Bien en selle sur leurs Poulains
Six réalisateurs étaient en compétition au Fespaco. Deux femmes, deux grandes dames sont montées sur le podium et ont fait ainsi briller le drapeau tricolore. Angèle Assie Diabang et Khadidiatou Sow ont reçu les Poulains de bronze et d’argent. ‘’EnQuête’’ vous les présente.
Elle ressemble à la Petite poucette. Elle semble fragile ou disons frêle, petite comme le personnage d’Andersen et sa petite voix ne vient rien arranger dans cette image qu’elle renvoie, à priori. Timide, elle se retranche souvent et semble se cacher… De qui ? L’on ne saurait le dire. Dans un monde d’hommes, il en faut plus pour s’imposer. Heureusement que c’est ce qu’il y a à l’intérieur et qu’on ne peut percevoir au premier contact qui compte. La première perception qu’on peut avoir de la réalisatrice Khadidiatou Sow, est loin de définir sa personnalité.
Fashion victime, elle aime le froufrou des robes en soie souvent assorties avec des bottines et une écharpe pour la touche élégance. Elle aime se mettre en valeur et a la même exigence dans son travail. Son dernier film, ‘’Une place dans l’avion’’, en est une parfaite illustration. Une qualité qu’elle partage avec sa collègue Angèle Assie Diabang. Les deux femmes viennent de donner entière satisfaction aux autorités sénégalaises de la Culture, en remportant les Poulains d’argent et de bronze de la 50e session du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco).
Elles concourraient, toutes les deux, dans la catégorie Court-métrage fiction et sont arrivées 2e et 3e de la compétition. Angèle a été distinguée Meilleure réalisatrice Cedeao et Khadidiatou Sow s’est adjugée le Prix diffusion Acp de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif).
Parcours élogieux
Angèle Diabang, contrairement à Khadidiatou Sow, dégage une certaine assurance, de prime abord. Elancée, avec ses dreads poivre et sel et sa noirceur d’ébène qui contraste bien avec sa belle rangée de dents toutes blanches que laisse très souvent découvrir ‘’son beau sourire’’, Angèle ne passe guère inaperçue. Elle dégage quelque chose. Née pour s’imposer, régner, on pourrait le pense d’elle en la voyant se mouvoir parmi les hommes. Elle ne les considère pas comme ses rivaux, mais ses partenaires.
Pour le film qui lui a valu cette consécration au Fespaco, elle a travaillé étroitement avec le chef opérateur Amath Niane. A chacune de ses remises de prix, elle est allée recevoir ses trophées à ses côtés. Elle considère qu’un ‘’Air de Kora’’ est le fruit d’un travail collégial. Donc, elle mérite tout autant que son technicien les différentes distinctions obtenues. Khadidiatou Sow est elle aussi montée sur le podium, accompagnée de son producteur Oumar Sall de Cinekap. C’est dire donc que ces femmes ne sont pas dans une logique de compétition ou de rivalité avec leurs collègues du sexe opposé.
Bon goût en partage
Khadidiatou Sow et Angèle Diabang, ce sont deux femmes qui ont bon goût. Dans le dernier film de la dernière nommée, chaque cinéphile peut y trouver quelque chose qui lui plait. De l’humour. L’histoire contée est assez insolite et le personnage, qui joue le premier rôle, à lui seul, peut faire rire beaucoup de gens aux larmes. Sanex est plus que convaincant dans ce court-métrage. D’autres peuvent aimer les costumes, les couleurs vives, comme le jaune, choisies. Khadidiatou Sow s’y montre d’une rare ingéniosité. Son film est très artistique. Son parcours l’explique peut-être.
Avant de totalement verser dans la réalisation, elle a suivi une formation en arts plastiques. Après le Brevet de fin d’études moyennes et secondaires, elle a réussi au concours d’entrée à l’Ecole nationale des arts. Elle y obtenu son diplôme d’arts plastiques, quelques années après. Elle entame alors une carrière dans ce domaine, en participant à diverses expositions individuelles et collectives. En 2002, d’après le site ‘’africiné’’, elle ouvre sa première galerie d’art qu’elle appela d’ailleurs Deffart.
