Publié le 13 May 2017 - 01:33
LE MAIRE ALIOUNE NDOYE ATTRAIT POUR ABUS D’AUTORITE ET COMPLICITE

500 millions F CFA réclamés à la mairie de Dakar-Plateau

 

Le maire de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye et l’un de ses agents ont été attraits hier à la barre du tribunal correctionnel pour violation de domicile, voies de fait et abus d’autorité. La partie civile reproche à l’édile de l’avoir expulsée illégalement de son lieu de commerce dont les locaux sont situés à l’école Berthe Maubert. Elle réclame des dommages et intérêts de 500 millions de francs CFA.

 

500 millions de francs CFA. C’est le montant des dommages et intérêts qu’Aminata Wade réclame à la commune de Dakar-Plateau. Son maire Alioune Ndoye a été attrait hier, à la barre du tribunal correctionnel de Dakar, pour complicité de violation de domicile, complicité de voies de fait et abus d’autorité. Son agent Adama Diop, avec qui il comparaissait est poursuivi pour auteur principal des deux premiers délits. Dès l’entame du procès, les conseils du maire ont tenté de mettre fin à la procédure en soulevant une exception de nullité. Selon les arguments brandis par Me Doudou Ndoye, la citation n’a pas précisé les faits incriminés, ni visé les textes de loi qui les répriment. Dans sa réplique, Me Souleymane Ndéné Ndiaye a reproché à son confrère ‘’de n’avoir pas bien lu la citation’’ et il a demandé que l’exception soit rejetée. Le Président Dondé a joint l’exception au fond et a ordonné l’ouverture des débats.

Au fond, Aminata Wade accuse l’édile socialiste d’avoir ordonné illégalement son expulsion de l’école Berthe Maubert où elle tenait un restaurant et une agence de voyage. Elle affirme avoir occupé les lieux sur la base d’un contrat portant sur un local à usage commercial, le 7 janvier 2010, avec le défunt directeur de l’établissement scolaire, Béthio Ndiaye, en sa qualité de secrétaire exécutif du comité de gestion. ‘’Il m’avait demandé un fonds de commerce de 10 millions mais je lui ai versé finalement 7 millions en deux tranches. C’est en janvier 2010 que j’ai commencé l’exploitation’’, a raconté la partie civile. Dans sa déposition, Mme Wade avance avoir dépensé au total 15 millions de francs CFA pour les travaux de réfection. Car, en plus de ses locaux, elle avait l’obligation de réfectionner les toilettes de l’école.

Alors qu’elle avait commencé à occuper les lieux, un jour de l’année 2011, la remplaçante de son contractant l’a menacée d’expulsion. ‘’Lorsque je lui ai montré le contrat, elle m’a dit qu’elle allait le déchirer car il n’était plus valable’’, a narré hier la plaignante. C’est en ce moment-là que ses déboires ont commencé car, en mars 2011, un huissier s’est présenté à elle pour l’expulser. Selon ses dires, lorsqu’elle a montré le contrat, l’auxiliaire de justice a dû repartir en lui disant que les choses dépassaient sa compétence.

Les choses étaient loin d’être réglées puisque le 5 avril 2011, le préfet de Dakar, accompagné d’agents, est venu l'expulser. Devant son refus, elle a été convoquée à la Police du Plateau mais finalement, elle a trouvé un répit jusqu’en juillet 2013 quand elle a reçu une nouvelle sommation. Là également, la mairie n’a pas réussi à la faire quitter des lieux et ce, jusqu’au 4 février 2014. Ce jour-là, raconte-t-elle, ‘’Adama Diop qui, courant janvier, avait cassé le tableau d’affichage du menu, est venu avec une dizaine de volontaires de la ville de Dakar pour m’expulser. C’était l’heure du déjeuner. Ils ont bousculé les clients et récupéré leurs assiettes. Mes employés ont été brutalisés. Ils n’ont pas pu emporter toutes leurs affaires. Mes lunettes et mon ordinateur sont encore sur la table de mon bureau’’. Précisant n’avoir jamais reçu de sommation de la part de la commune, la partie civile conclut sa déposition en ces termes : ‘’Tous les chats et rats du Plateau sont dans le restaurant.’’

