Les magistrats expriment leurs états d'âme
Le garde des Sceaux a effectué hier une visite au Palais de Justice Lat Dior. Occasion pour les magistrats de déplorer le problème d’insécurité et d’exiguïté du ‘’joyau’’ que représente le tribunal de Dakar.
‘’De la sécurité et des bureaux’’. C’était le refrain entonné hier par les magistrats, devant leur hôte et ministre de tutelle, Me Sidiki Kaba. Le garde des Sceaux qui effectuait une visite de contact au Palais de justice Lat Dior, a reçu la même complainte. De la Cour d’appel, en passant par le parquet général au tribunal du travail, M Kaba a été interpellé sur l’exiguïté du tribunal mais aussi et surtout sur l’insécurité. ‘’Nous sommes à l’étroit. Il y a environ 400 bureaux pour plus de 500 personnes’’, s’est plaint le Premier-président de la Cour d’appel, Demba Kandji. Son collègue du parquet général, Lansana Diaby, de renchérir : ‘’Nous avons un joyau devenu très exigu. Certains président de chambre n’ont même pas de bureau’’. Leur collègue du Tribunal du travail n’est pas mieux logée. ‘’Deux juges partagent le même bureau. Quand il y a une audience de conciliation, l’un reste à la maison parce qu’une conciliation ne peut se faire en présence d’une tierce personne’’, a déploré Marème Diop Guèye.
Au regard de cette situation, les magistrats ont proposé une solution provisoire : externaliser certains services comme celui des casiers judiciaires et de la nationalité qui drainent des foules. Cette solution semble constituer également une parade à l’insécurité. ‘’Seul une vingtaine d’agents de sécurité dont deux gendarmes et une quinzaine d’auxiliaires sont déployés ici. Or à chaque fois qu’il y a une manifestation, nous sommes ciblés’’, a informé le juge Demba Kandji qui réclame des grilles de protection surtout pour les bureaux dont les fenêtres surplombent le quartier de Rebeuss qui sont souvent caillassés lors des manifestations. Pire, renseigne-t-il, ‘’A 19 heures, les magistrats ont peur d’emprunter les couloirs qui sont peu rassurants’’.
Si l’on en croit le Procureur général, cette insuffisance d’agents de sécurité facilite l’accès des lieux aux rabatteurs et autres personnes mal intentionnées. ‘’Moins la proximité existe, moins la corruption existe. Car des gens ont accès facilement aux magistrats et en profitent pour réclamer de l’argent aux justiciables. Cela fait que des magistrats sont accusés à tort de corruption’’, ajoute Lansana Diaby. ‘’Des fois, pour rédiger des jugements, certains juges demandent l’autorisation de rester chez eux car à chaque instant vous êtes interrompus par une personne qui tape à votre porte pour vous demander un renseignement’’, a déploré la présidente du Tribunal du travail. En dehors de la question de la sécurité, Marème Diop Guèye a aussi interpellé le ministre de la Justice sur le problème des assesseurs. Non seulement leur nombre est insuffisant, deux pour 20 juges, mais il faut «penser rapidement à relever leur émolument». Qui est de 2000 francs alors que ce personnel est obligé de payer son déplacement et sa nourriture. La magistrate n'a pas omis de poser sur la table la question de la gratuité des requêtes qui ne fait que créer un flux. ‘’Pas moins de 30 requêtes sont enregistrées au quotidien’’, s’est-elle plainte.
Quant au responsable des archives, il craint, lui, pour la disparition de la mémoire de la justice. Car, a-t-il rappelé, les archives sont posées à même le sol alors que le service du casier fonctionne toujours au manuel. Ce qui pose le problème de la fiabilité des casiers judiciaires puisqu’il est impossible de vérifier le passé pénal des demandeurs. C’est pourquoi, le démarrage de l’informatisation est vivement attendu. D’ici là, le ministre de la Justice a invité les employés du Tribunal ‘’à entretenir le joyau pour qu’il ne se dégrade pas’’. Car, ‘’le caractère majestueux de ce bâtiment inspire crainte et respect vis-à-vis de la justice.’’