La République en otage

Depuis la publication des listes électorales, la tension est vive, avec une multitude de recours déposés auprès du Conseil constitutionnel. Les coalitions politiques de l’opposition et du pouvoir multiplient, les sorties guerrières et se préparent à des batailles rangées. La société civile appelle au calme.
La guerre fait rage. À quelques semaines des élections législatives de juillet, les états-majors politiques rivalisent d’ardeur dans le discours belliqueux. Alors que les uns menacent la quiétude des Sénégalais avec des appels à l’insurrection, les autres passent leur temps à insulter et à menacer de descendre dans la rue. Pour la société civile, il est temps de dire stop, avant que les choses ne dégénèrent.
‘’Cette situation exceptionnelle soumise à ce stade à l’appréciation du Conseil constitutionnel, à la lumière des dispositions du Code électoral, a provoqué de part et d’autre des prises de parole fortes pouvant entrainer des risques graves de troubles du climat de paix et de stabilité. Ce faisant, la société civile exhorte toutes les parties prenantes à la retenue et à ne pas appeler à des actions pouvant déboucher sur des manifestations violentes’’, lit-on dans la déclaration commune signée par plusieurs organisations membres du Cosce (Collectif des organisations de la société civile pour les élections) et de la Pacte (Plateforme des acteurs de la société pour la transparence des élections).
Pendant ce temps, les deux blocs jouent à se faire peur, alors qu’ils ne sont pas étrangers à l’imbroglio dans lequel se trouve le processus électoral. À cause de leurs erreurs dans la confection des dossiers de candidature selon les règles du Code électoral, la Direction générale des Élections, à travers la commission en charge de la réception des dossiers, a été obligée d’exclure, partiellement ou totalement, des listes. Ces décisions ne passent pas du côté des états-majors politiques.
Ainsi, les discours va-t-en-guerre fleurissent. Et il y a un risque d’embrasement du pays. Selon les organisations signataires, il faut que les parties se ‘’ressaisissent’’ et utilisent ‘’les moyens légaux que leur offre le cadre juridique pour faire valoir leurs arguments auprès des institutions judiciaires du pays’’. Comme ça se passe dans tout pays civilisé.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet appel semble tomber dans l’oreille de sourds. Depuis la notification de l’arrêté portant publication des listes, chaque partie bande les muscles. Aujourd’hui, l’escalade a été évitée de justesse. Après avoir annoncé une grande mobilisation, Yewwi Askan Wi a été amenée de reporter sa marche jusqu’à la semaine prochaine, suite à l’interdiction du préfet. Officiellement, parce qu’il y a une autre manifestation au même endroit. Elle va tenir à la place une conférence de presse de lancement de son inter-coalition avec la Grande coalition Wallu Senegaal, ce matin.
La confrontation est différée au mercredi 8 juin
Dans la foulée, BBY a sursis, elle aussi, à sa contremarche et a préféré convier ses militants à un meeting à la Médina. La confrontation est ainsi différée au mercredi 8 juin. Yewwi Askan Wi a décidé de tenir son rassemblement, ce jour-là. De son côté, le maire de la Médina, Bamba Fall, informe sur le programme de sa coalition : ‘’Demain, on sera à la Médina ; après-demain aux HLM ; dimanche à Hann Bel Air… Mercredi prochain, (le jour de la manifestation de l’opposition), on n’avait rien prévu, mais on va finalement faire une promenade dans Dakar.’’
Appelant les jeunes de l’APR et de BBY à la mobilisation massive, il peste : ‘’Le mot d’ordre, c’est Yewwi : club des violeurs, club des ‘biireul katt’. C’est un club de violeurs et nous n’allons pas les laisser brûler ce pays. Nous allons faire face. Les jeunes sont là et nous sommes prêts. Qu’ils sachent que nous sommes prêts…’’
D’ici là, le Conseil constitutionnel va rendre sa décision très attendue, qui va soit ramener calme et sérénité dans l’espace politique, soit envenimer la situation. C’est d’ailleurs en ce sens qu’il faut inscrire cette requête de la société civile. Les amis de Moundiaye Cissé demandent, en effet, aux huit sages ‘’d’user de (leur) pouvoir de régulation pour prendre des décisions allant dans le sens d’une élection inclusive dans le respect des principes qui gouvernent un État de droit. Enfin, nous invitons les populations, les acteurs politiques et l’État au calme et à la sérénité pour sauvegarder la stabilité de notre pays’’.
MOR AMAR