Publié le 1 Jan 2014 - 20:32
EN PRIVÉ AVEC NICOLAS MENHEIM, ARTISTE-COMPOSITEUR

''Mon combat pour retrouver la voix''

 

Voici dix ans que Nicolas Menhem, l’une des plus belles voix de la musique salsa sur le continent  africain, est absent de la scène musicale. Depuis lors, l’interprète des tubes à succès ‘’Sabador’’ et ‘’Aïcha’’, avec le groupe Africando, se bat en suivant des traitements, pour retrouver l’usage de ses cordes vocales et chanter à nouveau. Il s’est confié à EnQuête.

 

Que devient Nicolas Menheim ?

Socialement et humainement, je suis en vie. Par contre, professionnellement, je suis en léthargie, comme vous le constatez quand je parle. J’ai perdu la voix depuis 2002. J’ai chanté jusqu’en 2004. Par la suite, j’ai eu des problèmes de voix. J’ai essayé de me faire traiter par des spécialistes de la place, mais cela n’a pas donné les résultats escomptés.

J’ai été à Cuba, en 2007. Le ministre Cheikh Tidiane Gadio avait donné des instructions pour me faire hospitaliser à Cuba où j’ai suivi des traitements. A l’époque, c’est le président Macky Sall qui était Premier ministre.

Et c'est lui qui avait financé la grande partie des soins. Finalement, je ne suis pas resté le temps nécessaire. Faute de moyens. Je suis revenu et il n’y a pas eu de suite. En principe, je devais récupérer les thyroïdes.  Hormis cela, il n’y a pas eu de problème au niveau des cordes vocales.

Seulement, il y avait des perturbations au niveau des bandes ventriculaires. C’est à dire que les fausses cordes vocales essaient de se substituer aux vraies cordes vocales. Alors qu'elles n’ont pas la force de maintenir la hauteur du son. C’est donc là que se trouve le problème.

Ils m’ont dit : ’’Tu vas faire une rééducation. En attendant, il faut prendre des comprimés’’. Ça n’a pas marché.

Mais, il y a mon ami Ismaël Lô qui m’a recommandé d’aller voir le docteur Gérald Fain en France. Un spécialiste en voix. C’est aussi un professeur en ORL et ancien chanteur d’opéra. Je crois qu’il doit pouvoir trouver où le bât blesse, pour éventuellement l’éradiquer.

Maintenant, je me prépare à aller en France, pour rencontrer le Dr Fain, comme Ismaël Lô me l’a suggéré, à l’occasion de l’assemblée générale des artistes sur les droits voisins au King Fahd Palace.

Comment ce désagrément vocal vous est-il arrivé ?

Un soir, je jouais au Djolof. Après le spectacle, une dame est venue me dire ‘’Nicolas, j’ai senti du changement dans ta voix qui me semblait lourde''. Je lui ai répondu que je faisais beaucoup d’efforts, pour chanter. Ce qui n’est pas normal. Je ne dois pas faire d’effort pour chanter. Deux jours après, la voix est partie.

Est-que que vous associez cet incident à des pratiques mystiques ?

Non. Ce n’est pas mon avis. On peut croire au mystique, parce que ce sont des choses qui arrivent. Mais, il faut d’abord l’apport personnel. C’est-à-dire: ‘‘Aide-toi, le ciel t’aidera''. Quand Dieu a créé le prophète Mouhamad ( PSL), il pouvait le protéger contre tout, après avoir fait de lui le meilleur des hommes, le plus beau et le plus fort.

Mais, Il l'a laissé affronter plusieurs épreuves. Dieu a dit : ''C'est un humain. Je le laisse agir avec sa pensée''. Les animaux ont leur instinct et les humains ont la pensée pour faire leur choix. Le prophète a choisi la voie de la foi. Il s'est battu. La citation dit :''A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire''. Personnellement, je ne crois pas trop au mystique. Et j'ai été voir des docteurs, quand j'ai perdu la voix.

Espérez-vous chanter à nouveau ?

Ah oui. La chanson, c’est ma vie. Tout le temps que je suis resté sans chanter, j’ai beaucoup composé et écrit des musiques. Je joue un peu le clavier pour  l’harmonie et la succession des notes. Je joue aussi à la percussion. Je voudrai donner du plaisir à mes amis qui m’adorent tant.

Quelles sont vos activités aujourd’hui ?

Je suis toujours dans le showbiz. Je produis des orchestres. Maintenant, je travaille dans un endroit de la place. Je compte faire venir des groupes qui vont tourner dans le pays. Je reste toujours dans l’activité musicale.

