Publié le 24 Jan 2016 - 20:26
FAMARA IBRAHIMA CISSÉ (PRÉSIDENT DE L’ACSIF)

"Il faut que les banques arrêtent d’arnaquer les clients…"

 

L’Association des clients et sociétaires des institutions financières (Acsif) avait décrété, le lundi 18 janvier 2016, ‘’journée banque morte’’ sur toute l’étendue du territoire. Dans cet entretien accordé à EnQuête, son président Famara Ibrahima Cissé tire le bilan de cette journée et lève un coin du voile  sur les futurs combats que l’Acsif compte mener.

 

L’Acsif  avait décrété le lundi 18 janvier ‘’journée banque morte’’. Quel bilan pouvez-vous en tirer ?

C’est un bilan mitigé mais positif. À l’intérieur du pays, le mot d’ordre a été très bien suivi dans tous les départements. Là où nous avons ressenti quelques couacs, c’est à Dakar où lorsque nous avons fait le tour des banques, il nous est donné de constater qu’il y a eu des résistances. Des clients nous ont dit qu’ils n’étaient pas informés, c’est pourquoi ils se sont rendus à la banque. Mais globalement, l’objectif a été atteint parce qu’il s’agit, pour nous, d’informer la population sur la question. Les banques ont voulu hausser certaines  taxes sans en discuter avec les associations de consommateurs, sans en informer les clients. En réalité, s’il doit y avoir hausse, les grilles d’affichage de façon générale devraient évoluer, ce qui n’a pas été fait.

Aucune grille d’affichage n’a connu un changement avec les nouveaux prix, les catalogues qui étaient dans les banques et qui permettaient aux clients de retirer les spécimens pour voir les nouveaux prix n’ont pas évolués. Les sms et mails qu’ils devraient envoyer aux clients pour les informer n’ont pas été envoyés. Donc, c’est une hausse unilatérale et furtivement effectuée. L’objectif de l’Acsif est d’informer toute la population clientèle sur la question, que les gens sachent qu’à compter du 1er janvier 2016, les banques ont pris sur elles la responsabilité d’augmenter les prix des services qui impactent lourdement sur le pouvoir d’achat des clients.

Mais on a l’impression que les clients ne comprennent pas le sens de votre combat puisqu’ils ne respectent pas dans leur grande majorité vos mots d’ordre ?

Les clients défendent la même cause que nous. Ils suivent, dans leur majorité, les mots d’ordre. Mais toujours est-il que quand nous descendons sur le terrain, nous voyons certains qui nous disent ne pas être informés. Ils ne disent pas qu’ils ne vont pas suivre mais ils disent simplement qu’ils ne sont pas informés. Un argument trop léger que nous ne cautionnons pas.

Est-ce qu’il n’y a pas un problème de communication que vous devrez régler au préalable ?

Non je ne pense pas qu’il y ait un problème de communication. Nous allons diversifier le combat. Ce que nous comptons faire, c’est de donner d’autres formes de mots d’ordre en demandant par exemple aux épargnants de retirer leur épargne de certaines banques. Actuellement, nous sommes en train de faire un travail qui consiste à évaluer le taux d’augmentation pour chaque banque. Je le précise : toutes les banques n’ont pas augmenté de la même façon les mêmes produits, les mêmes services bancaires. Chaque banque a choisi quelques services qu’elle a augmentés. Maintenant nous allons déterminer, en fonction des banques, celle qui s’est le plus illustrée dans la hausse et nous allons simplement demander aux épargnants de retirer leur épargne de cette banque-là. Si la banque persiste, nous allons demander aux clients de ne plus adhérer à cette institution bancaire, de la boycotter complétement et si elle persiste encore, nous allons demander à ses propres clients de se retirer tout bonnement de cette banque. C’est une nouvelle forme de lutte, une nouvelle forme de combat auxquelles nous tendons pour dissuader les banques à maintenir la hausse.

Vous dénoncez les hausses furtives des prix des services bancaires depuis le 1er janvier 2016. En réalité, quels sont les services concernés ?

Il y a plusieurs services notamment les frais de gestion de compte qui ont connu une hausse. Il y a les différents chèques : chèques de guichet, chèques sans provision, chéquier… qui ont augmenté. Il y a aussi diverses commissions qui ont augmenté. Les pénalités ont aussi augmenté. Donc, il s’agit des services de consommation courante. Et ce sont des hausses qui vont impacter lourdement sur le pouvoir d’achat des clients.

