutes nos quittances, avant le départ. Mais en cours de route, on nous arrête pour prendre nos 1000 ou 2000 francs. C’est vraiment regrettable'', dit cette jeune dame d'un air sérieux.
Chauffeurs de taxis et de cars rapides crient leur ras-le-bol
''Soyez la bienvenue. Nous avons tellement de choses à dire concernant ce sujet. Nous sommes les principales victimes''. Sur la devanture de l’hôpital Abbas Ndao sont stationnés de nombreux taxis. Plus loin, les chauffeurs de taxis et chauffeurs de Ndiaga Ndiaye, disposés par groupes, discutent à bâton rompu. Eux également se disent à l’aise pour parler de la question. ''Il m’est arrivé de passer sur la voie normale, raconte celui qui nous accueilli avec empressement, je venais du Crédit foncier ; en bifurquant pour prendre la rue 6, le policier qui était sur les lieux m’a fait savoir que les cars rapides n’avaient pas le droit de passer par cette rue''. Sous le regard attentif de ses collègues, il poursuit sa narration : ''Il m’a demandé de l’argent, je lui ai remis 500 F Cfa et il m’a insulté. Je voulais répliquer, mais comme il n’y avait pas de témoin, il pouvait en profiter pour relever mon numéro immatriculation et me coller un motif, c’est pour cela que je n’ai rien dit. Nous endurons toutes sortes de brimades'', confie-t-il. L’agent de la police avait déjà pris sa carte grise, mais il la lui a rendu malgré lui. Il est d'avis que les chauffeurs de cars rapides et de taxis sont les plus exposés. ''Le policier te demandera 500 F Cfa, pour le reste, c'est 1000 F Cfa. Ils déclarent souvent qu’ils ne mangent pas de ''pierres''’’, lâche un autre chauffeur. Ici le mot ''pierre'' désigne la pièce ou le billet de 500 F Cfa. C'est leur façon de dire qu'ils en veulent plus.
Lorsque le contrevenant ne veut pas entrer de ces combines et se fait prendre son papier, il a toutes les peines pour le récupérer, disent-ils. ''Pour la récupération, tu peux passer tout ton temps à la police centrale. Il arrive même qu’ils arrêtent la délivrance, à midi'', confie-t-il. Avant de conclure, fataliste : ''Devant cette situation, nous sommes obligés de céder, car nous voulons travailler.''
Les chauffeurs de bus soulignent également qu'ils ne sont pas épargnés par cette situation.