Les populations dénoncent le « mutisme coupable » de l’Etat
![](https://enqueteplus.com/sites/default/files/styles/article-default/public/main/articles/arton6178.jpg?itok=yLwFoVU-)
Les habitants de la commune de Niagha, située dans le département de Goudomp, région de Sédhiou, ont organisé, ce dimanche 22 septembre, une marche pacifique pour protester contre la recrudescence des vols de bétail à main armée portant sur plus de 210 bœufs et 106 petits ruminants et occasionnant des pertes en vies humaines, en l’espace de trois ans.
Boutiques fermées, maisons, champs et rizières désertés. Niagha a été une ville morte, le dimanche 22 septembre dernier. Les populations, comme un seul homme, ont battu le rappel des troupes et ont investi la rue pour dénoncer ‘’le mutisme coupable de l’Etat’’ face à la série de vols de bétail à main armée occasionnant le plus souvent mort d’hommes chez les éleveurs.
La colère des populations se lisait jusque sur les pancartes, banderoles brandies et autres moyens de communication utilisés pour la circonstance : ‘’Ma bête, ma survie’’, ‘’Retour de cantonnement militaire pour lutter contre le vol de bétail’’, ‘’Construction de pistes de production dans la zone pour faciliter l’intervention immédiate des populations en cas de vol signalé’’, ‘’Electrifier la commune pour lutter contre l’insécurité’’, ‘’Plus jamais de pertes en vies humaines’’, ‘’Sécurisons nos troupeaux’’, ‘’Halte au vol de bétail’’.
Plus de 210 bœufs et 106 petits ruminants volés, en 3 ans
Au cours de ces trois dernières années, plus de 210 bœufs et 106 petits ruminants ont été volés. Selon le comité local des éleveurs, les voleurs sévissent le long de la frontière avec la Guinée-Bissau. Lourdement armés, ils n’hésitent pas à ouvrir le feu sur les éleveurs, en cas de poursuite. Ce qui a occasionné d’ailleurs des pertes en vies humaines, ces dernières années. Dans la nuit du dimanche 11 au 12 août 2019, Moussa Mballo, un éleveur de 47 ans, marié et père de 5 enfants, a été tué au village de Wessakho Yéro situé dans la commune de Niagha. Il a été atteint par balle au cours d’un échange de tirs avec une bande de voleurs de bétail à la frontière bissau-guinéenne. Sa mort, tout comme les autres d’ailleurs, est jusqu’ici passée par pertes et profits. Puisqu’aucune enquête n’a été ouverte, aucun assaillant arrêté pour être jugé.
Frein au développement local
Située à 18 km de Tanaff, la commune de Niagha est devenue depuis quelques années une plaque tournante du vol de bétail. Devant l’absence d’unité de surveillance efficace, les populations prennent en charge elles-mêmes leur sécurisation et celle de leurs biens. L’Etat est quasiment absent de cette localité frontalière à la Guinée-Bissau.
‘’Il ne se passe pas une semaine sans qu’un cas de vol de bétail ne se déclare dans la localité. C’est devenu un fléau qui a un fort impact sur l’économie locale’’, soutient le président de la Maison des éleveurs de l’arrondissement de Simbanding Brassou, Moussa Mballo.
Selon le vice-président du Comité de lutte contre le vol de bétail dans le département de Goudomp et porte-parole des éleveurs de la commune de Niagha, l’une des contraintes majeures au développement de l’élevage dans cette localité reste le vol de bétail. Par-delà son caractère délictuel, il estime que ce phénomène constitue une atteinte grave à la sécurité alimentaire, à la génération de revenus, à la quiétude des populations et à la cohésion sociale dans la zone. ‘’Le bétail est pour nous éleveurs une source de survie’’, souligne-t-il.
Les populations de Niagha, à l’issue de leur marche de protestation pacifique, ont remis au maire de la localité un mémorandum dans lequel elles consignent toutes les difficultés auxquelles elles sont confrontées et qui sont liées à la recrudescence du vol de bétail dans leur collectivité territoriale au cours de ces trois dernières années et qui affecte tous les éleveurs de la contrée. Ensemble, elles ont interpelé les autorités étatiques pour une intervention rapide afin de stopper ce fléau.
Elles réclament, en outre, plus d’attention de la part des autorités. ‘’Nous sommes oubliées par le gouvernement de Macky Sall. On dirait que la commune de Niagha ne fait pas partie du Sénégal’’, fulmine le porte-parole du comité des éleveurs. Qui ajoute : ‘’Notre commune, forte de plus de 13 mille 705 habitants répartis dans 56 villages, manque de tout. Ni électricité ni pistes de production, pas de forage, encore moins de poste de santé digne de ce nom. Nous n’avons pas d’ambulance médicalisée. Nous sommes complètement abandonnés par l’Etat. C’est pourquoi nous réclamons plus de considération. Nous invitons les autorités à prendre leurs responsabilités et à agir pendant qu’il est encore temps.’’
EMMANUEL BOUBA YANGA (KOLDA)