Le Mémorial de Gorée, après les arias, l’agrément
Hier, était célébrée, au centre d’information des Nations Unies à Dakar, la Journée de commémoration de l’esclavage. C’était en partenariat avec la Fondation du Mémorial de Gorée. Une occasion pour revenir sur les écueils plombant un projet de plus de trente ans. Mais également le moment idéal pour revenir sur ce moment essentiel et utile.
Le projet date des années 1980, mais peine à se concrétiser. Ceux qui le portent ne se lassent pas pour autant. Ils y croient et tiennent à l’érection d’un monument symbolisant le Mémorial de Gorée. Leurs convictions, ils les ont partagées dans un film documentaire d’une trentaine de minutes réalisé par Moussa Sogué, avec la complicité du journaliste Elimane Kâne et intitulé ‘’Le Mémorial de Gorée, un monument de la reconnaissance africaine dans la translanticité’’. Il a été projeté hier au centre d’information des Nations Unies, à l’occasion de la Journée de commémoration de l’esclavage et des victimes de la traite translantique des esclaves. Elle est organisée en partenariat avec la Fondation mondiale pour le Mémorial et la sauvegarde de Gorée.
‘’Le projet du mémorial a été victime de plusieurs tentatives d’assassinat’’, a indiqué, dans la pellicule, l’ancien ministre de la Culture sous Abdou Diouf, Abdoulaye Elimane Kâne. Même s’il n’est pas celui d’un gouvernement. Il est plutôt celui d’intellectuels, d’hommes et de femmes de culture d’Afrique et de la diaspora. C’était au cours d’un sommet de l’Organisation de l’union africaine à Addis Abeba. Il n’a jamais pu être réalisé. Selon l’architecte Mamadou Berthé, l’un des porteurs de ce projet, c’est à l’orée du Festival panafricain des arts et cultures, initiée par le président Diouf, que la question été remise au goût du jour. Dans un extrait vidéo, Abdou Diouf exprimait sa volonté de concrétiser ce mémorial. Seulement, d’après Abdoulaye Elimane Kâne, Abdoulaye Wade, alors ministre d’Etat, s’était opposé à cela. Il soutenait que la situation économique ne permettait pas de le faire, au moment où Idrissa Seck conseillait au président d’aller chercher des fonds à l’extérieur. Un manque de volonté de la part de Wade qui n’a pas changé, quand il est devenu président, puisqu’en 12 ans, il n’a rien entrepris dans le sens d’ériger ce mémorial.
Aujourd’hui, les choses peuvent changer. Dans le documentaire, le ministre de la Culture, Abdou Latif Coulibaly, soutient que ‘’la volonté politique telle qu’elle s’affirme aujourd’hui parait suffisante pour débuter ce projet’’. Il a annoncé une réunion avec les différentes parties prenantes à ce projet, afin d’avancer dans sa réalisation. Quoi qu’il en soit, le président Macky Sall se veut plus péremptoire : ‘’Je suis en train de travailler pour réaliser ce projet.’’
Il le vaut bien. Comme l’ont souligné beaucoup d’interviewés dans le documentaire, ce projet de Mémorial de Gorée est important à plusieurs titres. ‘’Il l’est pour la renaissance africaine’’, estime le ministre de la Culture Abdou Latif Coulibaly. En effet, ce monument permettrait un retour aux sources à plusieurs Africains vivant dans le monde et dont les aïeux ont été déportés. Ce que reconnaît l’une d’entre eux, Nicole Salter, qui considère qu’il est indispensable pour eux d’avoir un lieu de mémoire. Quoi de mieux alors que le Mémorial de Gorée qui veut ‘’restituer toutes les balises de l’histoire, les points forts et culminants de l’histoire’’. Il est conçu, au plan architectural, comme un masque africain concave, comme le décrit l’architecte Ottavio Di Blasi. Une forme qui appartient indubitablement au ‘’répertoire formel du peuple noir, mais qui arrive à parler au reste du monde’’, apprécie-t-il. Ainsi, ‘’sa forme physique amplifie le message’’, pense-t-il.
En tout cas, érigé, ce monument pourrait valoir au Sénégal ce que la Tour Eiffel vaut à la France. D’après le commissaire et secrétaire général du Mémorial de Gorée Amadou Lamine Sall, par ailleurs poète et ‘’senghorien’’, ce mémorial pourrait rapporter entre 2 et 3 milliards de francs Cfa au Sénégal par an.
En outre, même si, aujourd’hui, le ministre de la Culture est d’avis qu’il faut un large consensus populaire autour de sa construction, les porteurs du projet pensent que son érection est indispensable. Car, considèrent ces derniers, ‘’l’Afrique est comme Osiris. Elle a été décapitée. Il est de notre devoir de la rassembler’’.
BIGUE BOB