Publié le 9 Oct 2021 - 09:26
SOMMET AFRIQUE - FRANCE

Vent debout contre la Françafrique

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Alors que le nouveau sommet Afrique-France sera ouvert, aujourd’hui, à Montpellier, les intellectuels africains, réunis autour du Collectif pour le renouveau africain (CORA) continuent leur ‘’contre-sommet’’ virtuel, par l’organisation, depuis hier et pour trois jours, d’une série de webinaires. Le premier thème était consacré au rôle des intellectuels africains et de la société civile.

 

Veille de sommet Afrique-France new-look. La grogne va crescendo. Hier, le Collectif pour le renouveau africain (CORA) a lancé sa série de webinaires initiés pour montrer son désaccord par rapport à l’organisation de tout Sommet sur l’Afrique, en dehors de l’Afrique. Adulé par certains, le remplacement des chefs d’Etats africains par la société civile n’est pas du goût des participants au conclave. Mais, se réjouit Boubacar Boris Diop ironique, cela aura au moins le mérite de réveiller une partie de l’élite du Continent, qui serait, à coups sûrs, restée de marbre, si cette activité entrait dans le cadre de la routine.

Il peste : ‘’Depuis qu’il est au pouvoir, le président, Emmanuel Macron n’a cessé de multiplier les initiatives : Conseil présidentiel pour l’Afrique, rencontre sur l’immigration, nouveau sommet Afrique-France…, nous devons d’ailleurs nous féliciter de cette nouvelle initiative. Sans elle, on n’en serait peut-être pas là à discuter de ce livre (De Brazzaville à Montpellier : regards critiques sur le néocolonialisme africain). Si ces changements n’avaient pas eu lieu, il n’y aurait pas ces contre-sommets, toutes ces contre-propositions dont le livre de CORA... Il (Macron) voulait du changement ; il est là. Mais, j’ai bien peur que ce ne sera pas le changement qu’il souhaitait’’.

En d’autre temps, croit savoir le journaliste écrivain, il serait facile d’organiser un tel sommet avec Mbembe et Cie ; mais, avec la théâtralisation et le contexte de ras-le-bol généralisé, les voix discordantes se font entendre de partout.  ‘’En tant qu’intellectuels, c’est notre devoir de nous adresser, directement, sans intermédiaire, aux Africains en leur disant la vérité. Comme je le dis dans ma contribution, finalement, les modalités de convocation de ce sommet, ses prétentions démesurées, confirme la nature profondément inégalitaire entre la France et l’Afrique’’, a-t-il renchéri.

A en croire Boubacar Boris Diop, ce qui caractérise la France, depuis le départ, c’est le refus de décoloniser. ‘’Il est difficile, souligne-t-il, d’envisager ces genres de relations entre la Grande Bretagne et ses anciennes colonies ; même chose pour le Portugal ? De manière aussi flagrante, il n’y a que la France qui est comme ça’’. Cela est connu de tous, si l’on en croit le fondateur des éditions Edjo. Même des chancelleries occidentales. ‘’Un ami, ancien ambassadeur de la Grande Bretagne, confie-t-il, m’a dit un jour : ‘ce que je vois l’ambassadeur de France faire ici au Sénégal avec les hommes d’affaires, les hommes politiques, si moi je le faisais au Nigéria, je n’en sortirais pas vivant’. Ce qui veut dire que même les ressortissants européens se rendent compte de cette anormalité dans nos relations avec la France’’.

D’Achille Mbembe, il dira : ‘’Cela m’étonne quand je vois certains ruer dans les brancards, parce que surpris de l’attitude de Mbembe. Moi, je n’ai jamais, jamais rien entendu de lui qui me paraissait sincère ou allant dans la profondeur des questions, je ne suis nullement surpris par cette attitude. Nous, nous sommes en train de remplir notre devoir. Je crois que c’est le bon moment. Le fait que nous nous exprimions avec tant de vigueur, c’est que nous sentons que la France n’a plus les moyens de ses prétentions. Et il en est conscient, c’est pourquoi, il essaie de reprendre la main. Il faut continuer la lutte, ne pas se laisser ni impressionner ni intimider’’.  