En 2004, elle découvre les plateaux de cinéma et débute dans le métier comme scripte. Une année après, elle fait un très court documentaire sur la situation environnementale à Dakar et le nomme ‘’Solution’’. En 2006, elle fait ‘’Lueurs des beaux jours’’. Ayant pris goût à la chose, elle décide, en 2007, d’aller se parfaire. Avec les ateliers Varan qui sont des séances de formation au cinéma documentaire, elle reçoit ses premières leçons théoriques. Khadidiatou Sow ne s’est pas tenue à cela. Elle a suivi un stage et une résidence d’écriture. Après cela, toujours courant 2007, elle a fait ‘’Entre mère et mer’’ pour raconter le voyage raté de jeunes pêcheurs rufisquois qui voulaient aller aux îles Canaries. Une année après, elle plonge dans un autre court-métrage, toujours en fiction, ‘’La punition’’.
Sur les plateaux, en juillet 2004, elle est assistante maquilleuse du long-métrage de Serge Moati "Capitaine des Ténèbres", puis créatrice de costumes de "Songe au rêve" du court-métrage de Nadine Otsobogo. Toujours la même année, elle est choisie par Moussa Sène Absa pour faire les costumes de ‘’Boulevard des Passions’’. Deux ans après, ils travaillent encore ensemble sur ‘’Teranga blues’’. Khadidja y joue, cette fois, le rôle d’assistante de direction artistique.
En juillet 2007, Mansour Sora Wade la coopte pour être l’assistante scripte et costumière du long métrage "Les feux de Mansarè". Elle quitte les plateaux de tournages sénégalais et va vendre ses talents ailleurs. Elle est repérée par le réalisateur Mama Keïta qui fait d’elle son scripte sur le plateau de tournage du long-métrage "L'absence".
Un riche parcours qui a mené Khadidiatou Sow des galeries d’art aux plateaux de tournage. ‘’Une place dans l’avion’’ signe son retour sur les plateaux, en tant que réalisatrice, après une longue hibernation de presque une dizaine d’années.
Tout pour briller dans le 7e art
Angèle Assie Diabang a une carrière aussi étoffée. Seulement, elle, elle n’a presque toujours travaillé que dans l’univers du 7e art. Cette native de Dakar a commencé comme monteuse. En 2005, elle fait son premier film, un court-métrage intitulé ‘’Mon beau sourire’’. Une première qui lui ouvre les portes du monde. Ce documentaire a été montré dans une cinquantaine de festivals à travers le monde. Première présidente du Conseil d’administration de la Sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins, Angèle Diabang est une femme ambitieuse. Seulement, une année après la sortie de son premier film, elle a monté sa boite de production qu’elle baptisa alors Karoninka.
Depuis, elle fait son chemin dans le monde du 7e art. A ce jour, elle a produit une douzaine de films. Elle est, en outre, l’une des trois associés de la société de production française Les films du Paquebot. En tant que réalisatrice, elle s’est illustrée jusqu’au dernier Fespaco dans le documentaire. Elle est l’auteure de ‘’Sénégalaises et islam’’, ‘’Yandé Codou la griotte de Senghor’’, sortis respectivement en 2007 et en 2008. En 2014, elle réalise ‘’Congo, un médecin pour les femmes’’ qui parle du prix Nobel de la paix 2018, le Dr Denis Mukwege. Avec un ‘’Air de Kora’’, elle a fait sa première fiction.
Après son sacre dans la capitale burkinabé, elle a confié que les récompenses obtenues l’encouragent à continuer sur cette voie. C’est ainsi qu’elle compte travailler davantage sur son long-métrage fiction qui sera l’adaptation au cinéma du classique ‘’Une si longue lettre’’, livre écrit par Mariama Bâ.
Eu égard à leurs parcours, l’on peut dire sans risque de nous tromper que ces deux femmes d’une quarantaine d’années ont tout pour briller dans cet art.
BIGUE BOB