Publié le 7 Dec 2018 - 13:34
INAUGURATION

Le musée de tous les espoirs

 

Tous ceux qui ont discouru hier, lors de l’inauguration du Musée des civilisations noires, sont fiers de l’érection de cet édifice. Ils y voient une réponse au monde qui soutenait que l’Afrique n’a pas participé à l’histoire du monde.

 

Les peuples noirs en ont rêvé pendant longtemps. Le premier président sénégalais, Léopold Sédar Senghor, en avait rêvé et même cherché un terrain à cet effet. Mais son vœu ne s’est pas réalisé. A l’arrivée d’Abdou Diouf, avec les ajustements structurels, le projet de musée des arts négro-africains a été délaissé. Abdoulaye Wade a repris l’idée et baptisé le projet ‘’Musée des civilisations noires’’ (Mcn). Mais c’est sous Macky Sall que l’œuvre a été réalisée. Il peut bien s’enorgueillir. Hier, est inauguré ce nouveau temple qui fait face au Grand-Théâtre de Dakar, sous la présidence du président Sall et de son homologue des Comores, Azali Assoumani. Il est construit sur une superficie de 15 mille mètres carrés sur quatre niveaux avec un auditorium de 150 places et  5 mille mètres carrés de surface réservés aux expositions.

Il y a deux espaces divers appelés
‘’Penc’’ ou ‘’Agora’’, ‘’ouvert à l’Africaine et convivial’’ et destinés à recevoir des spectacles et rencontres artistiques. En outre,  ‘’le musée porte le symbole de l’amitié et de la solidarité des peuples chinois et sénégalais. En effet, il est un don de la Chine et même berceau d’une vieille et riche  civilisation’’, s’est d’ailleurs félicité le président Sall. Dans ce sens, le ministre de la Culture et du Tourisme de la Chine, Shugang Luo, venu représenter le président  Xi Jinping, a rappelé que malgré la distance séparant l’Afrique de la Chine, il a toujours existé des relations entre les deux parties. Aussi, considère-t-il que le Mcn est ‘’le symbole du partenariat de coopération stratégique globale sino-sénégalais. Les civilisations noires sont très particulières parmi les civilisations mondiales.  Elles ont beaucoup contribué au développement des civilisations mondiales’’. Commentant l’architecture du bâtiment, il a indiqué qu’il ‘’a des installations et équipements modernes pouvant accueillir des expositions avancées. Il a des cités de conceptions toutes neuves et de riches collections provenant des quatre coins du monde, dévoilant aux visiteurs le processus de développement des civilisations noires et leur influence dans le monde. Cela permettra aux peuples africains, notamment au peuple sénégalais de renforcer sa confiance culturelle’’, a dit M. Luo.

Le Mcn pour répondre aux aspirations des jeunes

 ‘’Le Musée des civilisations noires traduit notre attachement commun au respect de l’égale dignité des cultures et des civilisations et à la sauvegarde de la diversité culturelle du monde.  Ce musée ouvert à toute l’Afrique et à sa diaspora servira à tous les peuples épris de paix,  de partage et de vivre ensemble’’, a vanté M. Sall. Pour le recteur de l’Université Cheikh Anta Diop et émérite historien, Pr. Ibrahima Thioub, ‘’la symphonie qui s’écrit depuis l’historique Congrès des arts nègres et des écrivains noirs tenus à la Sorbonne en 1956, s’achève avec cette belle œuvre architecturale au cœur de Dakar. A nouveau, le Sénégal tient la baguette du chef d’orchestre, après avoir accueilli, en avril 1966, tant de talents venus des quatre continents, des quatre horizons de l’esprit, selon les mots du président Senghor lors de l’ouverture du Festival mondial des arts nègres’’.

Seulement, prévient-il, ‘’il n’est point question de s’enfermer dans une paresse contemplative, encore moins de tourner le dos au passé au nom d’une modernité globalisée. Il s’agit plutôt d’une rencontre avec soi-même, d’un dialogue avec l’autre, inscrit dans le temps du monde, qui est temps de la création continue de l’humanité’’.

Le sous-directeur général pour la Culture de l’Unesco voit plus loin. Pour Ernesto Ottone, ‘’ce musée est une réponse aux aspirations des enfants à mieux connaître leur mémoire et à se faire mieux comprendre des autres cultures’’. Surtout au moment où on parle de terrorisme. ‘’J’engage notre jeunesse à se réapproprier l’héritage de notre histoire, à conquérir l’horizon des possibles. Et explorer tous les lieux de l’imaginaire pour contribuer à la renaissance de l’Afrique’’, a ainsi appelé le président Sall.

En outre, l’Afrique a besoin de ce genre d’infrastructures, de structures aujourd’hui. Et pas que l’Afrique. Pour diverses raisons, le Musée des civilisations noires est une réponse à certaines questions des Noirs de la diaspora. Disons à tous les Noirs et l’Afrique dont l’apport dans l’histoire du monde est souvent nié. ‘’Enracinement et ouverture, disait Senghor. L’acte que nous posons aujourd’hui n’est pas une singularité isolée dans son temps et dans son contexte. Il s’inscrit dans la continuité de l’histoire. Le Musée des civilisations noires rejoint, en effet, une dynamique au long court, dynamique de confluence et de symphonie entre Africains et Afro-descendants unis dans l’affirmation de leur valeur de culture et de civilisation’’, a rappelé Macky Sall. ‘’Il se veut aussi un lieu de conservation de notre patrimoine, mais aussi un réceptacle bouillonnant d’inter culturalité pour un nouveau regard sur l’Afrique et sa diaspora. Une Afrique debout et ambitieuse, une Afrique fièrement parrain de ses valeurs de culture et de civilisation. Mais aussi une Afrique ouverte à la modernité et en marche vers l’émergence’’, a-t-il plaidé.  Le Pr. Thioub pense que ‘’le rythme de la marche vers la libération est aujourd’hui irréversible, en ces temps où les espaces de liberté conquise se sont sans cesse élargis tout au long des luttes anticoloniales. Cette longue trajectoire historique faite de combats opiniâtres a laissé en héritage un riche patrimoine accumulé par les circulations libres ou forcées des enfants du continent’’.