Dans l’antre du sommet

Ils seront entre 2 500 et 3 000 personnes, dont 700 en provenance d’Afrique, à participer au nouveau sommet Afrique-France, qui se tient, les 8 et 9 Octobre, à Montpellier.

L’Élysée a choisi de repenser l’exercice, après l’annulation du sommet de Bordeaux (prévu en juin 2020), jugeant l’ancien format « obsolète ». L’idée a finalement été arrêtée de « faire une sorte de sommet renversé où ceux qui d'habitude ne sont pas invités dans ce type d'événements internationaux seront au cœur de l'événement », explique une conseillère du président français. Conséquence : Montpellier sera « un sommet exclusivement consacré à la jeunesse et à la société civile ».  

Entre 2 500 et 3 000 personnes sont ainsi attendues, ce vendredi, dans la préfecture de l’Hérault. Entrepreneurs, chercheurs, étudiants, intellectuels, représentants associatifs… Un quart des participants viendront du continent : ce seront là des représentants des sociétés civiles et des entrepreneurs. Tous participeront, le vendredi matin, à des tables-rondes autour de cinq grandes thématiques : l’engagement citoyen, l’entreprenariat, la recherche, la culture et le sport.

Le temps fort de cette journée de lancement sera, selon RFI, ‘’l’échange entre le Président Macron et une douzaine de jeunes africains venus d’horizons différents (Mali, Côte d’Ivoire, RDC OU Afrique du Sud’’. Sur le critère de leur sélection, la Présidence française précise :  ‘’Ils ont été retenus pour leur capacité à parler en public et le regard critique qu’ils portent sur les relations avec la France. Aucun d’entre eux ne peut être soupçonné de complaisance à l’égard de la France.’’, lit-on sur le portail de RFI.

Lors de cet échange, Achille Mbembe –cheville ouvrière de ce sommet – rendra compte du travail qu’il a mené depuis janvier, après plus d’une soixantaine de rencontres organisées avec des jeunes et des représentants des sociétés civiles dans 12 pays du continent. Dans son rapport, 13 propositions pour ‘’refonder’’ la relation entre la France et le continent ont été faites, selon RFI. Il s’agit notamment : de créer un ‘’fonds d’innovation pour la démocratie’’ dont la dotation initiale serait de 15 millions d’euros ; de développer un programme ‘’Campus nomade" pour favoriser la mobilité des enseignants et chercheurs’’ et qui ‘’s’articulerait autour d’un programme Erasmus africain’’ ; de mettre en place ‘’un forum euro-africain sur les migrations qui servirait d’enceinte de dialogue’’ ; ‘’de tisser un nouveau narratif entre l’Afrique et la France, en confiant ce travail à une commission présidée par des historiens franco-africains’’ ; de ‘’transformer l’aide publique au développement’’ ou encore de ‘’refonder les relations avec l’Europe du XXIe siècle sur la base d’un nouveau traité entre les deux organisations continentales’’.

Emmanuel Macron devrait retenir certaines de ces propositions et faire, selon son entourage, des ‘’annonces’’, informe le portail. ‘’Au-delà des ‘’propositions concrètes’, le président français va surtout devoir clarifier et expliquer la position de Paris sur certains sujets sensibles comme le soutien apporté à Mahamat Idriss Déby au Tchad, la réorganisation du dispositif militaire français au Sahel ou encore la question des visas, des titres de séjour que de nombreux jeunes Africains peinent à obtenir’’. 

Mais comment le sommet est perçu du côté des chefs d’Etats africains mis en touche pour la première fois depuis 1973 ? Citant des sources proches de L’Elysée, RFI informe : ‘’Pour ne pas se fâcher avec tous les présidents africains, l’Élysée a pris bien soin de préciser que ce rendez-vous de Montpellier ne serait ‘pas le sommet des oppositions politiques’. Aucune figure majeure de la lutte contre les pouvoirs en place n’a ainsi été conviée. Ni aucun responsable politique’’. Il faut aussi rappeler que le sommet se tient dans un contexte particulièrement tendu avec la dégradation des relations avec le Mali, l’Algérie, entre autres.

Avec RFI

MOR AMAR

 

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