Publié le 23 Dec 2020 - 16:48
PLANIFICATION DES CATASTROPHES

Le Sénégal à la merci des accidents industriels et aléas naturels  

 

La culture de l’anticipation sur l’imprévu est encore un idéal au Sénégal. Face aux dangers émanant de situations exceptionnelles, le pays vit dans l’exposition de ses populations.     

 

Médecins après la mort. Des pompiers qui crient au feu. L’histoire entre le Sénégal et les catastrophes naturelles ou d’origines anthropiques suit souvent une logique de circonstances. Les sites naturels et exploitations dangereuses côtoient des habitations sans que cela n’alarme aucune autorité. Et tout accident qui survient renseigne sur le manque de préparation pour y faire face ou de la totale ignorance des catastrophes précédentes.

La dernière illustration en date de ce triste constat est l’incendie d’un puits de gaz qui s’est produit ce week-end au village de Dieuleuk, à Ngadiaga, dans la commune de Notto Gouye Diama.

Selon l’APS, le test d’un ancien puits de gaz naturel dénommé SA2, qui n’était plus productif, s’est soldé par une découverte de gaz. C’est au moment où les techniciens essayaient de maitriser une fuite qu’il s’est produit une explosion sous l’effet de la pression et de l’oxygène. Depuis lors, l’incendie hante le sommeil des populations installées à quelques centaines de mètres du puits.  

Présent lundi sur les lieux, le ministre de l’Environnement et du Développement durable a reconnu, indirectement, le manque d’anticipation sur ce fait inédit au Sénégal. ‘’Nous allons passer en revue, assure Abdou Karim Sall, toutes les questions liées au plan de gestion environnementale et les recommandations qui y ont été faites pour accompagner la gestion de ces sites considérés comme dangereux. Dans les jours à venir, des équipes arriveront pour circonscrire le feu et l’éteindre de manière définitive. Mais en l’état actuel des choses, on ne peut pas éteindre les flammes’’.

Pour maîtriser la situation, une équipe d’experts étrangers devrait bientôt arriver, rassure le ministre qui soutient qu’avec la délimitation d’une zone de sécurité, il n’y a pas de risque pour les populations. Selon El Hadj Baldé, Directeur de la production de Fortesa, un membre de l’équipe d’experts de Haliburton (second fournisseur de services à l'industrie pétrolière et gazière dans le monde) est déjà au Sénégal et sera incessamment sur le site pour évaluer tous les équipements nécessaires à l’opération d’extinction.

Violation du Code gazier

Seul projet en production dans le pays, Fortesa permet de couvrir les besoins internes de gaz, avec une production annuelle moyenne d’environ 20 millions de Nm3. L’entreprise, qui a démarré ses activités au Sénégal depuis les années 2000, n’a pas les moyens logistiques et matériels pour éteindre les flammes. Pourtant, la loi n°2020‐06 du 7 février 2020 portant Code gazier dispose, en son article 22 : ‘’Tout titulaire de licence ou de concession mène ses activités conformément aux textes en vigueur et selon les standards internationaux, notamment relatifs à la protection de l’environnement, à l’hygiène, à la santé, aux aspects sociaux et à la sécurité. Le titulaire de licence ou de concession prend toutes les mesures nécessaires pour : prévenir et lutter contre la pollution de l’environnement en évitant le rejet ou la fuite de tout produit polluant dans le milieu ; assurer, en cas de pollution, la gestion, la décontamination, le traitement des déchets et la réhabilitation conformément aux prescriptions du plan de gestion environnementale et sociale.’’

Ainsi, même si son arrivée au Sénégal est antérieure au code, elle aurait dû se mettre aux normes, avec ce nouveau Code gazier.

Des questions se posent alors sur le respect des dispositions comprises dans la loi sénégalaise et le contrôle sur leur application. Il faut même noter que les questions sécuritaires dans la préservation de l’environnement social sont très peu développées dans ce code.

Cette situation n’est pas spécifique à la production de gaz. A Khondio, un village près de Mboro, il a fallu des années de complaintes des populations sur les effets des rejets de l’émissaire installé sur place par les ICS (Industries chimiques du Sénégal) pour qu’il soit déplacé. La semaine dernière, le ministre de l’Environnement a réceptionné la nouvelle usine à Lobor, un village de la commune de Darou Khoudoss, loin des habitations. Mais l’on ne peut pas en dire de même à Mbao où les rejets de la même entreprise côtoient les habitations qui s’en plaignent de la même manière.

Sur le plan sanitaire, la pandémie de coronavirus a mis à nu les manquements du système de santé sous-équipé et non préparé aux catastrophes sanitaires de masse. Si les qualités des ressources humaines ont permis de limiter la casse, l’anticipation sur les dangers liés à la propagation d’un virus, à l’image de la Covid-19, fait défaut. Le sous-équipement des structures de santé est criard.

La situation la plus alarmante concerne surtout les leçons qui ne sont jamais retenues des catastrophes précédentes. Les inondations récurrentes prouvent à suffisance que malgré tout, aucune politique apte à régler de manière définitive le mal n’est appliquée. Que dire alors de la question des incendies répétitifs des marchés depuis plusieurs années maintenant. Partout dans le pays, ces espaces commerciaux brûlent sans que l’on ne puisse produire de rapports visant à maîtriser la situation. Dans des cas extrêmes comme lors de l’incendie survenu au Parc Lambaye de Pikine en novembre 2017, il y a eu l’endommagement de la ligne haute tension de la Senelec.

Devrait-il y avoir des pertes en vies humaines, à l’image de la catastrophe du naufrage du bateau ‘’Le Joola’’, pour que des mesures préventives soient obligatoires ? Le faible sursaut que cet évènement tragique avait suscité a malheureusement fait long feu.

Lamine Diouf

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