Pourquoi aviez-vous quitté Africando ?

J’ai quitté Africando à un moment donné, parce que j’avais monté mon groupe le Super Sabador ici au Sénégal. Souvent, il y avait des coïncidences au niveau des dates. Il arrivait, avec Africando, qu’on t’envoie un billet d’avion deux ou trois jours avant pour te dire que tu dois te rendre à tel endroit pour un contrat.

Alors que moi, j’aurais préféré qu’on m’informe au moins un mois auparavant, pour pouvoir planifier les différentes dates entre les deux groupes. Par la suite, j’ai préféré me retirer d’Africando pour me consacrer au Super Sabador. Mais cela n’a pas empêché le producteur de m’appeler pour rejoindre Africando à Tunis, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la CAN, en 2004.

Pour le concert sur l’eau potable en Côte d’Ivoire, j’étais avec Médoune Diallo, Ronie Barro. C’est là où j’en suis avec Africando. Mais, comme je n’ai pas encore retrouvé totalement la voix, je suis resté un peu à l’écart.

Cela veut-il dire que vous continuez à percevoir vos droits avec Africando ?

La SACEM (ndlr : Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) nous envoie nos droits directement. Il y a certes un prélèvement de 5%, mais je suis toujours confronté à un problème avec le BSDA (ndlr : Bureau sénégalais des droits d'auteur) au Sénégal.

J’ai beaucoup d’espoir avec Mounirou Sy qui est animé de bonnes intentions pour la communauté des artistes. Mais, je ne vois pas encore le résultat escompté. Ce n’est pas tous les artistes qui trouvent leur compte. Il y a un véritable problème de répartition au niveau du BSDA.

Je vois mes chansons qui passent régulièrement à la radio et à la télévision, mais on ne le mentionne jamais dans ma fiche de paye. Il y a un véritable problème. Il faut appeler le chat par son nom. Je ne suis pas le genre à râler tout le temps. Mais, il est temps qu’on parle du fond du problème. Il y a un problème au niveau de la répartition des droits et je le ferai savoir au moment venu.

Que vaut aujourd’hui le BSDA, avec la nouvelle société de gestion des droits collectifs ?

Le BSDA est encore notre maison et nous sommes tous des sociétaires. Il était temps qu’on ait une maison parallèle, pour les droits voisins et une répartition équitable. Au niveau de la France, il y a la SACEM et tant d’autres structures, pour la gestion et la répartition des droits. Cela existe aussi dans plusieurs pays africains. Au Sénégal, des gens se sont battus pour que cela soit effectif.

N’avez-vous pas l’impression que cette nouvelle société de gestion est partie sur la base de la division ?

C’est tout à fait normal. Comme toute société qui commence, il y a toujours des divergences. Tout le monde ne peut pas avoir la même opinion par rapport à un sujet commun. C’est pareil pour la politique et le sport. A l’état embryonnaire, la société est susceptible de connaître des divisions et des divergences.

J’ai été étonné d’entendre dire que les musiciens sont privilégiés, parce qu’ils paraissent plus nombreux. Cela ne se discute pas. Que vous soyez dix ou mille, ce n’est pas notre problème. L’essentiel est que les gens soient rémunérés à juste titre. Ce n’est un problème de nombre, mais d’efficacité.

On a vu une équipe de football jouer à dix et battre l’adversaire avec onze joueurs. C’est l’efficacité qui compte. Il faut qu’on soit au-dessus de certains problèmes, ça nous retarde. Quand je pense que certains voulaient même incriminer le ministre de la Culture.

Ce sont des gens qui ne comprennent rien du tout. La création de la nouvelle société de gestion est de l’intérêt de tous les artistes, sans aucune forme de discrimination. Nous avons intérêt à ce que cette société de gestion soit consolidée.

Pour revenir à votre carrière, quelle est votre plus grande récompense avec Africando ?

On a eu un disque d’or avec le concert du Zénith pour l’album Martina.

Quels sont vos projets ?

Je veux me faire traiter d’abord pour retrouver la plénitude de ma voix. Parce que j’ai la musique dans le cœur et beaucoup de choses à prouver. Il me faut un album en solo de grande envergure. Et cela demande du travail. Je m’y attelle matin et soir, depuis mon absence de la scène musicale.

Je veux construire un centre de loisirs, au niveau de Fatick, ma ville natale. Je veux y former des jeunes et que d’autres puissent s’y épanouir, dans une diversité culturelle. Je pense qu’un centre de loisirs et de sports est très important à Fatick. C’est mon objectif.

Almami Camara

 

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