Les chantiers du PSE en retard
Les grands travaux initiés dans le cadre du PSE ont largement dépassé les délais de livraison. Ils sont en effet peu nombreux les chantiers qui ont été livrés à date échue. Ce qui irrite parfois les tenants du pouvoir, en particulier le chef de l’Etat et son Pm.
Le jour du lancement du Train express régional, le président de la République affichait son enthousiasme en ces termes : ‘’Nous sommes le mercredi 14 décembre 2016. Je donne rendez-vous aux entreprises partenaires le lundi 14 janvier 2019 pour inaugurer la ligne et faire le premier trajet Dakar-Diamniadio en TER’’. Pourtant, en faisant une telle déclaration, Macky Sall savait que ce n’était pas aussi évident qu’il le disait. En effet, le régime actuel a vraisemblablement du mal à faire respecter les délais retenus pour l’exécution de ses chantiers. La plupart des grands travaux de l’Etat a aujourd’hui dépassé les dates de livraison fixées au départ.
Le Centre international de conférence Abdou Diouf à Diamniadio (Cicad) construit en 11 mois est l’un des rares sinon le seul projet exécuté comme prévu. Macky Sall en est d’ailleurs conscient. Ce n’est pas pour rien qu’il a longuement insisté sur le respect des échéances le jour du lancement du TER. ‘’J’exhorte toutes les entreprises partenaires et toutes les autorités impliquées à différents niveaux dans la réalisation du projet à faire preuve de la même diligence dans l’exécution des travaux. Ensemble, nous avons pris des engagements ; ensemble respectons nos engagements. Alors, au travail et en avant pour les autres étapes. Et croyez-moi, je ferai souvent des visites de chantier sans prévenir !’’ avertissait-il.
Il y a en vérité de quoi mettre la pression sur les entreprises. En effet, le chef de l’Etat s’était montré enthousiaste pour un autre chantier, mais rien ne s’est fait comme annoncé. Marché remporté par les Marocains du groupe Addoha, la Cité de l’émergence située sur l’ancienne gare routière de Pompiers figure en tête de liste des projets lancés par l’actuel régime. La pose de la première pierre a eu lieu le 23 septembre 2014. Ce jour-là, Macky Sall n’avait pas caché sa satisfaction d’avoir lancé la phase II du Plan Sénégal émergeant. ‘’A l’instar du Sénégal que nous voulons tirer vers le haut, s’élèveront, dans un délai de 24 mois, 17 tours de 10 étages chacune, soit 648 logements toutes catégories confondues, pour un coût global de 21 milliards de F Cfa’’, affirmait-il avec fierté. Et pour montrer à tous les sceptiques que le train de l’émergence a quitté la gare (Pompiers), le chef de l’Etat profite de l’occasion pour annoncer plusieurs autres bâtiments qui sortiraient de terre sous peu.
24 mois pour tout finir, cela veut dire que la livraison devait avoir lieu le 23 septembre 2016. Six mois après la date limite, les clés ne sont toujours pas remises au Premier des Sénégalais. Et aujourd’hui vu l’état d’avancement des travaux, il est évident qu’il faudra encore attendre pour assister à l’inauguration. Il faut d’ailleurs s’interroger sur le fait que le sujet n’ait pas été abordé publiquement lors de la visite du roi du Maroc le 6 novembre 2016. Si le chantier était terminé, sans doute que Macky Sall et Mouhamed VI n’auraient pas manqué de s’afficher l’un à côté de l’autre pour recevoir les clés ou inaugurer la bâtisse, afin de célébrer davantage une ‘’coopération magnifique’’ à l’image de ce ‘’bijou de 17 tours’’. Quant à la Cité de l’avenir qui devait être érigée à Patte d’Oie, on n’en entend plus parler.
‘’On ne peut pas, à ce rythme de caméléon…’’
Le pôle urbain de Diamniadio constitue, avec ses différentes composantes, le projet phare du chef de l’Etat. Lancée en grande pompe en mai 2014 avec la mobilisation de toute la République à la nouvelle ville, les travaux ont accusé beaucoup de retard. La livraison des bâtiments était arrêtée au plus tard en octobre 2016. Seydou Guèye le porte-parole du gouvernement avait même promis que les premières réceptions allaient avoir lieu en décembre 2015. A ce jour, rien n’a été inauguré. Au contraire, les retards accusés avaient obligé le Premier ministre à monter au front pour remonter les bretelles aux entreprises maître d’œuvre. Le mercredi 11 novembre 2015, Mahammed Dionne avait convié les acteurs concernés à savoir ministres, directeurs généraux de structures publiques et entreprises adjudicataires à une séance de travail. C’était une occasion pour le Pm de faire le constat ‘’amer’’ mais aussi de dire ses quatre vérités aux partenaires. ‘’On ne peut pas, à ce rythme de caméléon, montrer quelque chose aux Sénégalais. Il faut accélérer les travaux’’, leur a-t-il lancé.
Afin que nul ne doute de la détermination de l’Etat, le chef du gouvernement donne rendez-vous aux entreprises le 15 décembre 2015 pour une visite de terrain. Laquelle devait être précédée par une autre séance de travail le 26 novembre 2016 pour faire le point avant la descente. Mais avant de quitter l’Assemblée, le Pm a tenu à montrer qu’il ne badinait pas sur la question. ‘’Que toute entreprise qui ne peut terminer ses chantiers à date échue le dise !’’ apostropha-t-il.
