La traque continue
En sus du lancement d'une nouvelle application qui va permettre non seulement d'identifier les assujettis qui passent entre les mailles des filets, mais aussi de lutter contre les sous-déclarations, la DGID est en train de préparer les avis d'imposition, à la suite du recensement des propriétés immobilières.
La traque des délinquants fiscaux ne faiblit pas. Elle va prendre une autre dimension, avec le lancement, hier, d'une nouvelle application dénommée Asref (Application de suivi des renseignements fiscaux). Selon le représentant du ministre des Finances Mathiam Thioub, il est assigné à cet important programme trois objectifs principaux. Le premier c'est de contribuer à porter la pression fiscale à 20 %. “Aujourd’hui, les autorités veulent faire de la fiscalité un instrument de souveraineté économique et financier. Pour cela, on est obligé de porter le taux à un niveau qui nous permette de dépendre moins des financements de l’extérieur”, a souligné le conseiller technique du ministre des Finances et du Budget.
Mais comment ça va se passer, concrètement ? Comment ce nouveau projet pourrait-il contribuer à renforcer les recettes fiscales ? La directrice du Renseignement et des Stratégies de contrôle fiscal Ndèye Asta Ndao, qui vient d'être installée dans ses fonctions, a apporté des éclairages. Par cette nouvelle application, l'État entend agir sur deux leviers principalement. D'abord, s'assurer que tout le monde paie. Ensuite, que tout le monde paie ce qu'il doit. “L’application permet de croiser différentes données. Ça va donc permettre, d'une part, de confronter les éléments que nous avons et qui sont fournis par les contribuables. D’autre part, de découvrir les contribuables qui, pour une raison ou une autre, ne souscrivent pas à leurs obligations de déclaration. Voilà les deux moyens que nous allons pouvoir utiliser pour élargir l’assiette fiscale à travers une utilisation efficace de cette nouvelle application”, a-t-elle expliqué.
Les procédés pour booster l'impôt
À entendre la nouvelle directrice du Renseignement, la Direction générale des Impôts et des Domaines compte jouer sur tous les tableaux pour atteindre son objectif majeur qui consiste à élargir l'assiette fiscale. Cela passera non seulement par “l'élargissement extensif qui vise à accroitre la population fiscale”, mais aussi “l'élargissement intensif qui consiste à contrôler le niveau des déclarations pour s’assurer que chaque contribuable a fait des déclarations conformes”.
Embouchant la même trompette, le conseiller technique du ministre des Finances a soutenu que “ce projet s’inscrit dans le cadre du projet phare d’élargissement de l’assiette fiscale, de renforcer la mobilisation des recettes et de moderniser la gestion de la fiscalité”.
À l'en croire, la nouvelle application, qui a couté 1,7 million d'euros, financée à hauteur de 1,300 millions d'euros par l'Union européenne, constitue un instrument important pour booster les recettes de l'État, à travers notamment l'agrégation de plusieurs données de l'Administration et d'autres entités. “La mise en œuvre de ces mécanismes innovants va permettre de garantir une information précise et fiable”, soutient le conseiller technique du MFB.
Des avis d'impositions déjà en préparation pour les propriétaires fonciers
Outre ce nouvel outil, d'autres initiatives sont en cours pour traquer et identifier ceux qui ne paient pas encore correctement leurs impôts. Parmi ces initiatives, on peut citer les efforts pour identifier les propriétaires immobilières. Et c'est surtout la Direction des services fiscaux qui est chargée des contribuables avec un chiffre d'affaires de 100 millions ainsi que des particuliers. Cette direction, informe la directrice du Renseignement, est en train de déployer plusieurs stratégies dans ce sens et les résultats commencent à se faire sentir.
