Publié le 16 May 2022 - 22:53
PROFIL- LAURENCE GAVRON (CINÉASTE FRANCO-SÉNÉGALAISE)

Portraitiste au service du patrimoine sénégalais   

 

Laurence Gavron est une cinéaste franco-sénégalaise qui réside à Dakar, depuis 2002. Intéressée par l’histoire, la culture et le patrimoine depuis 1991, elle réalise des films documentaires au Sénégal. Elle est l'auteure de ‘’Njaga Mbaye, le maitre de la parole’’, ‘’Yandé Codou Sène, diva Séeréer’ et ‘’Samba Diabaré Samb, le Gardien du Temple’’. 

  PROFIL  

Blanche, cheveux caramel, née à Paris, Laurence Gavron est souvent en tenue sénégalaise avec des bracelets et des colliers africains. Ne lui dites pas quelque chose de déplaisant en wolof, pensant qu’elle ne saurait pas ce que vous dites. Elle parle wolof aussi bien qu’elle parle français. Cinéaste, scénariste, photographe, femme de lettres, elle est sénégalaise de naturalité. Elle vit dans ce pays depuis 20 ans. ‘’C’est vraiment ma deuxième patrie. Depuis 30 ans, je fais mes films ici. Je suis sénégalaise de fait. J’aime beaucoup ce pays. J’ai beaucoup appris. Ce pays m'a beaucoup donné’’, confie à ‘’EnQuête’’ la Franco-Sénégalaise.

En effet, depuis 1991, Laurence Gavron réalise des films documentaires et des sujets pour des magazines télé au Sénégal. D’ailleurs, dans le cadre de la 13e édition du festival Stlouis’Docs, une projection  du film ‘’Samba Diabaré Samb, le Gardien du Temple’’  a été faite à l’école Abdou Diouf. Et les élèves ont très bien réagi. Ils ont aimé ce film qui parle de l’histoire du grand griot historien et généalogiste du Sénégal.

La cinéaste a fait le portrait de Samba Diabaré Samb. Elle a retracé son histoire, sa vie, en le suivant dans divers endroits importants du Sénégal, dans les lieux historiques, chez les chefs religieux ou lors de concerts où il s’est produit. Nommé ‘’Trésor humain vivant’’ par l’Unesco, ce griot demeurait, à 82 ans, le seul dépositaire des traditions, des valeurs de l’histoire du Sénégal. ‘’Ça m’a fait très plaisir. C’est toujours bien de montrer des films comme ça à des enfants qui ne connaissent pas forcément bien l’histoire de leur pays. Je pense que c’est une façon de transmettre le savoir, la culture, le patrimoine aux enfants, aux plus jeunes. C’est pour cela qu’on fait ce genre de film’’, explique Laurence Gavron.

Parlant de Samba Diabaré Samb, elle témoigne : ‘’C’était quelqu’un de très intègre, très droit, fier de sa fonction. Parfois, les griots (d’aujourd’hui) ont tendance à ne penser qu’à l’argent, malheureusement. Je pense que les grands griots sont presque tous partis.’’ ‘’Il y en a peut-être des nouveaux. Je sais que la petite-fille de Samba Diabaré Samb qu’on voit dans le film, la chanteuse Aida, est devenue très populaire. Mais elle n’est pas vraiment une griotte. Elle ne fait pas le même travail que son grand-père sur l’histoire’’, ajoute la collaboratrice du professeur Ibrahima Wane.

 

Une sorte de trilogie sur les griots

Ce documentaire n’est ni le premier ni le dernier film de la Franco-Sénégalaise qui porte sur l’histoire et la culture sénégalaise. Le premier film qu’elle a fait au Sénégal, c’était en 1991, sur Djibril Diop Mambéty. ‘’Sur le tournage de Djibril à Gorée, un jour, il y a Ndiaga Mbaye qui est venu le voir. C’était son ami. Il a commencé à le chanter. J’étais très étonnée, parce que je ne connaissais pas encore ça. En France, on n’a pas ça : les griots qui crient comme ça, qui chantent très aigu. Donc, je me suis renseignée. J’ai commencé à m’intéresser à lui, puisque les gens l’aimaient bien. Tout le monde, les jeunes, les vieux, toutes les classes confondues aimaient Ndiaga Mbaye’’, raconte la cinéaste. 

