Le choix de l’embarras pour Taxawu Senegaal
A huit mois des élections locales, Taxawu Senegaal est confrontée au défi périlleux de concilier les ambitions de ses lieutenants, préalable au grand rassemblement de l’opposition appelé de tous ses vœux par Khalifa Ababacar Sall.
Plus les locales s’approchent, plus les ambitions s’affichent. Dans la coalition Mànko Taxawu Senegaal, c’est Barthélémy Dias qui a lancé les hostilités chez les lieutenants de Khalifa Ababacar Sall, en déclarant sa candidature à huit mois des élections municipales et départementales. Mais derrière cette déclaration du maire de Mermoz Sacré-Cœur se cache une guerre latente, depuis plusieurs mois, et qui se passe entre la Médina et Mermoz Sacré-Cœur. En vérité, les deux principaux lieutenants de Khalifa Sall (Barthélémy Dias et Bamba Fall), selon des sources bien informées, se mènent une guerre ‘’terrible’’.
A en croire les informations, Khalifa devrait surtout se préoccuper des rivalités entre ces deux fortes personnalités de sa coalition, préalable à sa mission de rassembler l’opposition autour d’un même objectif. ‘’Ils sont en train de s’entredéchirer en ce moment. Ils se mènent une guerre terrible par lieutenants interposés. D’ailleurs, il y a des gens que Bamba a renvoyés et que Barth a recrutés dans sa mairie’’.
Selon ce proche du maire de la Médina, la rivalité entre les deux ne date pas d’aujourd’hui. Mais à l’époque, il n’y avait pas d’enjeu, parce que chacun gérait sa mairie et Khalifa s’occupait de la ville. Mais avec la disqualification de Khalifa, les choses ont changé, a commenté notre interlocuteur. Qui rapporte : ‘’Vous vous rappelez en 2009. Ils se disputaient un poste d’adjoint à la mairie de Dakar. Khalifa avait demandé à Bamba de renoncer au profit de Barth, mais Bamba lui a dit niet, parce qu’il savait que les conseillers étaient avec lui. Finalement, il s’est imposé’’.
Très mécontents des attaques dont fait l’objet leur maire, il lâche : ‘’Il faut savoir que Bamba n’est pas un maire parachuté. Barth, lui, est le résultat d’un deal entre Khalifa et Soham El Wardini qui était, en 2014, la tête de liste de notre coalition à Mermoz Sacré-Cœur’’. Malgré ces retards, Barth a su batailler ferme pour renverser la tendance durant ce mandat.
En effet, Barthélémy Dias est devenu le chouchou d’une bonne partie de la jeunesse Khalifiste, depuis l’incarcération de l’ancien édile de Dakar. Sa principale force, la fidélité inébranlable dont il a fait montre durant toute la période de traversée du désert, pendant que le leader de la coalition, Khalifa Ababacar Sall, était derrière les barreaux. Ainsi, l’homme qui, au début, ne tenait sa légitimité que de la caution de Khalifa, est devenu incontournable dans sa localité. Il semble également avoir l’oreille de Khalifa Ababacar Sall qu’il accompagne dans presque toutes ses tournées. Fort de tous ses avantages, il a très tôt rendu publique sa posture. ‘’Personne ne peut m’empêcher d’être candidat à la mairie de Dakar’’, disait-il récemment en conférence de presse.
Pourquoi une telle affirmation ? Barth serait-il prêt à aller à l’encontre de la directive de son mentor ? Est-il au courant de démarches de nature à le snober au profit d’un autre ? Autant de questions qui se posent et qui n’auront pas de réponse, pour le moment. Une chose est sûre, le maire de Mermoz Sacré-Cœur s’est très tôt taillé un destin pour la mairie de Dakar. Depuis 2020, il n’a eu de cesse de poser des actes dans ce sens.
Déjà dans l’affaire du terrain de Djibril Diallo sur la Corniche ouest, certains voyaient dans son activisme une simple volonté de barrer la route à un potentiel concurrent de Benno Bokk Yaakaar, en l’occurrence l’alors tout-puissant ministre de l’Urbanisme, Abdou Karim Fofana. Il avait attendu la veille d’une visite d’une délégation de ministres pour ameuter tout le peuple de Dakar. Depuis, il a gagné une nette avance, surtout par rapport à ses concurrents de Taxawu Senegaal. Titulaire d'un Master of Business Administration (MBA), option Transport aux Etats Unis, le fils de Jean Paul Dias a adhéré au parti socialiste, en 2005. Elu maire en 2009, réélu en 2014, il a également été député pendant la douzième législature et a l’avantage d’être le principal favori pour la mairie de sa commune, avec ses 23 754 électeurs (chiffres de la dernière élection), soit deux fois moins que la Médina où trône le maire Bamba Fall, un autre lieutenant de Khalifa Sall.
Bamba Fall et le poids électoral de la Médina
A la différence de Barthélémy qui doit essentiellement sa notoriété à Khalifa, Bamba Fall a toujours été dans le cœur des Médinois. Son choix comme représentant de la coalition dans ladite commune a été relativement aisé. Son principal argument dans le futur combat pour la mairie de Dakar, c’est qu’il est assis sur un poids électoral non négligeable. En effet, avec sa population électorale de 47 038 à la dernière élection, Médina constitue la troisième force électorale du département de Dakar, après les Parcelles assainies et Grand-Yoff.
