Wade, un hôte encombrant
Ce n'est pas forcément pour défier le nouveau pouvoir que Me Wade est resté au Sénégal depuis sa défaite du 25 mars. Mais c'est plutôt parce qu'il n'était attendu nulle part...
Me Wade est rentré à Dakar ce week-end dernier en provenance d’Arabie Saoudite. Aujourd’hui, on en sait un peu plus sur sa lancinante présence au Sénégal après sa défaite à l’élection présidentielle du 25 mars dernier. Contrairement à ses prédécesseurs,le dinosaure n’a pas voulu rentrer dans sa grotte. Là où Senghor s’est retiré en Normandie et Abdou Diouf à Paris, Abdoulaye Wade a décidé de rester à Dakar, alors que son successeur à la tête de l’Etat, Macky Sall, prenait ses quartiers au palais de la République. En vieux politicien rusé, Ndiombor aurait décidé de se figer dans son pays natal ; d’abord pour ne pas donner l’idée qu’il allait fuir avec les grosses tuiles qui planent sur sa gestion. Ensuite qu’il ne devait pas abandonner sa formation politique. La preuve, le comité directeur du Pds qu’il a présidé la semaine dernière pour exclure les animateurs de la coalition «Bokk Gis Gis» animée par les présidents du Sénat (Pape Diop) et de l’Assemblée nationale (Mamadou Seck) et les audiences tous azimuts qu’il accorde à ce qui lui reste de sympathisants. C’était, grosso modo, l’idée que tout le monde se faisait. Eh bien ! Les choses sont un peu plus compliquées...
S’il est resté reclus ici, c’est que personne n’a envie de lui dérouler un tapis rouge à l’étranger. Abdoulaye Wade a émis la volonté de se rendre en Arabie Saoudite dès les premiers jours qui ont suivi sa défaite du 25 mars, mais il n’a pu le faire aussi facilement qu’il le pensait. La raison est toute simple : il n'y avait personne pour l’accueillir. En effet, selon des sources diplomatiques, Me Wade n’était pas le bienvenu là-bas. En réalité, toutes les portes se sont fermées devant lui.
La diatribe qu’il a servie à propos d’une «conspiration étrangère» contre lui pour expliquer sa défaite lors de l’élection présidentielle de 2012 n’a pas été pour arranger les choses. Dans les faits, il n'y a que ses «réseaux» marocains qui étaient encore actifs. En septembre 2011, il avait effectué un séjour de quinze jours à Tanger, dans le nord du royaume chérifien, après avoir participé à Paris à une rencontre internationale sur la Libye.
Naturellement, Paris lui avait depuis longtemps fait savoir qu’il n’était plus dans ses plans. Aucune grande capitale ne lui avait confirmé qu’il allait être accueilli à la hauteur de son rang. Si, par la voix de Johnnie Carson, le chargé des Affaires africaines au département d’Etat, les Américains l’avaient félicité parce qu'il avait tôt fait de reconnaître sa défaite - après l’avoir menacé de leurs foudres -, ils n’étaient pas non plus prêts à l’accueillir.
Moralité : il ne faut pas considérer la bruyante présence de l'ex-président comme une sorte de défiance au nouveau régime, mais bien comme la preuve qu’il n’était attendu nulle part. Dans un contexte international tendu, les protocoles des grandes capitales où il comptait se rendre ont d’autres chats à fouetter...
ABDOULAYE SANGHARÉ