Publié le 13 Jan 2014 - 20:46
LE PRÉSIDENT MACKY SALL SUR TV5 MONDE

''J'ai beaucoup d'affection pour le Président Wade''

 

La chaîne francophone TV5 avait comme invité hier soir le Président Macky Sall. Ce dernier a abordé plusieurs questions liées à la situation économique, politique, la traque des biens mal acquis, l'affaire Hissein Habré entre autres. Il réfute les critiques à lui adressées et déroule ses arguments. Extraits...

 

Invité de l'émission ''Et si vous me disiez toute la vérité'', diffusée hier dimanche par la chaîne francophone TV5 Monde, Macky Sall a abordé la question de l'impatience de ses concitoyens par rapport aux promesses de campagne qui tardent à se concrétiser. ''Je comprends cette impatience, encore qu'il faille relativiser. Dire que les choses tardent à venir, c'est vraiment ne pas nous juger selon les réalités de ce que nous faisons au quotidien.

On attend tout, tout de suite, immédiatement, Et ça ce n'est pas possible. Il faut dire aux gens ce qui est possible'', défend Macky Sall. Et de poursuivre : ''en 21 mois, la première urgence pour moi était d'abord de réinstaurer l'Etat de droit dans ce pays, de faire en sorte que les citoyens soient égaux devant la loi, de combattre une certaine injustice sociale et veiller à ce que le peu de richesses qui existe dans ce pays soit relativement équitablement réparti.

Cela, nous l'avons réussi, car depuis que je suis là, les transferts de ressources se sont faits massivement de l'Etat central vers le milieu rural, vers les zones les plus défavorisées. J'ai voulu donc attaquer cette extrême pauvreté, en mettant en place des dispositifs très clairs.

D'abord, une politique de bourses pour les familles très pauvres ayant un revenu inférieur à 200 euros par an. J'ai lancé en même temps une politique de couverture maladie universelle, puisqu'au Sénégal, sur 100 personnes, seules 20 ont une couverture maladie, les 80% n'ont aucune possibilité de se faire soigner. Donc il faut attaquer ce problème''.

Aussi, après l'État de droit et la remise en ordre par l'égalité des citoyens devant la loi, Macky Sall ajoute ''le fait qu'aujourd'hui, l'argent facile ne peut plus prospérer, parce qu'il faut que l'on comprenne que le développement d'un pays se fera par le travail et non par des raccourcis''.

''C'est faux de dire qu'une seule personne a été arrêtée''

La transition est vite faite pour aborder la question de la lutte contre l'enrichissement illicite et la Cour qui la prend en charge. ''Le principe est qu'une fois que cette Cour (Cour de répression de l'enrichissement illicite – CREI) qui a vocation à réprimer l'enrichissement illicite est mis en œuvre, elle se saisit et elle a eu à instruire un certain nombre de dossiers dont celui de M. Wade, mais il y a d'autres dossiers. Mais parallèlement à l'action de la Cour de répression, j'ai engagé d'autres actions.

La première, c'est que nous avons la Haute Cour de justice, qui est compétente pour juger des anciens ministres, qui ont le privilège de juridiction. Au niveau de la Haute Cour de justice, des résultats d'audit ont été faits et y seront transférés. Ceux qui ne bénéficient pas de privilège de juridiction sont pour le moment arrêtés et mis en prison. Donc, il y a plusieurs personnes qui sont arrêtées, il ne faut pas dire qu'il n'y a qu'une seule personne qui est arrêtée, c'est tout à fait faux.

Ensuite il n'est pas juste de dire que tout le monde est inquiété parmi les anciens dignitaires. Je ne crois pas que ce soit un acharnement. Évidemment, c'est un slogan qu'on peut poser. Je fais fondamentalement confiance à la Justice du Sénégal. Je ne le dis pas simplement parce qu'aujourd'hui, je suis président de la République. Moi-même j'ai été accusé de blanchiment d'argent quand j'étais opposant, par le PDS. Le dossier, c'est les juges qui l'ont traité et dans le sens juste'', a-t-il confié à TV5.

'''J'ai beaucoup d'affection pour le président Abdoulaye Wade''

L'arrestation de Karim Wade qui croupit en prison n'a pas dû améliorer ses relations avec Me Abdoulaye Wade. Macky Sall s'en désole avec un sourire : ''Curieusement, moi j'ai beaucoup d'affection pour le président Abdoulaye Wade, je ne peux pas le récuser.