C’est également une commune où la bataille sera rude entre les camps de l’opposition et du pouvoir qui y compte plusieurs ministres et anciens ministres. Seul contre une cohorte de très hauts responsables du régime, Bamba a été, pour beaucoup, dans nombre de victoires de la coalition MTS. Et sa dualité avec Barthélémy Dias au sein de MTS n’est plus qu’un secret de Polichinelle.
D’ailleurs, certains expliquent son recul de la plupart des sorties de Khalifa par un penchant de ce dernier pour son rival de Mermoz Sacré-Cœur. Même si l’ancien édile de Dakar essaie d’afficher une neutralité absolue et feint de prôner le consensus entre ses différents lieutenants. Mais même s’il reste très fort dans son fief, Bamba a beaucoup reculé dans l’opposition, à cause de ses moments d’hésitation, ses flirts avec le pouvoir. Il n’a certes pas intérêt à se séparer de sa coalition, mais il serait difficile de lui faire accepter de soutenir Barth, quand il s’agira de choisir le futur maire de Dakar.
Elu maire en 2009, puis en 2014, Bamba Fall a été la tête de liste de MTS dans le département de Dakar, en 2017. Il milite au PS, selon ses affirmations, depuis 1986. Conseiller municipal, à l’âge de 24 ans, adjoint au maire depuis des années, Bamba clame partout ne reposer sur personne pour façonner son destin politique. ‘’Ce que les gens veulent, je ne vais pas le faire. Je ne suis pas comme ceux qui n’ont pas de responsabilité. Je ne veux pas non plus me suicider. Pour des intérêts personnels, je ne peux sacrifier les intérêts de mes mandants. C’est pourquoi, je ne ferai pas ce que les gens me demandent de faire. Parce que je n’ai foi ni en Macky ni en Khalifa ni Aminata Mbengue. Ma force c’est d’abord et avant tout la Médina. On ne me verra pas donc dans des querelles politiciennes. Où sont ceux qui s’empressaient de se ranger derrière Idrissa Seck ? Où sont-ils ? La politique, c’est la sérénité’’, disait-il dans une vidéo.
En sus de Barth et Bamba, il y a Babacar Mbengue qui trône à la tête de Hann Bel-Air (plus de 33 000 électeurs à la dernière élection), Cheikh Gueye de Dieupeul Derklé (plus de 24 000 électeurs), Palla Samb de Fann Point-E Amitié (plus de 16 000 électeurs). MTS compte, également, dans son giron Madiop Diop qui est à la tête de la plus grande commune de Dakar, aujourd’hui contrôlé par Khalifa Sall, en l’occurrence Grand-Yoff avec ses près de 80 000 électeurs à la dernière élection. Une localité qui constitue, en même temps, le fief de Khalifa, mais dont le maire Madiop Diop a plusieurs lacunes pour prétendre diriger la mairie de la ville.
Reconquête
Toujours est-il que, Khalifa a la lourde tâche de mettre tout ce beau monde autour d’un schéma qui puisse être gagnant. Ceci est d’autant plus difficile que les ennemis rôdent autour, prêts à absorber tout candidat malheureux à la candidature. En plus de tout faire pour conserver les communes susmentionnées, Khalifa a aussi comme challenge de reconquérir les mairies de Dakar-Plateau, Cambérène, Parcelles-Assainies, Fass-Colobane-Gueule Tapée, Patte d’Oie, Grand Dakar, Sicap-Libertés, Biscuiterie et HLM, qu’il a perdues avec les départs de ses anciens camarades qui ont rejoint le pouvoir.
La tâche sera d’autant plus ardue qu’il faudra aussi faire de la place aux alliés qui vont venir des différents partis de l’opposition. En effet, sans alliance, il sera difficile à MTS de gagner la capitale. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la coalition semble dans cette dynamique. Dans un communiqué publié récemment, Khalifa précise ceci : ‘’Concernant les élections locales, je réaffirme notre volonté d’y participer à travers une grande coalition de l’opposition et dans toutes les circonscriptions électorales’’.
Dans la même veine, comme pour clarifier le débat autour de la candidature de Dakar, le document mentionne : ‘’Comme par le passé, Taxawu Senegaal en rapport et en accord avec ses alliés trouvera au terme de concertations franches et sincères les meilleures formules pour créer partout des équipes crédibles pour porter notre projet de développement local’’.
En fait, depuis 2009, la coalition a toujours procédé de la sorte, en privilégiant le consensus entre ses différents membres. Sauf que dans ces deux élections, la mairie de Dakar, qui fait tant rêver, avait un seul et unique candidat qui était le dénominateur commun de tous les membres de la coalition. Aujourd’hui, non seulement Khalifa est out, mais aussi d’autres forces politiques sont nées dans la capitale et ont des ambitions légitimes pour les différentes mairies. Lâché par une bonne partie de la base de MTS, Bamba Fall se dispute avec Barth le soutien de Pastef qui pourrait être décisif dans la bataille de la capitale.
Il faut rappeler qu’aux législatives de 2019, Khalifa était en alliance avec certains responsables de l’opposition comme Idrissa Seck, Mansour Sy Djamil, Cheikh Bamba Dièye… Ils ont été battus par la coalition BBY amenée par Amadou Ba. Toutefois, le total des scores MTS+WATTU SENEGAL de PDS serait devant celui de BBY, avec une différence de 51 225 voix.
MOR AMAR