Macky plaide pour un internet plus accessible
Le président de la République, qui ambitionne ‘‘de numériser et de digitaliser le Sénégal au profit de tous’’, a demandé à la Sonatel et aux autres opérateurs de téléphonie de baisser le coût d’accès à internet.
Pour une rencontre sur le numérique, le président Sall ne pouvait pas mieux démarrer que par un selfie collectif au milieu des jeunes innovateurs et fondateurs de start-up. Ces derniers étaient, d’ailleurs, à l’honneur pour le premier forum sur le numérique, hier au Cicad. Un secteur porteur, encore à ses balbutiements au Sénégal, dont le président de la République tient à faire l’un des pivots de sa politique de développement, d’après ses engagements.
La rencontre est désormais annualisée et même mise en compétition à hauteur de 20 millions de francs Cfa pour un grand prix du chef de l’Etat pour l’innovation numérique et 10 millions pour le deuxième et 5 millions pour le troisième.
Mais, pour toute concrétisation de cette vision numérique, l’accès à internet est indispensable. ‘‘Pour que l’inclusion numérique soit une réalité, internet est un outil incontournable. J’invite les acteurs, la Sonatel ainsi que les autres opérateurs à s’inscrire dans une baisse continue du coût d’accès à internet. Le gouvernement dotera les campagnes d’infrastructures modernes permettant de réduire les inégalités, de faire en sorte qu’internet soit une opportunité pour tous. En baissant le coût d’accès, nous offrons à tous des atouts supplémentaires’’, a lancé le président Macky Sall dans une salve d’applaudissements qui en disait long sur l’approbation du public.
‘‘Avant tout, il faut faciliter l’accès à internet, apprendre la programmation ou l’informatique. Les enfants, avec leurs esprits, pourront créer de petits programmes qui sont utiles pour eux et pour nous. Les incubateurs pourront développer de véritable écosystème numérique qui pourra classer le Sénégal dans le concert des nations. Mon ambition est qu’à l’horizon 2020-2025, qu’ils vivent dans un Sénégal numérisé et digitalisé, un Sénégal en réseau et ouvert au monde, plus fort, plus puissant, plus riche de ses talents, de ses intelligences et de ses énergies créatrices dans ce secteur du numérique qui est en train de changer la face du monde’’, a ajouté le chef de l’Etat après que la cérémonie a démarré par la projection d’un clip sur des enfants en formation à la Sonatel Academy, un hub pour jeunes doués.
Le 16 janvier dernier, la Société nationale des télécommunications (Sonatel) a baissé ses tarifs sur internet mobile de 50 %. Son directeur général, Alioune Ndiaye, a expliqué que la compagnie nationale ne lésinait pas sur les moyens pour ‘‘mettre le numérique au service du développement économique et social’’. Pour lui, la convention avec l’Education nationale, d’une enveloppe de 10 milliards de francs Cfa connectant gratuitement 1 145 établissements des cycles élémentaire et primaire, la première école de codage gratuite et la participation au financement de certains start-up, sont autant de signes de bonne volonté.
‘‘Jeunes et numérique’’
L’Etat, qui a développé le Programme Sénégal numérique 2025, compte prendre les devants dans ce secteur de l’économie mondiale très dynamique. La Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced) a publié, en octobre dernier, un rapport sur l’économie de l’information 2017 sur le continent africain, avec la conclusion inéluctable : l’économie numérique y évolue rapidement.
Si le ‘‘Big Data’’ (traitement de grands volumes de données), l’intelligence artificielle et l’impression 3D y font des bonds, c’est le E-Commerce qui connait la plus nette progression avec Jumia : 289 millions d’euros en 2015, contre seulement 35 millions deux ans plus tôt. Face à ces défis à venir, les innovateurs et start-up du Sénégal veulent mettre en place une ‘‘Teranga Valley’’, à l’image de la Sillicon Valley aux Usa, déclare Mamadou Sall qui parlait en leur nom. Ce à quoi le président Sall répondra que ‘‘Diamniadio abritera un parc de technologie numérique dont le but est d’améliorer sur le Pud la première et la plus grande plateforme régionale de promotion de l’innovation et du développement des services numériques. Il fera du Sénégal une plaque tournante attractive pour l’investissement dans le secteur des Tics, ainsi qu’un super calculateur qui va participer au développement de l’écosystème numérique’’.
Doléances numériques
Les acteurs du secteur ne se sont pas privés d’exposer les pesanteurs qui alourdissent le décollage de l’activité numérique au Sénégal. ‘‘Le passage à l’échelle est le premier facteur qui plombe leur envol vers l’émergence’’, estiment en chœur Mamadou Sall au nom des start-up et Antoine Ngom de l’Organisation des professionnels des Tic (Optic). Le premier trouve que durant les cinq premières années de leur existence, beaucoup de start-up trépassent à cause de leur fragilité. Aussi, demande-t-il, ‘‘à défaut d’une défiscalisation totale, l’adoption d’une fiscalité adaptée de l’ordre de 50 %’’.
D’ailleurs, les interventions des acteurs s’appuieront beaucoup sur l’absence de fonds souverains qui leur permettraient de rouler et demandent la prise de participation des structures publiques en lieu et place de subventions. ‘‘La Délégation spéciale à l'entrepreneuriat rapide mettra en œuvre le financement d’un montant d’un milliard en fin mars, en faveur des start-up et des jeunes créateurs’’, promet Macky Sall qui invite et explique également que le Fonsis est un organe habilité à financer de telles initiatives.
L’autre écueil a trait à la législation dans le domaine du numérique. L’adoption de réformes conséquentes pour l’amélioration de l’environnement des affaires est d’autant plus urgente que le rapport du Cnuced conclut que moins de ‘’40 % des pays africains ont adopté une législation sur la protection des données’’. Dans la perspective de la création d’un conseil national numérique, le Pdg d’Optic a mis la pression aux autorités pour combler ce vide et a pris les devants en indiquant à quoi devrait ressembler la future composition.
‘‘Monsieur le Président, il faut choisir un maximum de représentants issus du secteur privé et de la société civile’’, a-t-il suggéré. Une requête que Macky Sall semble être disposé à combler, même s’il milite pour une présence des pouvoirs publics. Les relations entre le privé et les structures étatiques sont manifestement loin d’être huilées, puisque M. Ngom sollicite ‘‘un vrai dialogue entre l’Artp et le secteur privé, car il n’existe pas vraiment, présentement’’. Une interpellation à laquelle le chef de l’Etat n’a pas répondu.
OUSMANE LAYE DIOP