Hommage à Abdoulaye Wade

Pour le président Sall, cette inauguration est ‘’un moment historique qui fait partie des repères reliant le peuple noir à son passé qui résiste à l’usure du temps, se bonifie avec l’âge’’. Il les projette dans le futur en les gardant tout de même dans le socle de notre histoire. ‘’Ce jour mémorable fait rejaillir en nous le souvenir des pionniers, symbole du refus de la domination et de l’acculturation. Je veux évoquer le mouvement de la résistance à la colonisation pour le respect de la liberté de nos peuples et la reconnaissance de leur dignité civilisationnelle’’, a-t-il dit. Il pensait notamment à des personnalités comme Marcus Garvey,  Frantz Fanon, Kwame Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Léon Gontrand Damas ou encore Alioune Diop qui étaient des précurseurs et défenseurs du mouvement de la Négritude. Dans cette vague de célébration, le président de la République n’a pas oublié son prédécesseur, Abdoulaye Wade. ‘’Nous sommes dans la continuité de l’histoire ; il faut aussi rappeler les actions du président Abdoulaye Wade qui initiait ce Musée des civilisations noires’’, a-t-il rappelé.

Par ailleurs, le président de la République a tenu à préciser : ‘’Evoquer le passé de l’Afrique à l’inauguration du Musée des civilisations noires, ce n’est pas céder à une tentation d’autoglorification. Mais jeter un regard lucide sur le passé dont s’éclaire le présent, c’est faire honneur à nos ancêtres et rappeler à notre mémoire collective la charge que nous astreint ce récit de notre histoire. Notre devoir, c’est de rester les sentinelles vigilantes de l’héritage des anciens et de toutes ses formes d’expression contemporaine qui  serviront de viatique aux générations futures’’. Il est convaincu qu’à travers les âges, ‘’l’Afrique a inventé, façonné et transformé, participant ainsi sans arrêt aux flux des innovations, prêts et emprunts dont se nourrit le progrès de l’’humanité’’.

Le Musée des civilisations noires reçoit sa première exposition. Divers objets y sont exhibés comme ‘’Toumaï’’, le fameux ‘’Sabre d’El’Hadji Omar’’ prêté par la France et d’autres venant de divers pays. Parmi ces derniers, l’Egypte, mais également la Chine. Cette dernière ‘’a apporté 20 pièces qui seront exposées dans la partie "Le dialogue des masques’’ de l'exposition inaugurale. On peut remarquer des similitudes et des possibilités de dialogue entre les masques chinois et ceux de l'Afrique, même s'ils sont originaires de cultures différentes. Cela, également, reflète le dialogue des civilisations et des échanges culturels sino-africains. Je suis convaincu que cette exposition favorisera une meilleure coopération mutuelle entre les deux peuples et feront de la culture chinoise et africaine plus proche’’, selon M. Luo.

Le Mémorial de Gorée réalisé en 2019

Des intellectuels plaident depuis des années pour l’érection du Mémorial de Gorée. Quelques années après son accession au pouvoir, Macky Sall annonçait qu’il le réaliserait. Depuis, rien n’a été fait dans ce sens. Hier, lors de l’inauguration du Musée des civilisations noires, le président Sall a annoncé que les premiers travaux débuteront au cours du deuxième semestre de 2019. Il est ainsi convaincu d’être reconduit à la tête de l’Etat. C’est le moins que l’on puisse dire. C’est sa manière de marquer son attachement à la revalorisation significative du secteur culturel.

Dans cette perspective, il a annoncé la construction d’une nouvelle infrastructure. Elle également sur demande d’acteurs culturels depuis la Biennale de 2016. Il s’agit ‘’de la construction d’un palais des arts avec la rénovation de l’ancien palais de Justice, les plans étant déjà réalisés’’. ‘’Nous allons engager les grands chantiers culturels du Sénégal’’, a-t-il révélé.

Depuis l’annonce de la restitution de biens culturels par la France à des pays africains, le Sénégal a toujours dit que le Musée des civilisations noires est prêt à accueillir ceux du pays. Cela a été réitéré hier. Pour le président Sall, cette décision de son homologue français, Emmanuel Macron, ‘’ouvre la voie d’un dialogue serein et apaisé sur le rapatriement africain. Je dois d’ailleurs dire que son prédécesseur   François Hollande m’a remis, à Dakar, en novembre 2014, les archives de Thiaroye 44 et j’ai mis en place depuis lors un comité d’historiens présidé par le Pr. Iba Der Thiam pour la valorisation de ces archives. En 2016, j’ai reçu plus de 2 millions de microfilms lors de ma visite d’Etat à Paris’’.

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