Un bateau ivre sans capitaine à board
«Arrêtez le mal avant qu’il n’existe ; calmez le désordre avant qu’il n’éclate !» Celui à qui l’occasion sera donnée de rappeler au Président de la République Macky Sall ces conseils du philosophe chinos Tao-Tseu rendra un grand service au peuple Sénégalais.
Au-delà du désordre actuel dans le camp présidentiel où des alliés politiques sont même allés jusqu’à menacer publiquement le Président de la République de révéler des enregistrements audio, la lettre de Monsieur Moubarack Lo, un ancien collaborateur de haut rang, est peut- être venu confirmer une inquiétude qui, depuis l’annonce des résultats du premier tour de l'élection présidentielle de février 2012, a secrètement hanté beaucoup de Sénégalais : le leadership du Président Macky Sall.
Une bout de phrase, camouflé et plein de mystères mais suffisamment évocateur, m’a particulièrement interpellé dans le communiqué de l’ancien directeur de cabinet adjoint du président Macky Sall. Monsieur Lo explique que la cause profonde de sa démission «c’est le style de management présidentiel, qui n’est pas très motivant pour un intellectuel…»
Il y a deux mois de cela, après un bref séjour au Sénégal, dans une contribution intitulée «Malaise social au Sénégal», j’évoquais cette problématique du leadership présidentiel en rappelant aux collaborateurs du Président de la République en particulier que «Le leadership est une qualité humaine audacieuse qui entraîne autant qu’elle rassure. Et vous rendrez un grand service au Président de la République en lui disant que le peuple attend encore de l’homme plus d’audace et place d’inspiration pour maintenir la flamme de l’espoir flamboyant». Avant moi, le brillant journaliste Adama Gaye avait lui aussi partagé les doutes de beaucoup de compatriotes concernant la capacité du Président Macky Sall à incarner le leadership qui sied au contexte et aux enjeux de l’heure…
Aujourd’hui, les faits semblent confirmer que le bateau Sénégal souffre de son commandement. Que des conseillers du Président de la République démissionnent, fut-il en masse, relève de l’ordre presque normal de la vie d’une institution. Que les collaborateurs du Président au sein de son parti APR s’entre-déchirent ou que ses alliés de Macky 2012 ruent dans les brancards pour n’avoir pas encore reçu leur part du gâteau ne choque pas les Sénégalais autre mesure. Que la guerre au sein de Benno Bokk Yaakaar finisse par confirmer son éclatement prochain n’est pas une surprise pour le citoyen.
Mais quand il s’agit des affaires de la République, nous exigeons du Président de la République qu’il incarne pleinement et davantage son rôle de capitaine. Ça vaut la peine d’être répété car la mise en garde envoyée au Président dans une contribution antérieure a encore toute sa pertinence : dans les zones de turbulence comme en eaux troubles ou en période de doute, la présence d’un capitaine à bord doit être fortement et en permanence ressentie par l’équipage.
Dans l’affaire de la démission de Monsieur Moubarack Lo, les mots presque injurieux du Président de la République à l’endroit d’anciens collaborateurs traduisent un manque de sang-froid inquiétant à ce niveau de responsabilité. Napoléon a certainement été bien inspiré de dire qu’"On ne conduit le peuple qu’en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d’espérances." Nous attendons du Président de la République plus de hauteur et de sérénité.
Manifestement, toute l’énergie de la mouvance est aujourd’hui orientée vers une survie politique au détriment des vrais enjeux de l’heure. Vous n’êtes pas, Excellence, le Président de l’APR ou de Benno Bokk Yaakaar encore moins d’une certaine dynastie. "Le président de la République ne saurait être confondu avec aucune fraction. Il doit être l’homme de la nation tout entière, exprimer et servir le seul intérêt national." (Charles de Gaulle)
Nous attendons de Vous, Monsieur Macky Sall, une vision qui inspire les Sénégalais et les engage résolument vers un avenir radieux. Un discours d’espérance et charismatique et des actes concrets qui, au-delà des bonnes intentions du Yoonu Yokouté, pourra convaincre les Sénégalais de la volonté réelle d’engager une rupture dans tous les domaines de la vie politique, sociale et économique du pays.
«Quand un bateau est dans la tempête et qu'il y a des rochers pas loin, il est peu courant qu'il soit dirigé par un comité». L’heure est venue pour vous d’assumer pleinement la charge de Président de la République et de rassurer l’équipage à bord que le capitaine peut encore reprendre le contrôle du navire. Vous êtes bientôt à mi-mandat et si vous avez l’humilité du Président John Kennedy pour vous rappeler que «diriger et apprendre ne sont pas dissociables», il vous est encore possible de vous ressaisir et de redresser la barre. Le bateau tangue mais tanguer n’est pas chavirer. Seulement, gardez à l’esprit ceci : «Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard». A défaut d’agir, réagissez donc, Mon capitaine.
Respectueusement.
Un Citoyen Sénégalais