Publié le 15 Jun 2017 - 18:41
L’ANTRE DE ISSA SAMB DEVASTE

La seconde mort de Joe Ouakam 

 

Moins de deux mois après le décès de l’artiste Issa Samb plus connu sous le nom de Joe Ouakam, son antre sis au 17 rue Jules Ferry est complétement dévasté. Et il ne reste plus qu’à afficher l’épitaphe : ‘’Ci gît Agit’Art’’.

 

‘’C’est la verdure des lieux qui capte l’attention. Un imposant arbre, un hévéa centenaire au tronc puissant, qui s’arrache sur une vingtaine de mètres, semble foncer tout droit vers le ciel. Ses racines sont si inextricables qu’on se croirait en face de plusieurs arbres, rassemblés en un seul. La température est douce. Un ‘’micro climat’’ qui tranche d’avec la pollution environnante de la ville ! La verdure est partout’’, écrivait-on dans l’édition 1636 d’EnQuête.

Aujourd’hui, il ne reste plus rien de tout cela. Les voisins qui profitaient de ce micro climat et l’air frais que dégageait la cour de Joe Ouakam, puisque c’est de sa maison qu’il s’agit, n’en profiteront plus. A peine deux mois après la mort d’Issa Samb, sa maison est complètement dévastée. 17, rue Jules Ferry est méconnaissable. Il ne reste plus rien d’Agit’Art. Les arbres ont tous été coupés. Ainsi, dans la cour gisent çà et là des troncs d’arbres les uns aussi imposants que les autres. Sous ces derniers, on aperçoit des feuilles mortes et quelques pages de journaux. Aux alentours, nul ne sait ou ne veut dire quand on a commencé à ‘’détruire l’œuvre’’ de Joe Ouakam.

Les badauds trouvés assis devant la maison de même que la vendeuse de cacahuètes qui a son étal juste devant la demeure disent qu’ils se sont reveillés un beau matin et ont vu la cour dévastée. Ce qui est certain, c’est qu’ils ne veulent pas se mêler à cette histoire. Pourtant, tous ont cotoyé et aimé l’homme. Mais ils avouent également que depuis la mort du maître des lieux, presque personne de ceux qui y venaient n’y ont été aperçus.

En outre, de sources concordantes, le crime d’écocide a commencé en début juin. Au moment où les proches de Ramangelisa préparaient la célébration de ses 40 jours sous terre, des hommes avaient reçu pour ordre de faire disparaître tout. Certains ont trouvé que c’était un crime et qu’il fallait avertir les services des Eaux et Forêts. Seulement, à notre deuxième passage sur les lieux, il nous est parvenu qu’ils sont au courant. ‘’Pour couper un arbre, il faut l’autorisation préalable de la commune (Dakar Plateau dans ce cas) et le constat d’usage des services des Eaux et Forêts, c’est ce qui explique la présence du chef du secteur de Dakar, en l’occurrence le Capitaine Dionne sur les lieux’’, explique une source proche du dossier. Un homme trouvé devant la porte l’attendait d’ailleurs. ‘’On attend le capitaine Dionne, c’est lui qui doit amener les troncs d’arbres’’, fait-il savoir. Lui non plus ne sait pas quand a commencé le carnage entrepris par la société immobilière acquéreuse de la demeure. Mais une chose est sûre, aucune opposition ou tentative de défense n’a été entreprise.

‘’Soutiens aphones’’

Pourtant, ils étaient nombreux ceux qui se réclamaient amis de Joe Ouakam et qui s’opposaient, il y a quelques mois, à l’expulsion de l’artiste de son domicile du 17, rue Jules Ferry. ‘’Il y a eu tellement d’interventions dans ce dossier venant des artistes et même de la présidence !’’ confiait il y a quelques mois le conseil. Aujourd’hui, tous ces soutiens de Joe sont presque tous aphones. On ne les entend ni ne les voit s’agiter, dénoncer comme il y a quelques mois. Pourtant, il y avait vraiment de quoi monter au créneau et organiser une riposte. Aujourd’hui, c’est trop tard. Il ne reste que les journaux collés sur les murs. Se sont-ils tus parce que le deal avec les autorités et la société immobilière ne tenait qu’à la vie de Joe ?

 Quoi qu’il en soit, l’on se rappelle qu’au milieu du différend opposant Joe Ouakam à la société immobilière dont l’un des fils de Jean Dagher Hayeck est l’actionnaire majoritaire, un compromis avait été trouvé. Ayant  acquis la maison où vit l’artiste depuis plus d’un an, la société n’arrivait pas à entrer en possession de son bien. En effet, la maison n’était pas à l’artiste. Le local lui avait été prêté, il y a plus de 40 ans, par un certain M. Faye. Les héritiers de ce dernier l’ont vendu à la société immobilière de Dagher fils qui a consenti un prêt bancaire de plus de 400 millions pour acheter le terrain.

C’est pour cela d’ailleurs que la société acquéreuse tenait à ‘’expulser’’ l’artiste afin de rentabiliser son prêt. A l’époque, le conseil de la société en question, Me Djiby Diallo, confiait : ‘’Il faut que ceux qui défendent Joe Ouakam, dont des artistes et des milliardaires, essaient aussi de trouver une solution qui arrange autant M. Joe Ouakam que mes clients.’’ L’avocat ne savait pas si les acquéreurs étaient prêts à revendre. Toutefois, il proposait aux soutiens de verser une allocation locative qui permettrait aux propriétaires de mieux faire face à certaines charges. Mais aujourd’hui, avec la disparition de Joe Ouakam, la donne est tout autre. Tout a été dévasté à la vitesse d’un TGV. Et il ne reste plus qu’à afficher l’épitaphe : ‘’Ci gît Agit’Art’’. Cruel destin !

BIGUE BOB

 

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