Alioune Ndoye : ‘’La municipalité n’a pas délivré d’autorisation’’

‘’Nous n’avons touché aucun matériel. J’étais chargé de conduire l'huissier pour lui montrer les locaux. Nous n’étions pas 10 et les volontaires de la ville de Dakar ne sont pas à notre service’’, a déclaré l’agent municipal Adama Diop. Alioune Ndoye a, à son tour, d’emblée expliqué que Mme Wade occupait les locaux sans droit car l’école est déclarée patrimoine classé. D’après lui, le maire est la seule autorité à pouvoir autoriser une occupation ou des modifications. Par conséquent, la municipalité n’a pas délivré d’autorisation dans ce sens au profit de la dame. L’édile a aussi démenti l’existence d’un comité de gestion à Berthe Maubert et a relevé que le contrat de location a été signé en 2010, or le directeur signataire est parti à la retraite en 2009. A l’en croire, plusieurs sommations ont été servies à la dame mais celle-ci a toujours refusé de s’exécuter. L’édile d’ajouter que rien n’a été touché ou détruit car ‘’présentement, toutes ses affaires y sont jusqu'aux cure-dents et nappes’’. Selon toujours Alioune Ndoye, la partie civile occupait deux salles de classe et que c’est la mairie qui a réfectionné les toilettes. ‘’C’était un hangar qui servait de dépotoir d’ordures’’, a répliqué Mme Wade.

Les avocats de la partie civile : ‘’être maire ne donne pas tous les droits’’

Elle est appuyée par Me Souleymane Ndéné Ndiaye qui a soutenu que le local servait à déposer les tables-bancs cassées. Ces précisions faites, le conseil s’est mis à jeter des vertes et des pas mûres à son ex-collègue maire. ‘’Quelle que soit l'irrégularité de l'occupation, on ne peut pas expulser une personne comme on veut. Un maire ne peut pas tout se permettre. J'ai été maire pendant 14 ans mais je n’ai jamais agi de la sorte’’, a martelé l’ancien édile de la ville de Guinguinéo. Son confrère Me Baboucar Cissé a abondé dans le même sens en soutenant qu’‘’être maire ne donne pas tous les droits’’. Il a soutenu qu’Alioune Ndoye agissait comme s’il avait le droit de vie et de mort sur ses administrés de Dakar-Plateau. Pour lui, ‘’la constance de la culpabilité des prévenus ne fait l’ombre  d’aucun doute’’ surtout qu’ils ont choisi l'heure du déjeuner pour déloger les clients avec leurs assiettes. ‘’ On se considère comme au Far West. Si le maire estime que le directeur n'avait pas compétence pour signer un contrat, il aurait fallu qu'il demandât la résiliation’’, a lancé Me Cissé avant de réclamer 500 millions et que la commune soit déclarée civilement responsable. Le parquet n’a pas fait de réquisitoire et préfère se rapporter à la clairvoyance du tribunal.

Pour Me Doudou Ndoye, cette clairvoyance voudrait que le maire et son agent soient tout simplement relaxés. Il a non seulement contesté la légalité du contrat mais il a estimé qu’Alioune Ndoye a agi dans l’exercice de ses fonctions. Me Ibrahima Mbengue dira autant pour son client, l’agent Adama Diop qui, souligne-t-il, ‘’a agi dans le cadre de son travail’’. Se fondant sur la déclaration des deux témoins, il a écarté l’usage de la violence. Me Mbengue a aussi soutenu que le contrat n'est pas légal car le défunt directeur n'avait pas qualité pour le signer et la partie civile le savait bien sinon elle ne chercherait pas à rencontrer le maire. Il a rejeté le délit de violation de domicile arguant ‘’qu’une école publique ne peut pas servir de domicile à un privé’’. ‘’ Le maire est une autorité de police qui peut expulser. Adama Diop était dans l'obligation de faire son travail. Donc on ne peut rien leur reprocher. Je demande qu'ils soient renvoyés des fins de la poursuite’’, a conclu le conseil tout en précisant que l'huissier s'est présenté à 10h36mn et non à l’heure du déjeuner.

L’affaire sera vidée le 8 juin prochain.

FATOU SY

 

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