C’est ainsi que lui est venue l’idée de faire un film sur cet artiste. Dans ce cadre, elle a travaillé avec Hamidou Dia, un professeur qui avait fait sa thèse sur ce griot. Et c’est le film ‘’Njaga Mbaye, le maître de la parole’’, qui a entrainé le film  ‘’Samba Diabaré Samb, le Gardien du Temple’’ et ‘’Yandé Codou Sène, diva Séeréer’’.

En effet, comme le hasard fait bien les choses, durant le tournage du film sur Djibril, Laurence Gavron a rencontré Ndiaga Mbaye. Sur celui de ‘’Njaga Mbaye, le maître de la parole’’, elle a rencontré Yandé Codou Sène et Samba Diabaré Samb. C’est comme s’il y avait une sorte de logique. Une sorte de trilogie sur les griots, détenteurs d’un savoir traditionnel ancestral.

 Qu’est-ce qui impressionne Mme Gavron chez ces griots ?  ‘’ C’est le ‘xam-xam’ (leur savoir). C’est des gens qui sont à la fois très cultivés. Comme je disais aux enfants, c’est des historiens qui ont un talent artistique’’, rétorque-t-elle.  ‘’Yandé Codou Sène, il suffit de l’entendre pour être impressionné. Elle a cette voix extraordinaire qui rentre jusque dans nos cœurs. Une voix très émouvante’’, poursuit notre interlocuteur.  Laurence Gavron soutient que lorsqu’elle réalisait ces films, elle apprenait en même temps. Cela lui a permis de découvrir la culture sénégalaise. 

Parcours

Laurence Gavron a fait des études de lettres modernes et s’est spécialisée sur le cinéma. Elle a écrit sur le cinéma dans plusieurs journaux et revues, tout en commençant à faire des films. Elle dit adorer le cinéma, depuis toute petite. À ses débuts, elle pensait à la fiction. Mais elle a commencé avec les documentaires qu’elle a enchaînés. ‘’Je suis très contente, parce qu’il y a tellement d'histoires à raconter dans la réalité’’, dit-elle. Son premier film documentaire, ‘’Just Like Eddie’’ (1979) est un portrait de l’acteur Eddie Constantine, réalisé pour la télévision allemande. Parallèlement, elle réalise un court métrage de fiction, ‘’Fin de Soirée’’ (1980), puis participe au film ‘’Sept Femmes, Sept Péchés (L’envie ; II Maestro)’’ 1986. Laurence Gavron a récemment réalisé au Sénégal ‘’Hivernage’’, son premier long métrage de fiction. Elle travaille sur l’écriture de son prochain long métrage.

Assistante de réalisation sur l’émission ‘’Cinéma, Cinémas’’ sur Antenne 2 pendant deux ans, Laurence Gavron y a travaillé aussi comme journaliste, puis réalisatrice, mettant en scène de nombreux sujets, reportages, interviews de 1983 à 1990. Elle a aussi travaillé pour Arte. Et pour la télévision française, Laurence Gavron réalise de nombreux sujets sur des écrivains, designers, etc. Puis un film sur ‘’Assiko !’’ en 2008. Suivront deux nouveaux films documentaires, ‘’Juifs et Noirs’’, ‘’Les racines de l'olivier'' (2015) et ‘’Si loin du Vietnam’’ (2016). 

Laurence Gavron est aussi auteure. Elle a publié, en 1987, un livre sur le cinéaste américain John Cassavetes (Édition Rivages Cinéma) et quatre romans : ‘’Marabouts d’ficelle’’ (2000, Éditions Baleine) puis une trilogie policière ‘’Boy Dakar’’ (2008) aux éditions Le Masque J. CI, Lattès. Elle fait plusieurs expositions photo depuis 2005, au Sénégal. 

Il faut bien noter que Laurence Gavron aime le ‘thiébou dieune’ (riz au poisson en langue wolof), dit plat national sénégalais, inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité. ‘’J’aime aussi le mafé, le yassa…’’, sourit-elle. Ce qu’elle aime aussi au Sénégal, c’est surtout les gens. ‘’Ils sont sympathiques, intelligents, vifs, pleins d'humour, la plupart du temps’’, apprécie Laurence Gavron.

BABACAR SY SEYE

 

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