Publié le 3 Jan 2024 - 09:13
ADDICTIONS AUX DROGUES, AUX JEUX D’ARGENT, AU SEXE...

Les énormes chantiers du Cepiad

Depuis 2015, le Centre de prise en charge intégré des additions de Dakar (Cepiad) a pris en charge 4 000 patients pour différentes addictions : aux drogues, aux jeux d’argent, sexuelles, aux smartphones… Son directeur Pr. Idrissa Ba est préoccupé par les femmes qui tombent, de plus en plus, dans différentes formes d’addiction.

CHEIKH THIAM

Le Centre de prise en charge intégré des additions de Dakar (Cepiad) organise trois journées de portes ouvertes pour permettre aux populations de mieux connaître les services que le centre peut offrir dans la prise en charge des addictions aux drogues. D’autant qu’il y a de nombreuses mutations, avec l’émergence de nouvelles drogues, notamment de celles de synthèse. Ce que révèle le coordonnateur du centre, Pr. Idrissa Ba. A l’ouverture du Cepiad, dit-il, on parlait de drogues injectables ; maintenant, de nouvelles formes de drogues ont envahi le marché.
Professeur Ba souligne que ces dernières posent beaucoup de problèmes. Il s’agit notamment du volet et des ballons. Il y a d’autres formes d’addiction, précise-t-il, qui sont sans substance, à savoir les jeux d’argent, l’addiction sexuelle, l’addition aux smartphones parmi tant d’autres qui paraissent important d’aborder et d’engager.

‘’Les femmes constituent l’une de nos préoccupations’’

‘’Depuis que nous avons ouvert en 2015, le centre reçoit annuellement 500 nouvelles demandes par an. Actuellement, nous avons une file active de près de 4 000 patients qui sont suivis par le Cepiad. Et au niveau de cette prise en charge, nous avons un programme important, c’est par rapport aux drogues injectables, les OPIAC (Les opiacés (opium, morphine, codéine) constituent des dérivés naturels du pavot, alors que les opioïdes sont des composés semi-synthétiques (héroïne, buprénorphine) ou synthétiques (fentanyl), dont les propriétés analgésiques sont beaucoup plus puissantes), l’héroïne’’, renseigne le directeur du centre.

Il ajoute : ‘’On a également le programme méthadone qui constitue à inclure dans ce programme-là les gens dépendant des OPIAC, notamment l’héroïne. Et dans ce programme, nous avons enregistré 300 personnes qui ont été incluses. Mais ce programme est confronté à beaucoup de difficultés liées à cette stigmatisation et cette discrimination qui font que les gens ont beaucoup de problèmes à avoir accès au programme, mais surtout à rester dans le programme. Ce qui fait que nous avons communiqué, nous avons parlé des droits humains, des réformes de nos politiques pour faciliter l’accès aux soins, on a parlé aussi d’un engagement plus fort de l’État.’’

Le Cepiad, souligne Pr. Ba, est engagé dans un processus de décentralisation, puisqu’aujourd’hui il n’y a plus que le Cepiad au Sénégal. Quatre autres structures existent et prennent en charge les consommateurs de drogue : une à Thiaroye, une unité d’addictologie à l’hôpital de Mbour, une à l’hôpital de Kaolack et le centre de Mbacké.

‘’Il faut que l’État et les autorités s’impliquent davantage pour que nous puissions faire face à cette demande de plus en plus croissante. En matière d’addiction, il n’y a pas de sexe ou d’âge. Mais les femmes constituent l’une de nos préoccupations. A peu près, c’est 10% de nos populations. Nous savons qu’il y en a plus. Il faut que nous soyons beaucoup plus focus sur ces femmes. C’est pourquoi, les activités de ces journées ont beaucoup ciblé les femmes. Il s’agit d’activités génératrices de revenus, parce que, dans l’addiction aussi, il y a un problème économique et social. C’est des femmes avec qui il faut faire des activités d’estime de soi comme la coiffure, la teinture entre autres. Ces activités visent à favoriser la fréquentation du Cepiad’’, explique Pr Ba.

‘’Nous devons lutter contre la stigmatisation’’
En outre, il précise que la stigmatisation et la discrimination liées aux représentations, que ce soit à la loi ou aux valeurs culturelles ou traditionnelles, constituent un des obstacles auxquels ils sont confrontés. C’est pourquoi le Cepiad, au-delà de ses activités de prise en charge, fait beaucoup de plaidoyer, pour faire savoir que l’addition est une maladie qui a été prouvée scientifiquement. Et que les concepts ont leur poids, leur impact dans la prise en charge. ‘’Depuis 2015, date de démarrage des activités du Cepiad, nous avons vu que le taux de fréquentation peut être amélioré. Si nous communiquons avec les populations, si nous sortons de nos cours, si nous faisons le plaidoyer auprès des autorités pour un renforcement des moyens mis à sa disposition, cela peut contribuer à lever ces obstacles. Cela en faisant connaitre aux populations qu’il y a des personnes qui vivent avec leur addiction et des personnes qui vivent avec un handicap, comme il y a des personnes qui vivent une pathologie comme le Vih, etc.’’ a-t-il précisé.

Pour sa part, le directeur bureau pays Onusida au Sénégal a confié que la question de la prise en charge des drogues est au cœur des actions de l’institution qu’il dirige. La prise de drogue, souligne Demba Koné, est un terrain favorable au VIH, puisqu’ils veulent mettre fin au VIH, d'ici 2030. ‘’C'est important de faire la prévention pour que les jeunes et les femmes ne puissent tomber dans l'addiction. Et que les personnes qui prennent déjà des drogues puissent bénéficier d'une prise en charge correcte. Nous devons tout faire autour de nous, des familles, pour lutter contre la stigmatisation, car elle empêche les personnes d'accéder aux services et cela les empêchent de jouir de leurs droits’’, indique-t-il.

Section: