Un virus plus infectieux que le précédent
L'apparition dans le monde d'une nouvelle souche du coronavirus beaucoup plus contagieuse que les autres, inquiète les épidémiologistes. Elle a amené plusieurs pays à renforcer leurs stratégies de lutte. Une étude de l’Imperial College de Londres renseigne sur les aspects de ce virus.
‘’Ce virus est plus virulent’’, a déclaré le ministre de la Santé et de l’Action sociale Abdoulaye Diouf, à la sortie d’une réunion avec le Comité national de gestion des épidémies (CNGE). Le rapport de l'Imperial College de Londres confirme ses propos. Publié ce vendredi, le texte indique l’existence de deux nouveaux variants du Sars-CoV-2, plus contagieux et inquiètent au plus haut point la communauté internationale. Les scientifiques ont observé de multiples mutations du Sars-CoV-2, depuis son apparition ; la grande majorité sans conséquence, mais certaines peuvent lui donner un avantage pour sa survie, dont une plus grande transmissibilité.
Selon l'Imperial College de Londres, cette nouvelle souche s'est rapidement étendue dans tout le Royaume-Uni et a désormais été détectée dans des dizaines de pays à travers le monde. La plupart de ces cas sont liés au Royaume-Uni, mais pour quelques-uns, aucun lien avec ce pays n'a pu être retracé. Ce qui prouve que ce variant s'est déjà implanté localement. C'est ce qui se passe au Danemark, un des pays qui séquencent le plus d'échantillons et où 86 cas ont été identifiés avec une fréquence en hausse.
Un autre variant, appelé 501.V2, est désormais majoritaire en Afrique. Il a été détecté dans des échantillons remontant au mois d'octobre, puis a été repéré dans quelques autres pays du monde.
Pour les deux variants, les cas sont probablement sous-estimés, selon les experts. Ces deux variants présentent plusieurs mutations dont l'une, nommée N501Y, est au centre de toutes les attentions. Elle se situe sur la protéine spike du coronavirus, une pointe à sa surface qui lui permet de s'attacher au récepteur ACE2 des cellules humaines pour les pénétrer et joue ainsi un rôle clé dans l'infection virale. Cette mutation N501Y est connue pour augmenter les capacités d'attachement du virus au récepteur ACE2. ‘’Il n'y a pas de relation clairement établie entre l'attachement à l'ACE2 et une transmissibilité accrue. Mais il est plausible qu'une telle relation existe’’, souligne le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), membre de ce College.
Dans le rapport, les chercheurs de l'Imperial College de Londres ont analysé des milliers de génomes de virus du Sars-CoV-2 séquencés, entre octobre et décembre. Selon deux méthodes différentes, ils en concluent que ce variant à un avantage important en termes de contagiosité : 50 à 75 % plus contagieux ou un taux de reproduction du virus (R) entre 0,4 et 0,7 supérieur au virus habituel.
Le risque en termes d'hospitalisation et de mort est élevé
Les résultats préliminaires concernant le variant africain font également état d'une plus forte transmissibilité. Mais moins de données sont disponibles. Certains experts estiment, malgré tout, qu'il n'y a pas assez de données pour évaluer avec certitude la contagiosité des deux variants. ‘’Il faut rester prudent. La résultante en termes d'incidence est une combinaison de facteurs qui associe les caractéristiques du virus. Mais aussi les mesures de prévention et de contrôle mises en place (distanciation, port du masque, fermeture des établissements recevant du public), a indiqué à l'AFP Bruno Coignard, Directeur des Maladies infectieuses à l'agence sanitaire française Santé publique France.
‘’Il n'y a aucune information sur le fait que les infections par ces souches soient plus graves. Mais le risque en termes d'hospitalisation et de mort est élevé’’, note l'ECDC. Qui dit plus forte transmissibilité, dit éventuellement une beaucoup plus forte incidence et donc même à létalité égale, une pression sur le système de santé plus importante, poursuit Bruno Coignard. Un variant du Sars-CoV-2 ‘’50 % plus transmissible poserait un bien plus grand problème qu'un variant 50 % plus mortel’’, insiste de son côté l'épidémiologiste britannique Adam Kucharski.
Selon le rapport, avec ce virus, si le taux de mortalité est accru de 50 %, le nombre de morts atteindrait des centaines. Mais si le taux de transmissibilité augmentait de 50 %, les décès seraient à déplorer. L'impact serait notamment très sensible dans les pays où même une petite hausse de la transmissibilité ferait basculer le taux de reproduction, accélérant l'épidémie.
Le variant britannique, d’après les chercheurs, c'est vraiment l'inquiétude du moment. Car il peut précipiter dans une situation extrêmement complexe. Par ailleurs, les premières études sur le variant britannique font également état d'une plus grande contamination des jeunes de moins de 20 ans, ce qui repose la question de l'ouverture ou non des écoles.
Alors que les campagnes de vaccination qui viennent de commencer offrent un espoir de sortir de cette crise sanitaire mondiale, certains s'interrogent sur la capacité des vaccins à lutter contre les nouveaux variants. Pour les deux variants, ‘’il n'y a, à ce stade, pas assez d'informations disponibles pour estimer s'ils font peser un risque sur l'efficacité des vaccins’’, estime l'ECDC.
Toutefois, en l'état actuel, les experts pensent que les vaccins actuels seront efficaces contre ces souches. Pour répondre à une mutation, vigilance et persévérance individuellement et collectivement sont conseillées. Il est illusoire de penser pouvoir éradiquer ou empêcher totalement la propagation des nouveaux variants, estime Bruno Coignard, notant que l'objectif est de retarder au maximum leur diffusion.
Ainsi, pour les pays où les cas de nouveaux variants ne sont pas largement répandus, l'ECDC recommande des efforts pour ralentir la propagation, similaires à ceux mis en place au début de l’épidémie. C’est-à dire les tests des personnes arrivant de zones à risque avec éventuelles quarantaines, isolement et traçage des contacts renforcés pour les personnes contaminées, limitation des voyages. Les chercheurs appellent également à surveiller l'incidence de ces variants, notamment en multipliant les séquençages de virus. Surtout au niveau individuel, parce que ces variants semblent se répandre plus facilement. ‘’Nous devons être encore plus vigilants dans nos mesures de prévention pour ralentir la propagation de la Covid-19’’, a insisté le Dr Walke, faisant référence au port du masque, à la distanciation physique, au lavage des mains et à l'aération des espaces fermés, sans oublier d'éviter la foule.
VIVIANE DIATTA