Me Ousmane Ngom évoque l'article 80
Venu déférer à une convocation du procureur de la République, Ousmane Ngom est ressorti lundi libre du tribunal de Dakar. L'avocat a évoqué l'article 80 pour expliquer ses déboires avec la justice.
L'article 80 se rappelle aux bons souvenirs des Sénégalais. Et, ironie du sort ou retour de bâton, c'est l'ex-tout puissant ministre de l'Intérieur Ousmane Ngom qui vient d'en faire les frais. Du moins, si on en croit l’intéressé qui s'est expliqué hier au sortir de son face-à-face avec le procureur de la République. ''Je suis convoqué ici parce qu'il y a eu un procès-verbal qui m'impute des propos qui sont constitutifs, soi-disant, des délits prévus à l'article 80'', a dit le responsable libéral.
En effet, lors d'une première convocation devant le procureur, l'avocat, las d'attendre d'être interrogé, avait pris sur lui de s'en aller. Ne s'en arrêtant pas là, Ousmane Ngom avait déclaré à qui voulait l'entendre qu'il ne déferrerait plus à une convocation et qu'il s'en allait battre campagne. Pour cette bravade, il avait été cueilli à son hôtel à Kolda, et acheminé illico presto à Dakar. Convoqué lundi, il s'est présenté hier, au bureau du procureur aux alentours de midi, pour n'en sortir que 5 heures plus tard. Prenant bien soin d'écarter le spectre de l'enrichissement illicite qui empêche de dormir beaucoup d'anciens dignitaires. ''Je tiens à préciser, dira-t-il, malgré ce qui a été dit dans la presse, que je n'ai jamais été convoqué ici au tribunal pour des questions d'enrichissement illicite''. L'avocat demande d'ailleurs ''au Parquet de publier l'enquête de patrimoine qui a été faite à son sujet''. À défaut de s'exécuter, l'ancien ministre martèle qu'il le fera. ''Je le répète, s'ils ne la publient pas, moi même, je la publierai''.
D'ailleurs, sur les motifs de sa convocation, Ousmane Ngom a soutenu la thèse de l'acharnement politique. ''Vous le savez, dira-t-il, l'article 80, c'est l'article qu'on utilise pour noyer son chien qu'on accuse de rage. C'est-à-dire pour essayer de barrer la route à un homme politique''.
''Je suis libre''
Très à l'aise, Ousmane Ngom, vêtu d'un ensemble boubou de couleur grise et entouré de ses proches venus le soutenir, a tenté de tourner en dérision ses récents démêlés avec la justice. Revêtant son manteau de politicien, il s'est montré très sarcastique. ''Je veux remercier ceux qui m'ont fait cette publicité immense avec les actes arbitraires qu'ils ont posés depuis plusieurs jours, en me convoquant, ou en me faisant convoquer. Et ensuite, en me faisant interpeller''. Dans la même veine, il ajoutera : ''Je pense que je n'aurais pas pu faire une campagne électorale beaucoup plus populaire en allant sur le terrain. Donc, je remercie vivement ceux qui m'ont rendu ce service et je vais poursuivre ma campagne électorale dès aujourd'hui, jusqu'à vendredi pour que nous puissions gagner les élections comme nous le souhaitons.''
Lundi, ce n'était certes pas les grands rassemblements politiques, mais le parterre de journalistes venus couvrir la sortie était un public de choix pour Ousmane Ngom qui a fait son show et n'a pas laissé passer l'occasion de se faire passer pour une victime. ''Je suis libre'', a lancé le libéral arrivé à hauteur des journalistes qui l'attendaient devant le portail du Palais de justice. ''Je pense que nous allons gagner ces élections'', poursuit-il, jugeant ''arbitraires'' les interpellations et convocations ''intempestives''.
L'article 80 en question
Article 80 (Loi n° 99-05 du 29 Janvier 1999)
Les autres manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, à enfreindre les lois du pays, seront punis d'un emprisonnement de trois ans au moins et de cinq ans au plus et d'une amende de 100 000 à 1 500 000 francs. Les coupables pourront en outre être frappés d'interdiction de séjour.
Tout individu qui aura reçu, accepté, sollicité ou agréé des dons, présents, subsides, offres, promesses, ou tout autre moyen, en vue de se livrer à une propagande de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves, à jeter le discrédit sur les institutions politiques ou leur fonctionnement, ou à inciter les citoyens à enfreindre les lois du pays, sera puni d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus, et d'une amende double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées sans que ladite amende puisse être inférieure à 100 000 francs. Les coupables pourront en outre être frappés d'interdiction de séjour.
Il ne sera jamais fait restitution des choses reçues, ni de leur valeur ; elles seront confisquées au profit du Trésor.
Gaston COLY