Un étudiant tchadien condamné à 5 mois
Le 9ème jour du procès de Hissein Habré a été marqué par la condamnation d’un étudiant tchadien à cinq mois de prison ferme, pour trouble d’audience.
Mis à part l’incident du 7 septembre dernier, le procès de Hissein Habré s’était jusqu’à hier déroulé dans le calme. Cette quiétude a été troublée par un jeune Tchadien, étudiant à la faculté de Droit de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Mal lui en a pris, car Mahamat Togoy ne pourra plus assister aux débats depuis la salle d’audience. Le président de la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE) et ses assesseurs l’ont condamné à cinq mois ferme pour trouble d’audience. Pourtant depuis le début du procès, l’étudiant, muni d’un bloc-notes, assistait aux audiences, assis à la première rangée occupée par des proches de Hissein Habré.
Par moments, on le voyait marmonner avec son vis-à-vis en prenant des notes. Mais hier, au moment où Mahamat Hassan Abakar, président de la ‘’Commission nationale d’enquête sur les crimes et détournements commis par Habré de 1982 à 1990’’, répondait aux questions de l’un des avocats de Hissein Habré relativement à l’imputabilité des faits, il a bruyamment réagi. Alors que le témoin répondait à Me Abdou Gningue, Mahamat Togoy a subitement lancé : ‘’Pendant 20 ans, vous avez fait des affirmations. C’est fini les affirmations. On s’en fout de ce que vous croyez. Amenez vos preuves. Vous avez trahi le Tchad.’’
‘’L’histoire du Tchad est manipulée, depuis 20 ans’’
Le président Gberdao-Gustave Kam a réagi à cette bravade, en demandant l’expulsion de l’étudiant de la salle. Deux gendarmes se sont présentés devant le jeune Tchadien et ont tenté de jouer les conciliations, en essayant de passer outre l’injonction du juge. Mais le président a réitéré son ordre. ‘’Expulsez-le moi !’’ Mais au moment où le Tchadien se faisait expulser, le procureur général s’est levé de son siège et demandé que Mahamat Togoy soit jugé pour trouble d’audience. Après s’être concerté avec ses deux assesseurs, le président de la Chambre a demandé au gendarme de conduire l’étudiant à la barre. Après l’avoir invité à décliner son identité, le président lui a demandé de s’expliquer sur les raisons de son attitude. ‘’Mes raisons ne peuvent être que celles de mon pays, car l’histoire du Tchad est manipulée depuis 20 ans. Ce monsieur a menti’’, a répondu l’étudiant. Alors le juge lui fait savoir qu’il n’avait pas à se comporter de la sorte et que le trouble d’audience constitue un délit. ‘’Est-ce que j’ai troublé l’audience ?’’ Telle a été sa réponse au juge qui lui a notifié son inculpation.
Jugé, après une suspension d’une trentaine de minutes, Mahamat Togoy ne s’est pas gêné de déverser sa bile sur les juges. ‘’Vu la composition de cette Chambre, je ne pense pas qu’un conseil puisse me sauver’’, a-t-il lancé avec dépit, lorsque le président lui a demandé s’il avait un conseil pour sa défense. Et d’ajouter sur le même ton : ‘’On vous a nommés pour sceller un sort.’’ Interrogé sur les faits, Mahamat Togoy a nié avoir troublé l’audience et vociféré et gesticulé au moment de son expulsion.
‘’Tout ce que j’ai fait, c’est d’exprimer une expression que je regrette’’, a dit l’étudiant. Alors que le prévenu semblait s’amender, il s’est montré méprisant à l’endroit du procureur général Mbacké Fall qui lui a demandé ses liens de parenté avec Hissein Habré. ‘’Je ne parle pas à ce monsieur’’, a-t-il lancé à l’endroit de la Chambre. ‘’Mais ce monsieur est le procureur général’’, a rétorqué le président Kam. ‘’Soit, mais il reste un monsieur’’, a lancé le prévenu à l’endroit du parquetier qui a requis deux ans ferme. Mbacké Fall de dire que le président a été clément jusque-là et que le prévenu ne mérite aucune clémence, vu qu’il n’a aucun respect pour les juges. Il a également évoqué le fait que l’étudiant fasse partie du groupe des 14 Tchadiens arrêtés le 7 septembre passé mais finalement relâchés, suite au pardon du juge Kam.
‘’J’assume ma réaction’’
Me Alioune Cissé de la défense a plaidé la clémence, en demandant à la Chambre de faire preuve de compréhension à l’égard de l’étudiant poussé par sa fougue de jeunesse. ‘’Je souhaite qu’on considère que c’est un simple incident qui ne se reproduira pas’’, a-t-il plaidé. A sa suite, son client dira que son acte n’est pas prémédité, car sa réaction allait être autrement. ‘’Si vous imaginez l’effet que ce rapport a eu sur mon peuple, vous saurez que ma réaction est très minimale. Je ne suis pas du genre à causer du trouble, mais j’assume ma réaction.’’
Il a été condamné à cinq mois d’emprisonnement ferme. Une peine qui n’a pas semblé ébranler le jeune Tchadien. ‘’Vous me condamnez. C’est la preuve de vos rémunérations. On vous paie pour ça, mais le Tchad restera libre’’, a-t-il martelé en retournant au box.
FATOU SY