Une saison de machettes*
Nous empruntons ce titre au poignant et édifiant livre de Jean Hatzfeld paru en 2003 aux éditions du Seuil, sur le génocide rwandais. Qui a recueilli des témoignages de tueurs du génocide rwandais condamnés pour leurs actes. Ramené à notre réalité sénégalaise, on est loin de ces sommets de barbarie et d’inhumanité. Toutefois, il y a lieu de se poser des questions sur la tournure que prend la campagne électorale. Il est actuellement de notoriété publique que certaines caravanes des coalitions en lice pour les élections législatives sont armées jusqu’aux dents. D’ailleurs, c’est à se demander s’il reste encore des machettes sur le marché.
Le maire de Labgar, Idrissa Diop, a été poignardé, avant-hier, par un conseiller municipal. Samedi dernier, le garde-du-corps du ministre Oumar Guèye a reçu un coup de machette qui lui a sectionné les trois doigts, lors d’un meeting à Bambilor. La semaine dernière, la caravane de Benno Bokk Yaakaar a été attaquée par des gros bras armés de coupe-coupe. Depuis, tout le monde est sur le qui-vive. Dans les rédactions, les journalistes hésitent, désormais, à se rendre sur le terrain pour couvrir les dites caravanes, conscients du danger qui rôde.
A Dakar dont le périmètre communal est très restreint, il y a une foultitude de caravanes qui sillonnent les rues, tous les jours. Fatalement, elles vont continuer à se croiser, alors qu’il y a une telle inimitié entre certains acteurs politiques en compétition. Le pire est à craindre. D’autant que, pour la plupart de ces convois regorgent de mercenaires à la gâchette facile, aux cerveaux pois chiche, prompts à la castagne et toujours prêts à chercher querelles. Aujourd’hui, il n’est pas seulement du ressort de l’Etat de mettre de l’ordre et de garantir la sécurité des citoyens. Cela incombe à tous les acteurs politiques qui sont en compétition.
Qu’on arrête d’instrumentaliser ces jeunes bodybuildés à l’éducation défaillante. D’ailleurs, jusqu’à quand allons-nous continuer à souffrir cette insupportable conviction de nos chers politiques que rien ne peut entraver leur vaniteuse ascension vers la victoire ou la gloriole ? On n’hésite pas à exploiter la misère de ces pauvres bougres, pour parfois pas grand-chose. Gagner à tout prix ne rime pas avec démocratie. Il nous faut respecter les règles qui régissent notre commun vouloir de vivre ensemble, partout et en tout temps. Et surtout durant cette période de campagne électorale.
Et malheureusement, souvent on n’a pas même pas besoin d’instrumentaliser ces jeunes pour qu’ils versent dans la violence la plus absurde. En atteste, le drame de Demba Diop. Ce qui amène à s’interroger sur cette violente latente qui couve et souvent fait des éruptions dramatiques, comme en ce funeste 15 juillet 2017. Ce drame a été possible du fait de nombreuses défaillances. N’en déplaise aux autorités, quiconque a été au stade ou vu les images à la télé sait qu’il n’y avait pas assez de policiers pour assurer la sécurité au stade. Surtout dans les gradins.
Maintenant, à qui la faute ? Aujourd’hui, dans les pays occidentaux, il est de coutume de classifier les matchs selon le niveau de risques sécuritaires. Et les autorités administratives, de concert avec les dirigeants des clubs, en arrivent à interdire le déplacement des supporters des équipes adverses pour préserver la paix. Est-ce que cette évaluation a été faite, étant entendu que la violence des supporters incriminés (ceux de Ouakam) est de notoriété publique ? Quel est le besoin qui a été exprimé en termes de nombre de forces de l’ordre ? Qu’est-ce qui a été fait pour juguler cette violence qui pollue l’atmosphère de nos stades, depuis des années, notamment, lors des ‘navétanes’, combats de lutte et autres rassemblements du même acabit ? Autant de questions qui interpellent nos consciences, car il y va de notre survie.
Gaston COLY