Le Berger de l’île s’incruste dans l’univers de la science
‘’Quelle humanité pour demain ?’’ C’est le thème de la nouvelle œuvre du peintre Abdoulaye Diallo, présentée ce samedi sur l’île de Ngor où se trouvent les ateliers de l’artiste. Dans cette toile qui est un triptyque, le « Berger » pénètre dans l’univers de la science.
C’est sur l’une des plages de l’île de Ngor, juste en face de sa maison de couleur rouge ocre, que s’est tenue, ce samedi, la présentation de la toute dernière œuvre du peintre Abdoulaye Diallo, connu sous son nom d’artiste le Berger de l’île, intitulée ‘’Li Moma Tiss’’. Sur cette toile impressionnante par la taille, 8 mètres de long et 2,5 de largeur, et des couleurs attractives sous une forme triptyque, l’artiste peintre s'interroge sur la nouvelle humanité. Inspirée par la biennale de 2018, sa toile, d’une valeur de 3 millions de dollars (environ 1 milliard de francs CFA, traite de trois sujets qui s’interrogent sur l’avenir de l’humanité face au développement fulgurant de la science : d'abord la terre qui s'emballe pour le pire, ensuite un univers qui s'emballe pour le meilleur et la synthèse des deux qui donnera enfin un monde du partage. Pour le Berger de l’île de Ngor, la première partie de l’œuvre traite de l’aspect humain de la science, la 2èmepartie qui est la plus choquante s’intéresse aux déviances sexuelles, et dans la 3ème partie, l’ingénieur invite à une humanisation de la science.
Dans la première partie de la toile, Abdoulaye essaye tout simplement de donner son point de vue sur l’accélération de la création scientifique. Avec un mélange de couleurs rouge, vert, jaune, l’œuvre suscite l’interrogation. ‘’Je fais surtout appel à cette ère de l’accélération simultanée du marché, de la nature etc. qui presse la mondialisation. Celle du changement qui s’amplifie. Aussi, tout ceci change un certain nombre d’aspects de nos vies. Ce sont ces mêmes phénomènes qui nous offrent en fait de la puissance vertigineuse, qui amplifient les puissances des logiciels et des réseaux’’, explique l’artiste. Pour lui, l’ensemble de ces forces aboutissent dans ce qu’on appelle le Cloud qui reçoit des serveurs qui offrent à l’homme un potentiel de créativité, mais aussi un potentiel de destruction énorme. ‘’C’est ce qui fait, aujourd’hui, que nous pouvons parler de l’existence de deux mondes : le nôtre qui était vulnérable, précaire, et condamné au revenu faible, et l’autre, riche et s’enrichissant au fur et à mesure de l’ouverture des frontières’’, avance le Berger de l’île de Ngor.
‘’Je suis choqué…’’
Selon M. Diallo, la science propose des choses qui heurtent et c’est le sujet traité dans la 2ème partie de l’œuvre qui s’intitule ‘’Li moma Tiss’’. Dans sa création artistique, il associe les formes et les couleurs. Dans cette partie, plutôt choquante à première vue, le peintre nous plonge dans le transgenre. Ici, il laisse libre cours aux interprétations sensibles et perverses. ‘’Cette partie est tout ce qui m’interpelle, car je ne peux pas comprendre qu’une grande personnalité, en 2012, suggère qu’on fasse le ‘’puçage’’ des prostitués et des immigrés. Je trouve cela inacceptable et j’ai peur que demain, mes petits-enfants soient amenés, s’ils voulaient migrer à l’extérieur, qu’on leur suggère ce ‘’puçage’’ à la place du visa biométrique. Je suis choqué, quand je vois qu’aux Usa, une gamine de 4 ans se lève un beau jour et dit qu’elle veut devenir un garçon et que des adultes sortent pour soutenir qu’elle en a le droit’’, s’indigne-t-il.
De par ses pinceaux, ses jeux de couleurs, et son huile de palme, le peintre s’est permis, avec magie, de se questionner sur l’humanité de demain. ‘’Où se trouve la protection de l’enfance ? Je suis choqué quand certains pays valident l’inceste. Un père avec sa fille, un frère avec sa sœur. Dans quelle humanité vivons-nous ? Je suis choqué, quand on me parle de modification du génome humain. Et qu’une femme enceinte, devant un écran, se voit suggérer la possibilité de se faire un bébé à la carte…’’, s’insurge le peintre. Dans sa toile, il essaye de montrer au monde que si nous continuons à subir et que nous ne réussissons pas à donner une dimension morale à cette science, si nous refusons de réfléchir sur un certain nombre de choses, un jour, le monde va finir par créer des personnages à efficience homme mais sans émotions, des hommes totalement asservis, sans cœur et sans foi. Et de par sa toile, on a le sentiment d’y être presque.
‘’Je participerai à la Biennale 2018’’
Enfin, dans la troisième partie de l’œuvre, l’artiste cherche à montrer que la science n’est pas que nocive. Il démontre, sur cette toile, qu’on peut arriver à une humanité de paix, de pardon et de partage. Pour matérialiser cela, le Berger de l’île de Ngor s’est appuyé sur l’histoire qui dit que le monde est soutenu par 4 colonnes : le savoir des sages, la piété des justes, la justice des grands et la valeur des braves. Mais parmi ces quatre éléments, la justice des grands pose problème à l’artiste. Car la question qu’il s’est encore posée ici, est de savoir si ces grands sont toujours justes ?
Toutefois, avec ce travail remarquable, le Berger de l’île de Ngor promet de présenter l’œuvre à la Biennale 2018. ‘’J’avoue que, jusqu’à présent, je manifestais une certaine réserve à la participation de cette Biennale. Mais, à la demande de mes proches, j’y participerai’’, a-t-il promis.
HABIBATOU WAGNE