‘’To be, or not to be?’’
Abdoul Mbaye, le banquier de métier et Premier ministre d’occasion (si pas de raccroc) vient donc de sauter le pas. Il a franchi le Rubicon et est entré en politique ! Senghor disait que, pour sa part, il ‘’y était tombé !’’ Au sens où il n’y avait jamais seulement songé. Pour Abdoul Mbaye, au contraire, son irruption en politique n’aura pas surpris grand monde, sinon personne en fait. Dans la mesure où, de la politique, il en faisait et pas qu’un peu à l’instar de M. Jourdain qui, on le sait, faisait de la prose sans, lui-même, le savoir.
J’exagère un peu là et suis injuste car, M. Mbaye lui ne ‘’faisait pas de la prose sans le savoir’’ mais seulement sans que nul autre, en dehors d’un petit cercle d’affaires, ne le puisse savoir. C’est fort différent, n’est-ce pas ? Je vais dire que bien loin d’être un quelconque et vulgaire grison, il était, au contraire, un sacré rusé renard ! Car, il se protégeait en fait. Il se cachait des méchants et des envieux et de tous ceux qui, le voyant poindre du levant, n’auraient de cesse que de vouloir précipiter au fond du couchant le merveilleux soleil qu’il veut, lui, figurer dans le ciel, un peu gris à son goût, de la politique sénégalaise !
Ce faisant (Kuy yoot du sëxxët), il n’avait pas tort ! Car les gens sont vraiment méchants et, surtout, dans ce milieu-là. Toujours ils vous guettent et vous guetteront, n’attendant même pas vos fautes mais, les suscitant au contraire, afin de pouvoir, ensuite et avec la meilleure conscience, vous tomber dessus comme la vérole sur le bas-clergé ! En politique, il faut veiller tous les jours à bien compter ses abattis (sinon à les numéroter) puisque jamais l’on y sait ni l’on y saura jamais quelque chose avec certitude. Sauf, peut-être, que toute faute s’y paye cash et souvent avec usure !
Si bien donc que de ce point de vue-là, je suis un peu attristé de la décision que vient de prendre M. Abdoul Mbaye. Car s’il est bien vrai qu’il n’a pas fait que bien à tout le monde, au cours de sa déjà longue carrière, il n’a pas non plus fait du mal à tous ! On ne peut, aussi, lui dénier de l’intelligence, de la prestance ni lui contester une espèce de talent, de savoir-faire en matières financières ! L’argent, le travailler, le faire travailler afin qu’il rapporte et rapporte toujours plus, ça, c’est son ‘’job’’, sa marotte, son génie. Ce n’est pas rien ça ! Surtout dans le monde où l’on vit et où tout est ‘’dérégulé’’ et c’est la ‘’finance’’ qui gouverne et non plus l’économie-réelle ou la politique !
Pourquoi donc, dans ce cas, pourquoi alors s’embêter à aller faire de la politique où il n’y a (et surtout) que des coups à prendre alors même qu’elle ne ‘’gouverne’’ plus rien comme je viens de le dire ? Et cela, contrairement à la ‘’Finance’’ dont Abdoul Mbaye, justement, est un professionnel reconnu et un expert avéré. Ce serait à n’y rien comprendre, s’il ne fallait tenir compte de l’égo des gens et de l’extrême complexité de la société sénégalaise. ‘’Tirer les ficelles’’ d’ailleurs, d’en haut ou d’en bas, des coulisses pour tout dire ne peut plus suffire à la satisfaction de certains de ces égo-là : il leur faut, à tout prix, être devant et visibles par tous et de tous ! Y’en a marre des coulisses et du trou du souffleur sur la scène, il leur faut les feux et tous les feux de la rampe pour jouer la ‘’grande scène’’ du II où, seuls en scène, ils pourront déclamer et dire, nouveaux Hamlet : ‘’To be, or not to be !’’ Là est la question ! Certes oui, assurément, là est la question en effet !
Que peut donc apporter Abdoul Mbaye de positif et qui soit neuf dans le paysage politique sénégalais ? Je cherche et je ne vois pas ; alors là, vraiment je ne vois pas. Si c’est d’avoir été Premier ministre et d’être donc censé connaître les dossiers de l’Etat qui le motiverait, il faudrait lui citer les cas des Habib Thiam, Lamine Loum, Mame Madior Boye, Hadjibou Soumaré, etc. à qui l’idée n’est jamais venue de ‘’candidater’’ un jour contre qui les avait nommé Premier ministre. Pour Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Macky Sall, tous ont encore en mémoire comment et pourquoi ils en sont arrivés là !
Si c’est d’être banquier, au fait de la finance ou même, simplement ‘’Fils de…’’, il vient avec pas mal de retard puisque Karim Wade a, déjà et sur ce plan, mis tout le monde d’accord : il vient de la ‘’City’’ de Londres qui est à la ‘’Finance’’ presque ce que La Mecque est pour nous musulmans et est tellement ‘’Fils de…’’ qu’il purge actuellement une peine de prison pour un délit connexe à… cette parenté !
De devoir parler ici du fils Wade et de son cas si emblématique nous à amené à repenser à ces mots terribles de Folcoche, je crois dans ‘’Vipère au poing’’ : ‘’Familles, je vous hais !’’ Qui peut ignorer en effet la position, ô combien excessive et enviable, qui fut la sienne entre 2000 et 2012 et le sort qui est le sien aujourd’hui dans cet univers si oppressant de Rebeuss ? Personne je crois or, c’est d’être juste le fils de son père et de vouloir se comporter tel qu’il pensait que ce dit fils dût le faire qui l’a conduit là où il se trouve à présent ! Rien de plus car, entre le capitole et la roche tarpéienne, il n’y a qu’un seul pas mais c’est celui qui, en politique, sépare très distinctement, la vie de la mort. Politique toujours bien entendu !
Par Abdoul Salam Kane