Les mille et une astuces des papys pour jeûner
Ils affrontent la chaleur estivale de la capitale et de sa banlieue en cette période de Ramadan, pour remplir un des piliers de l'Islam, le jeûne, malgré leur âge très avancé. EnQuête est allé à la rencontre de ces papys qui ont bouclé plus de 60 ans et ont eux aussi leurs astuces pour garder la forme, durant ce mois béni de Ramadan.
En ce début de matinée, sur l’axe Bountou Pikine station Texaco, la circulation est plus fluide que d'habitude. Seules quelques bonnes dames, qui se rendent au marché pour préparer le fameux Ndogu, fréquentent l'avenue. Les cars rapides, Ndiaga Ndiaye et autres bus qui d'habitude créent un désordre indescriptible, se comptent sur le bout des doigts. Un vent chaud et sec souffle au visage des rares personnes qui empruntent cet axe. A quelques jets de là, du côté du populeux marché de Syndicat, l’anarchie règne en maître. Des vieillards discutent, indifférents au chaos qui les entoure. On dirait une bande de copains qui viennent à peine de se retrouver, après plusieurs années de séparation. Les sujets de discussions tournent autour de la politique et de la lutte, entre autres.
Notre arrivée leur offre un nouveau sujet de discussion. Toutes les personnes présentes dans ce ‘’grand place’’ se tournent vers le vieux Laba Gningue. C'est le plus fort en rhétorique. Donc le plus apte à se prononcer sur leur manière de jeûner. Agé de 64 ans, une pile de journaux entre les mains, confortablement assis sur un banc et très à l’aise pour évoquer le sujet, grand-père Gningue, avec son ensemble de boubou bleu, dit jeûner comme tout le monde dans la piété, l’abnégation et la dévotion. ‘’Du matin au soir, nous ne cessons d’emprunter le chemin tracé par Allah. On discute entre nous, on prie. Le jeûne n’est pas difficile, au contraire, c’est très bien pour l’organisme. Il permet d’entretenir l’individu, de lui donner une santé de fer que lui seul peut offrir.
Le conseil que je donne aux personnes du troisième âge, dit-il, est d’avoir un régime particulier, en dehors du mois béni de Ramadan, autrement dit de ne prendre que deux repas par jour, en occurrence le petit-déjeuner et le repas de midi'', confie le retraité de la SENELEC et au gabarit important. A l’en croire, le fait de manger la nuit n’est pas une bonne chose pour les vieillards. Durant le Ramadan, il est d'avis qu'il faut manger peu, et surtout éviter de vouloir manger beaucoup d’aliments, en l’espace de quelques heures. ‘’C’est la seule manière de garder la forme. J’ai suivi dernièrement un documentaire à la télévision où on montrait un oiseau qui peut rester 44 jours sans manger, et cette expérience peur être vérifiée chez l’être humain. Le fait de ne pas manger n’est que bénéfique pour l’homme. Dans le monde actuel, les plus gourmands sont et seront toujours les plus maladifs’’affirme-t-il.
''...Le paradis qu’Allah a promis aux jeûneurs''
Ailleurs, à Wakhinane, une localité de la commune d’arrondissement de Pikine-Est, nous rencontrons Mame Mor Sène. Chapelet à la main, le papy dit jeûner comme tout le monde. Il ajoute même que l’âge n’est pas trop important. Au contraire, il estime que cela doit être le prix à payer avant d’entrer au paradis. Ancien peintre, celui qui vient de souffler ses 75 hivernages, révèle que pour maintenir sa forme, il ne mange pas à l’aube. Au réveil, il ne boit que quelques gorgées d’eau. ''A l’heure de la rupture, ce que je prends le plus, c’est de l’eau, du café Touba et du jus de gingembre. A part cela, je me contente de couscous et d'un peu de lait caillé, car je ne peux pas manger du riz, la nuit, même en dehors du moi béni du Ramadan. Ce qui me donne la force, c’est le paradis qu’Allah a promis aux jeûneurs. C'est de cette onction divine que je puise la force, à mon âge, pour jeûner’’, confie le natif de la région de Diourbel aux cheveux blancs et à la barbe soigneusement coupé comme un jeune homme.
‘’Il me faut d’abord l’accord de mon médecin avant de jeûner’’
Le vieux Baraya Mbaye, dans son ensemble trois pièces de couleur blanche, est en train de tailler bavette avec un ami. Même s’il est diabétique, il essaye tant bien que mal de s’acquitter de ses obligations religieuses, parmi lesquelles le jeûne. Toutefois, il doit auparavant obtenir la bénédiction de son médecin. ‘’Je jeûne comme tout bon musulman avec ma famille. Je ne peux pas être en forme, car je suis diabétique. Mais avant de jeûner, il me faut d’abord l’accord de mon médecin. Ce dernier m’a dit que je peux le faire jusqu’au jour ou je sentirai quelque chose d’anormal pour revenir à nouveau vers lui’’, explique l’ancien tailleur qui a vu le jour en 1948.
Assis devant son ancien atelier sis à Pikine ICOTAF, aujourd’hui géré par ses fils, M. Mbaye dit prendre à l’heure de la rupture du café avec du pain. Quelques heures plus tard, il prend d'habitude quelques cuillerées du riz au poisson, à cause de son régime. ''Avant de me coucher, on me sert un autre repas, qui peut être soit de la viande, du poisson ou autre chose. Je n’ai pas de secrets pour le Ramadan, à part souhaiter faire tout le mois, sans problème. Au-delà du mois béni, je jeûne trois jours de chaque mois, depuis 20 ans'', conclut-il, sous l’œil complice de son ami.
CHEIKH THIAM