Dans le secteur de l’Enseignement supérieur, il n’y a pas plus grand travaux que les deux nouvelles universités censées désengorger Dakar ; retracer la carte universitaire et redéfinir les offres de formation. La deuxième université de Dakar dénommée Amadou Makhtar Mbow a été lancée en janvier 2015 ; il était prévu d’y recevoir la première promotion à la rentrée académique 2016-2017. Finalement, le gouvernement a été contraint d’exiger la signature du contrat avec l’entreprise avant fin 2015, alors que la procédure de passation des marchés venait juste d’être bouclée. Cette date a été donc largement manquée. Il reste à prier et à accélérer la cadence pour espérer qu’elle soit fonctionnelle en 2017-2018, comme c’est promis à nouveau.
Quant à l’université El Hadji Ibrahima Niasse du Sine Saloum, elle est restée à l’état de maquette longtemps après son lancement en avril 2015. Jusqu’à la fin de cette même année, il n’y avait pas le moindre ouvrier sur les sites. L’entreprise avait tardé à signer la convention avec le ministère de l’Economie. Après un défaut de mobilisation de ressources, le marché a été annulé. Le groupe Awiai/Ergc décide alors d’introduire un recours. Ce qui retarde les choses, alors que la première promotion devait être accueillie en octobre 2016. Une situation qui n’est pas pour plaire au chef de l’Etat.
Mary Teuw Niane se défoule sur Socé Diop Dionne
En fin septembre 2016, le Président Macky Sall exprime son impatience sur plusieurs chantiers comme ceux de l’université du Sine Saloum. ‘’Constatant des retards dans les chantiers, le chef de l’Etat a tapé du poing sur la table contre ceux qui sont chargés d’exécuter les travaux. Très ferme là-dessus et se voulant intransigeant, l’inspirateur du Pse veut que les travaux démarrent au plus tard dans deux mois.’’ Finalement, le marché sera cassé et les travaux confiés, en février dernier, à deux entreprises chinoises pour un coût de 65 milliards.
Ces mêmes problèmes de timing ont frappé tous les projets du ministère de l’enseignement supérieur. En octobre 2015, le ministre Mary Teuw Niane a rappelé à l’ordre les entreprises bénéficiaires, avant de s’en prendre violemment à la directrice de l’Agence de la construction des bâtiments et édifices publics. L’ancien recteur de Saint-Louis reprochait à Socé Diop Dionne de ne pas participer à la tournée nationale qu’il avait initiée, alors que la structure qu’elle dirige est le maître d’œuvre de plusieurs chantiers de son ministère pour un montant de 40 milliards.
En outre, l’on se souvient d’un autre chantier lancé avec forte mobilisation. Il s’agit du tronçon Fatick-Kaolack. ‘’La route de la honte’’, disent certains. Longue uniquement de 42 kilomètres, cette route est restée dans un état de dégradation pendant plusieurs années, du temps de Wade. Lorsque Macky Sall le Fatickois est arrivé au pouvoir, il a nommé Abdoul Mbaye, fils de Kaolack, Premier ministre. Moustapha Niasse, figure politique de la région, devient le président de l’Assemblée nationale. Toutes les plus grandes personnalités de la République sont donc entre Fatick et Kaolack. On se dit alors que ce tronçon sera reprise de la meilleure des manières et en un clin d’œil. Mais que Nenni ! Abdoul Mbaye est parti sans que la route ne soit réfectionnée. Il sera remplacé par une autre fille du Saloum, Aminata Touré.
‘’Difficultés de finalisation du contrat’’
Mimi aussi sera suivie par un autre enfant de la localité, Mahammed Boun Abdallah Dionne. En décembre 2014, ce dernier lance les travaux. L’on pense alors que c’est la fin du calvaire. Mais pendant les 7 mois qui ont suivi le lancement, il n’y a eu ni travaux, ni explication. Il aura fallu attendre le mois de juillet 2015 pour que le Directeur régional de l’Ageroute pour les régions du centre révèle qu’il y a eu des ‘’difficultés de finalisation du contrat’’. Selon lui, le contrat ne pouvait être signé sans s’assurer de certaines conditions et surtout l’assentiment des services compétents de l’Etat.
‘’Il fallait donner aux parties concernées le temps de négocier, d’apporter leurs observations et de connaître les tenants et les aboutissants du contrat, qui est en voie de finalisation. (…) Dès la semaine prochaine, sauf erreur, on va assister au démarrage effectif des travaux’’, expliquait-il.
Le building administratif est dans le même lot. L’imposant bâtiment devait être réfectionné pour un montant de 17 milliards. Remporté par l’entreprise Bamba Ndiaye SA, les travaux démarrés en septembre 2014 devaient durer 18 mois. Donc au plus tard, les clés devaient être livrées à la fin du premier trimestre 2016. Aujourd’hui encore, les locaux ne sont pas fonctionnels. Le Secrétaire général du gouvernement s’en est expliqué d’ailleurs récemment pour dire que le retard a eu lieu au départ et que l’adjudicataire n’est pas fautif si le délai retenu n’a pas été respecté.
En définitive, beaucoup de chantiers phare du PSE tardent à être livrés. Sans compter les travaux démarrés sous Wade comme l’aéroport Blaise Diagne dont la date de livraison ne cesse d’être reportée. Quant au pont dit de l’émergence, certes il a été inauguré mais les travaux ne sont pas réellement terminés. Les chantiers de moindre envergure ne sont pas en reste. A titre illustratif, le ministère de l’Education nationale a un programme de construction de 30 écoles dans le Sud du pays. Mais, à un an de la fin du programme, rien n’est encore sorti de terre. Il y a peut-être nécessité et même urgence à revoir les montages ou alors les entreprises bénéficiaires, afin d’éviter ces retards considérables.
BABACAR WILLANE