Et j'ai toujours de l'affection pour lui, pour tout ce qu'il a fait pour ce pays, pour son combat dans la vie, parce qu'il a eu un parcours exceptionnel, même si malheureusement, à la sortie, ça a été raté. Mais cela n'enlève en rien son mérite, son combat de 26 ans d'opposition. Étant président, il a fait ce qu'il a pu, il a amorcé le travail. C'est à moi de terminer ce travail aujourd'hui et demain, mon successeur poursuivra, ainsi va la vie''.

''Diouf et moi...''

Avec l'ancien président Abdou Diouf, le courant passe plutôt bien, reconnaît Macky Sall. ''Je crois qu'il a montré beaucoup d'affection pour moi. Ce que j'apprécie hautement et j'ai la même affection pour lui. Avec le président Diouf, tout de suite le courant est passé. Avant même que je ne sois président, nous avons eu ce rapport. Déjà, quand j'étais à l'Assemblée nationale, chaque fois que nous avons eu l'occasion de nous rencontrer, il m'a prodigué des conseils. Par rapport à son style, je crois que nous nous sommes tout naturellement appréciés mutuellement''.

''Idrissa Seck est un adversaire de taille''

Le divorce consommé avec son allié à la présidentielle, Idrissa Seck, Macky Sall dit le déplorer. Toutefois, il l'accepte. ''Parce que c'est ce qui devait se passer. Je pense qu'en politique on ne peut pas faire l'unanimité. Il faut être réaliste. M. Idrissa Seck, je le respecte aussi''. Et à la question de savoir s'ils sont désormais des ennemis, le président Sall répond sans hésiter : ''Pas des ennemis, mais des adversaires.

Puisqu'en politique, il faut aussi des adversaires, des adversaires de taille, sinon, il n'y a pas de challenge. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Je crois que le sens d'une belle victoire, c'est d'avoir en face des adversaires de taille et je crois qu'il en est un. Il a accompagné ma candidature au second tour, comme l'ensemble des candidats. Nous tous, du reste, nous étions engagés, pour le départ du président Wade, à soutenir le candidat qui arriverait en tête.

Mais très vite, il est apparu des divergences, parce qu'on ne peut pas accompagner un pouvoir et le critiquer en même temps,. Donc autant constater que ça ne peut pas continuer et chacun reprend sa liberté, mais tout cela dans une adversité républicaine, démocratique et saine'', estime le président Sall.

L'affaire Hissein Habré

A propos du procès de l'ancien président tchadien Hissein Habré, certains chefs d'Etat africains en feraient le reproche à Macky Sall. ''Ceux qui me le reprochent n'ont pas à mon sens la bonne lecture du cas du président Habré. Parce que d'abord, j'ai trouvé un dossier pendant. Le Sénégal a été mandaté par l'Union africaine, sous le président Abdoulaye Wade, qui s'était engagé à exécuter ce mandat de l'Union africaine. Ce mandat disait que nous en avions assez de voir nos dirigeants expatriés et jugés à l'extérieur. Il fallait donc que l'Afrique s'organise.

Et comme il était en asile au Sénégal et que la législation sénégalaise a été modifiée pour intégrer dans son droit positif les nouvelles dispositions de lutte contre les crimes contre l'humanité, crimes de guerre et génocide, et que ce dispositif permettait la rétroactivité – autrement ce principe n'était pas applicable - ; et au même moment où je prenais fonction, il y avait la Belgique qui demandait l'extradition que j'ai refusé catégoriquement, parce que je considérais que nous n'avions pas à extrader un ancien président africain dans ces conditions.

Mais on ne peut pas ne pas l'extrader et ne pas le juger en même temps'', plaide-t-il. Pourquoi alors ne pas le juger au Tchad ? ''Mais il a déjà été jugé au Tchad et condamné à mort. Ce qui signifie que s'il y retournait, il serait exécuté. Le juger au Sénégal lui permet au moins d'avoir la dignité d'un procès équitable, juste, qui respecte les droits de la défense. C'est ce qui va se passer et je veillerai personnellement à ce que tous ses droits soient respectés, dans un procès équitable. Je pense qu'on devrait plutôt féliciter le Sénégal'', renchérit Macky Sall.

 

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