Rallumer les feux de l’amour
C’est un drôle de constat qui roule comme un ballon sur le pré d’un doux euphémisme. Dans un pays où l’idée de rentrée charrie une rumeur de clashes, de tensions et de dissensions, celle des Lions de cet après-midi sera aussi détonante que le sens à donner à ce sympathique rendez-vous d’hivernage où le football sénégalais ne s’ébroue que dans les rencontres mineures d’attrait populaire des ‘’Navétanes’’.
L’Equipe nationale du Sénégal s’apprête donc à évacuer son dernier match des éliminatoires à la Can 2017, sans qu’aucune pression ne vienne l’escorter. Sans qu’aucun enjeu, si ce n’est celui de l’illisible classement Fifa, n’apporte quelque relief à cette morne plaine où Lions et Brave Warriors se sont donné rendez-vous. Un sentiment d’aise qui a trouvé genèse dans l’accomplissement parfait par les ouailles d’Aliou Cissé de leurs devoirs initiaux et qui trouve sens dans la faiblesse de sa poule de qualifications. Une ambivalence entre le genre amical et le mode compétition qui va faire de ce Namibie-Sénégal un match détonnant. Etonnant aussi. Parce que le microcosme du football local a passé sa semaine la tête enfouie dans les encyclopédies du jeu, à chercher par quelle subtilité technico-tactique, par quel tour de passe-passe fourguer de l’enjeu à un match vide d’enjeu…
Que faire de ce Sénégal-Namibie ? L’idée aurait été de le banaliser si les Lions avaient fait montre autant de facilité dans le jeu que le laisse subodorer le grand écart arithmétique entre eux et leurs faibles challengers de la poule. Mais voilà, ce Sénégal d’Aliou Cissé a les godasses coincées au stade clair-obscur, plantées entre la réalité de l’image (son potentiel) et l’image de la réalité (son football quelconque). Jusque-là, la bande au capitaine Cheikhou Kouyaté a montré qu’elle sait gagner, mais il lui reste à démontrer qu’elle sait jouer. Puisque l’art de vaincre sans avoir raison peut prospérer contre les petites nations qui ont servi de sparring-partners aux Lions dans sa marche vers Gabon 2017, mais il pourrait ne point suffire au moment de se frotter aux cadors du continent en janvier-février prochains.
Que faire de ce match alors ? L’on espère pour les (télé)spectateurs que le tableau d’affichage de fortune du stade Léopold Senghor ne va pas rester figé, mais ce Sénégal-Namibie ne devra(it) pas être un but, mais un moyen. Celui de faire avancer le chantier collectif d’une équipe sénégalaise dont les représentations n’ont jusque-là pas dissipé les impressions malaisées qui naissent, grandissent et refusent de mourir à chacune de ses sorties. A quelques mois du grand rendez-vous gabonais, il semble de plus en plus pressant de se donner les moyens et les arguments de trouver un langage commun, de mettre de l’huile dans les rouages du moteur et d’envoyer, malgré des états de forme dissemblables, le message du jeu à un peuple qui n’a ‘’dieu’’ que pour le beau football.
Que faire de ce match finalement ? Sinon de le réinventer en fête du football. Car le souhait, outre le devoir de résorber le gap visuel entre l’aisance de leur qualification à la Can et la déficience de leur expression collective, est que les Lions adressent un mot d’amour aux Sénégalais. Qu’Aliou Cissé, par ce temps de canicule, ouvre portes et fenêtres aux rares ‘’artistes’’ de la Tanière, afin de laisser souffler un vent de fraîcheur et de bonheur autour de la sélection nationale. Parce que notre rêve à nous est de voir notre Sénégal s’avancer cet après-midi sur le pré dakarois dans un 4-2-3-1 qui confiera ses ambitions et son génie aux ‘’Artistes Associés’’.
Un trident Sadio Mané (à droite)-Younouss Sankharé (au centre)-Baldé Keïta (à gauche), posé derrière un attaquant de pointe, semble, à nos yeux, receler tellement de ressources techniques et de ressorts tactiques que le jeu sénégalais s’accompagnerait de plus de fluide, baignerait dans plus de clarté…Parce que ces garçons aux ‘’semelles de vent’’ sauront, par leurs flamboyances et leurs flamboiements, souffler sur les braises d’une passion assoupie et rallumer les feux de l’amour entre les Lions et un peuple sénégalais, encore figé dans la douce nostalgie des années 2001-2002.
En football comme ailleurs, la promesse n’est point une garantie. Mais quelque chose murmure à l’oreille du ballon que la triplette susnommée, à condition de savoir lier l’art à l’organisation, pourrait aider à rendre l’herbe de ‘’Senghor’’ plus verte. Et la Tanière mieux accompagnée dans sa quête d’or.
ABDALLAH DIAL NDIAYE