Mais est-ce que les clients ont été informés avant l’entrée en vigueur de ces hausses ?

Ils n’ont jamais été informés de ces hausses, ce que nous dénonçons. La moindre des choses, c’est d’envoyer un mail ou faire évoluer les grilles d’affichage des conditions générales de la banque pour que le client sache qu’il y a eu des augmentations. Malheureusement, tout cela n’a pas été fait. Ce qui fait que nous, nous dénonçons cette pratique qui n’est pas saine, qui n’est pas moralement valide, dans le seul but d’arnaquer les clients. Il faut que cela cesse.

La Banque Centrale avait édicté 19 services qui devaient être gratuits. Qu’en est-il aujourd’hui ?

La Banque Centrale avait publié que 19 mesures allaient être gratuites à compter du 1er octobre 2014. Lorsque nous avons vérifié l’applicabilité de ces 19 mesures, nous, nous sommes rendu compte qu’il n’en était rien. Jusqu’au moment ou je vous parle (l’entretien a eu lieu le jeudi 21 janvier 2016, Ndlr), aucune banque n’est dans l’application totale des 19 mesures. J’en déduis tout simplement que c’était un effet d’annonce, une annonce à grande pompe qui, aujourd’hui, a accouché d’une souris.

Mais face à cette situation, qui doit agir ?

C’est la Banque Centrale qui doit prendre des mesures. Elle avait dit que les banques qui étaient recensées dans le refus de l’application des 19 mesures allaient être sanctionnées. Une sanction qui n’a jamais vu le jour. Je le répète encore, c’est une proposition et une annonce trompeuse pour dire simplement que la Banque Centrale ne joue pas correctement son rôle et ne joue pas franc jeu avec la clientèle.

Vous avez toujours dénoncé des ponctions qui ont été opérées par les banques. Ces pratiques sont-elles toujours courantes ?

Oui, des ponctions abusives qui n’ont aucun fondement juridique ni financier. Une banque qui prend sur elle la responsabilité, à la fin de l’année, de prélever une faramineuse somme de 17 500 F sur le compte de chaque client qui a un prêt. Pour un client qui a deux prêts c’est 31 000 F, sans pour autant que cela figure dans les conditions générales de la banque, sans pour autant qu’il figure dans la convention qui lie le client à la banque, sans pour autant que le client ne soit informé à temps. C’est une ponction abusive, arbitraire que nous avons décidé de combattre et que nous allons combattre.

Que dire des taux d’intérêt que beaucoup de clients jugent très élevés. Est-ce que l’Acsif est toujours dans ce combat ?

Les taux d’intérêt ont connu le 1er janvier 2016 une autre hausse. A dire vrai, les taux d’intérêt ne cessent d’augmenter dans ce pays, ce qui est extrêmement grave. Malgré la concurrence, entre guillemets, car en réalité il n’y a pas de concurrence entre les banques parce que c’est les mêmes actionnaires qui sont dans toutes les banques. Il n’y a pas de concurrence parce que la concurrence suppose que tu puisses quitter une banque pour aller dans une autre. Mais cela ne peut pas se faire. Aujourd’hui, pour changer de banque, le client paie une somme de 175 500 F, ce qui est grave. Globalement, disons qu’il n’y a pas de concurrence entre les banques. Ce qui fait que les taux d’intérêt ne cessent de flamber, impactant lourdement sur le pouvoir d’achat du client, du consommateur.

Et dans tout cela, quel rôle doit jouer l’Etat ?

Du point de vue étatique et législatif, nous devons connaître des améliorations. Notre arsenal juridique comporte un vide sur certaines questions concernant le surendettement, la loi sur les délais de rétractation que nous avons proposée et qui n’existe pas jusqu’à présent, la loi sur le délai de grâce qui devrait être votée à l’Assemblée nationale et malheureusement, elle tarde à être votée par les députés, la loi sur la criminalité des détournements financiers qui n’est pas encore votée dans ce pays. Globalement, l’Etat doit prendre des mesures législatives très fortes allant dans le sens de veiller à protéger le client. Donc, des lois protectrices du client parce que tout simplement le contrat qui oppose la banque au client n’est pas un contrat d’égal à égal mais, c’est un contrat déséquilibré qui mérite une protection du client comme cela se fait dans les pays développés.  

PAR ALIOU NGAMBY NDIAYE

 

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