Dans l'antre d'une reine nommée insalubrité...
Maladies diarrhéiques et respiratoires, paludisme, choléra, maladies de la peau, etc. C'est là un panel réduit des désagréments sanitaires qui empoisonnent Rebeuss. Entre eaux usées, promiscuité, ordures ménagères, chaussées détruites, le quotidien des populations n'est pas si éloigné de l'enfer, en dépit des efforts des autorités locales dépassées par l'ampleur du mal-vivre. Reportage.
S'il existait un oscar de l'insalubrité, il aurait bien pu être décerné à Rebeuss. Un quartier populaire qui jouxte le Palais de justice Lat Dior où les habitants baignent dans un environnement peu vivable. A l'avenue du Sénégal, il est 11 heures. Des eaux usées «circulent» à ciel ouvert sur des chaussées décaties. Des tas d'immondices mélangés aux eaux de pluie dégagent une odeur nauséabonde. Impossible de respirer un tant soit peu d'air pur. Des moustiques, des mouches et autres insectes trouvent asile dans quelques recoins. L'absence d'hygiène dans ce coin de la capitale accolé au centre-ville est frappante, en dépit des efforts de certains. Les habitants ne savent plus à quel sain se vouer. «Nous vivons dans cette saleté depuis belle lurette. Tu vois de tes propres yeux. Cette eau provient de la lessive, des eaux usées sans compter les ordures ménagères qui dégagent une odeur irrespirable. Devant cette situation, comment échapper aux maladies ?» explique et s'interroge Amadou Baldé, habitant.
A l'hôpital pour vomissements
A quelques mètres de lui, Binta Guèye, une femme d'une quarantaine d'années, entourée de ses enfants, est assise sur un table-banc. «C'est aux autorités de nous aider à rendre le quartier propre et bon à vivre. Car chaque jour que Dieu fait, nos enfants et nous-mêmes tombons malade». Puis, elle centre les dégâts sur elle-même : «Depuis ce matin, mon enfant est malade. Et je n'ai plus d'argent pour lui payer des ordonnances. Avant-hier, c'est son frère aîné qui était à l’hôpital le Dantec pour vomissements répétés. J'ai dépensé plus de 10 mille francs Cfa».
A Rebeuss, la vente de denrées alimentaires exposées à l'air libre n’inquiète pas les consommateurs, en dépit des mises en garde des médecins. «En cette période d'hivernage, des populations comme celles de Rebeuss peuvent faire face à plusieurs maladies telles que les maladies diarrhéiques et respiratoires, les maladies de la peau», affirme Mohamed Ly, médecin au district sanitaire sud, situé en face de la poste de Médina. En outre, «ces immondices et eaux usées sont des lieux de prédilection des moustiques qui provoquent le paludisme».
Après l'avenue du Sénégal, cap sur la rue de Reims. Il est 12 heures passées de quelques minutes. Les hurlements d'artisans s'affairant autour de leurs commandes, le ronronnement des machines et le bruit des véhicules et autres motos bourdonnent aux oreilles. Côté insalubrité, le décor est à peu près identique. Encore et toujours des tas d'ordures jonchant le sol. Toutes sortes de débris et autres matières solides s'infiltrent dans les rares canalisations qui fonctionnent.
«Des centaines de millions dépensés chaque année»
Pour améliorer le cadre de vie des habitants, «le service d'hygiène, en collaboration avec la commune d'arrondissement de Dakar Plateau, mène des campagnes de sensibilisation et de police de l'hygiène, c'est-à-dire la répression des infractions en matière d'hygiène», a expliqué à EnQuête l'adjudant-major Gora Ndiaye, chargé de la communication de la brigade départementale d'hygiène de Dakar. Un gros programme en perspective ! A cela s'ajoutent «des opérations de saupoudrage, de désinfection, de désinsectisation, de dératisation intra et extra-domiciliaire», a-t-il indiqué.
La question de l’assainissement préoccupe également les autorités municipales, selon le 1er adjoint au maire de la ville de Dakar, Cheikh Guèye. «Chaque année, nous dépensons des centaines de millions de francs Cfa, rien que pour améliorer le cadre de vie des populations», a-t-il dit, l'air plus ou moins dépité. «Même si l'assainissement n'est pas un domaine transféré, la ville de Dakar, en collaboration avec les jeunes des quartiers, mène des opérations de ''set setal'' des rues, places publiques et plages. Des mesures sont également prises par rapport aux actes de vandalisme et de vols des avaloirs qui font qu'aujourd'hui, l'eau stagne dans certaines rues de la ville».
A l'instar des autres quartiers de la capitale sénégalaise, Rebeuss souffre également d'autres maux. En plus de l'absence d'hygiène et de l'insalubrité ambiante, entre autres, promiscuité, surpeuplement, irrégularité de la collecte des ordures ménagères, prolifération des gargotes