Publié le 3 Mar 2018 - 16:06
MIGRATION DES ARTISTES

Entre enfermement et raisons économiques

 

La Galerie nationale a accueilli, jeudi, une conférence animée par les critiques d’art Maguèye Kassé et Sylvain Sankalé. Avec d’autres, ils ont échangé sur les raisons qui peuvent pousser certains plasticiens à émigrer.

 

Qu’est-ce qui peut bien motiver les artistes sénégalais à quitter le pays ? Des critiques d’art ont tenté de répondre à cette question, jeudi, au cours d’une conférence. ‘’Il me semble difficile de leur trouver un dénominateur commun, si ce n’est dans une motivation commune qu’on peut noter de manière empirique, la volonté de s’inscrire dans une modernité qui fait place à des interrogations porteuses d’émergence d’un monde de compréhension mutuelle, de solidarité agissante à partir d’analyses communes suscitées par les œuvres d’art’’, estime le brillant critique d’art, le Pr. Maguèye Kassé.

L’artiste Cheikh Niasse, dont les tableaux sont accrochés actuellement aux cimaises de la Galerie nationale qui accueillait la conférence, confirme les propos de M. Kassé. ‘’Chaque personne a son histoire’’, déclare-t-il. Pour dire que chaque artiste qui a décidé d’émigrer a ses propres motivations.

Pour sa part, le critique d’art Sylvain Sankalé considère ‘’qu’il y a une forme de migration économique’’. D’après ce dernier, les artistes africains en général, sénégalais en particulier, n’ont pas leurs marchés ici. Ainsi, ‘’ils ont plus de chance de vendre ailleurs’’, considère-t-il. Un point de vue que partage le critique d’art et professeur de philosophie à la faculté des Lettres et sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Babacar Mbaye Diop. ‘’Le marché de certains, comme Mansour Ciss Kanakassy, se trouve à l’extérieur’’, confirme-t-il. Le talentueux peintre Abdoulaye Diallo, surnommé ‘’Le berger de l’île de Ngor’’, n’est pas d’accord avec cette analyse. Pour lui, ‘’le marché est partout’’. Avec la technologie avancée, on peut rester à Dakar et vendre aux Usa, en France, en Chine, etc.

‘’Notre société est malade de son inculture’’

Par ailleurs, il n’y a pas que les biens matériels qui peuvent diriger les artistes vers les pays du Nord. Le regard que la société porte sur eux peut être une raison de s’expatrier. C’est ce qui pousse d’ailleurs Sylvain Sankalé à se demander si ‘’notre société est favorable au développement de l’art’’. Car, souvent, elle pose un regard négatif sur leur travail, leur métier, si elle ne ‘’l’enferme pas dans des codes sociaux, religieux qu’il faut respecter’’. ‘’Un vrai artiste ne peut pas vivre dans cet enfermement’’, pense-t-il.

Comme il l’a souligné, en outre, ‘’être artiste, c’est d’abord ne pas être comme tout le monde’’. Donc, on doit s’excommunier. Du moins, c’est ce que pourraient voir d’aucuns. Ce qui fait qu’on n’a ni respect ni considération de leur part. Ce qui pousse certains à voyager pour aller chercher ce respect et cette considération ailleurs, mais également cette liberté dans la création. Car, relève Babacar Mbaye Diop, ‘’l’enfermement ne favorise pas la création’’. ‘’Notre société est malade de son inculture’’, renchérit le Pr. Kassé. Par conséquent, ‘’il est inutile d’aller chercher nos difficultés ailleurs’’, remarque M. Sankalé. Il ajoute, dans la même veine, que ‘’la société sénégalaise ne permet pas l’éclosion des talents’’.

Ce que semble dire, avec d’autres mots, l’artiste Cheikh Niasse. ‘’En ce qui me concerne, il y a une certaine frustration. Il y avait, au-delà de cela, ce besoin de voyager, de rencontrer l’autre, d’aller chercher ce dont on a besoin et de ne pas toujours attendre’’, a-t-il indiqué. On sent, dans ses paroles, la nécessité d’aller voir d’autres choses. Ces dernières, selon Sylvain Sankalé, ne feront qu’enrichir ses productions artistiques. Parce qu’également, s’établir dans un pays les poussent à épouser certains comportements, comme le souligne le critique d’art Aliou Ndiaye. Il fait actuellement une série d’interviews, dans le cadre d’un travail académique, avec des artistes expatriés. S’il y a un dénominateur commun entre tous, au-delà du fait qu’ils vivent à l’étranger, c’est ‘’qu’ils se conforment tous au politiquement correct’’. Donc, ils changent de mode de fonctionnement.

Quoi qu’il en soit, comme l’a rappelé, le Pr. Kassé, ‘’personne ne peut trouver une réponse juste et adéquate’’ expliquant les départs des uns et des autres.

BIGUE BOB

 

Section: 
EXPO "TRAITS ET LETTRES" AU CARRÉ CULTUREL : Le pouvoir de l'art dans l'éducation et la transformation sociale
AVANT-PREMIÈRE « AMOONAFI » DE BARA DIOKHANE : L'art, l'histoire et le droit au service de la mémoire
EXPOSITION "SYMBOLES DE LA VIE : AU-DELÀ DU REGARD" : Réflexions sur la condition humaine
LE SYNPICS ET CONI IA LANCENT UNE FORMATION : Vers une révolution technologique du secteur médiatique
LIBERTÉ DE PRESSE ET DROIT À L’INFORMATION : RSF appelle les députés à instaurer quatre réformes
BIENNALE OFF : L'Orchestre national raconté à Douta Seck
EXPOSITION FALIA La Femme dans toutes ses facettes
MUSIQUE À L’IMAGE : Plusieurs jeunes formés au Sénégal
CÉLÉBRATION 50 ANS DE CARRIÈRE : L’Orchestra Baobab enflamme l’Institut français de Dakar
15e ÉDITION DE LA BIENNALE DE DAKAR : Seulement deux prix remportés par le Sénégal
BIENNALE DE DAKAR : Un éveil artistique, selon Bassirou Diomaye Faye
CÉRÉMONIE D'OUVERTURE DE LA 15e ÉDITION DE LA BIENNALE DE DAKAR : Dak’Art pour un voyage culturel
EXPOSITION ‘’FAIRE LIEU’’ À DAKAR : Cinq lieux africains comme espaces de transformation
BIENNALE DE DAKAR   - EXPO ‘’DEVOIR DE MÉMOIRE’’ : Un modèle d’engagement culturel
Goncourt 2024
PRÉSENTATION TAARU SÉNÉGAL : La première Symphonie d'Amadeus
PARTICIPATION DES USA À LA BIENNALE DE DAKAR : Mettre en lumière l’influence de la culture africaine sur l'art américain
MARIAM SELLY KANE - JOURNALISTE : Une voix pour les femmes et les enfants
MBOUR - MONITORING SUR L'ÉMIGRATION CLANDESTINE : La Commission nationale des Droits de l'homme à la recherche de solutions
PROJECTION DU FILM ‘’FÀTTE XAJU FI’’ : Un appel à la mémoire pour la bonne gouvernance