Interpellée sur le cas des acteurs du secteur informel, elle déclare : “On peut citer, dans ce cadre, le recensement des propriétés immobilières qui a été effectué par la DGID. Suite à ce recensement, on est en train de distribuer les premiers avis d’imposition. Ce sont des avis qui concernent l’année 2025 qui sont déjà sortis. C’est un des projets que je peux citer. Comme quoi, on est en train de travailler sur ce segment.”
Dans le même sillage, Mme Ndao est aussi revenue sur la collaboration avec la douane qui permet de faire des résultats importants dans l'identification de tous ces contribuables qui passent entre les mailles des filets. Elle a toutefois tenu à préciser : “La plupart ne se soustraient pas à l'obligation de déclaration, c'est souvent par ignorance que certains ne déclarent pas.”
Vers une plus grande digitalisation
Le lancement de cette nouvelle application a, par ailleurs, été une occasion d'aborder le lancinant sujet de la dématérialisation des procédures fiscales. Quand est-ce que les contribuables pourront se passer des déplacements aux bureaux fiscaux juste pour accomplir leurs obligations fiscales, avec toutes les pertes de temps qui vont avec ? La directrice, tout en rappelant les nombreux efforts qui ont été faits - notamment en direction des grandes et moyennes entreprises - a montré que le travail continue. “Le segment sur lequel nous sommes en train de travailler, c’est celui des personnes physiques et le segment des petites entreprises, c'est-à-dire celles dont les chiffres d'affaires sont inférieurs à 100 millions F CFA. Pour elles, on leur propose une application appelée 'Mon espace perso' pour faire la télédéclaration. Nous sommes en train de travailler avec les services du Trésor pour aller vers le télépaiement pour ce segment”, informe Mme Ndao, qui n'a pas manqué d'évoquer la complexité de la tâche : “Parce que c’est le segment le plus important en termes de nombre. Cela nécessite donc des travaux et investissements plus importants.”
Vers plus de digitalisation de l'administration fiscale
Si les particuliers et les entreprises de petite taille ne bénéficient pas encore de la dématérialisation intégrale avec tous ses avantages, les grandes et moyennes entreprises, elles, ont été complètement maillées. “La DGID a déjà plusieurs applications en service et destinées aux contribuables. Il faut savoir que nous avons segmenté la population fiscale. On a les grandes entreprises, les moyennes et celles qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 100 millions, pour ne pas dire les petites entreprises. Chez les grandes et les moyennes, la télédéclaration et le télépaiement sont devenus une réalité. La déclaration est obligatoire pour les grandes entreprises depuis 2017 ; pour les moyennes depuis 2022”, a rappelé la toute nouvelle directrice du Renseignement et des Stratégies de contrôle de la DGID.
Les participants à la rencontre sont largement revenus sur l'importance des données dans les performances des administrations comme celle chargée de la collecte des impôts et, de manière générale, pour tous les acteurs économiques. Citant un célèbre auteur, le CT Mathiam Thioub précise : “Autrefois, on disait que celui qui contrôle les mers contrôle le commerce et celui qui contrôle le commerce contrôle la richesse du monde. Cette richesse était donc dans la marchandise. Maintenant, la richesse, c’est la donnée, elle est immatérielle.”
Selon lui, les services du ministère y travaillent pour renforcer la modernisation de l'administration fiscale et améliorer les performances. Revenant sur les objectifs de la nouvelle application lancée hier, il déclare : “L'un des objectifs est de renforcer les capacités techniques de la DGID à travers les outils modernes de Data Mining et de digitalisation des données.”
À en croire le représentant du ministre Cheikh Diba, la modernisation de l'Administration a permis d'atteindre des résultats fiscaux tangibles, grâce notamment à une analyse renforcée des visas d’exonération. “Cela a permis de détecter des sous-déclarations significatives, réduisant le manque à gagner fiscal. Cette modernisation a aussi permis de renforcer la politique de renseignement pour augmenter l’efficacité du contrôle générant des gains financiers importants”, a fait remarquer le conseiller technique du MFB.
Mor Amar