Entre arrestations, concert de lacrymogènes et Intifada
Dakar a renoué, hier, avec la violence. Plusieurs hommes politiques ont été arrêtés. À l’aide de gaz lacrymogènes, les forces de défense et de sécurité ont tenté de disperser la foule. Plusieurs endroits de la capitale ont été barrés.
Vingt-quatre heures après l’annonce du président de la République de reporter la Présidentielle sans donner une nouvelle date, des candidats de l’opposition se sont donné rendez-vous en début d’après-midi sur la VDN, à hauteur du cimetière Saint-Lazare, pour entamer leur campagne électorale. Sauf que sur place, c’est un important dispositif de gendarmes armés jusqu’aux dents qui les y ont devancés.
La stratégie de la maréchaussée était claire : pas question de laisser quiconque dérouler son plan d’action sur place et ainsi éviter toute mobilisation politique. C’est ainsi que la cheffe du mouvement Alternative pour la relève citoyenne (Arc), Anta Babacar Ngom, a été interpellée d’abord, ensuite Mimi Touré de la coalition Mimi2024. Séparément, elles ont été acheminées dans les locaux de la brigade de gendarmerie de la Foire. Toutes les deux ont fait l’annonce de leur arrestation via le réseau social X. "Je viens d’être embarquée vers la gendarmerie de la Foire dès que je suis sortie de mon véhicule’’, lit-on dans un post de Mimi Touré. ‘’Je suis actuellement détenue à la gendarmerie de la Foire, après avoir été brutalisée par les forces de l’ordre. Cette épreuve est un témoignage des défis auxquels nous faisons face dans notre lutte pour la justice et la démocratie au Sénégal’’, a, à son tour, écrit Anta Babacar Ngom. Avant de dénoncer, ailleurs, l’arrestation de son responsable ainsi que de la coordinatrice des femmes de sa formation politique, section Bargny.
La grande maréchaussée n’en avait pas que contre les dames. Car le patron du mouvement Action, le Pr. Daouda Ndiaye, a également été arrêté. Il a été, selon lui, bousculé et blessé au niveau du visage et au bras. Les images de son arrestation étaient devenues virales sur les réseaux sociaux.
Venus couvrir les manifestations, des journalistes sénégalais ont été interpellés avant d’être relâchés. Des femmes journalistes ont été aussi brutalisées par les FDS.
Par ailleurs, des personnes n’ayant pas l’aura des politiques, mais qui comme eux souhaitaient que la campagne électorale pour la Présidentielle débute, ont été brutalisés au niveau de la VDN, forcées d’inhaler les gaz lacrymogènes. Pour se défendre, elles lançaient des pierres, déclenchant ainsi une véritable Intifada.
Dans ce méli-mélo, des pneus ont été brûlés par des jeunes furieux. Ce qui a occasionné pendant des heures des embouteillages un peu partout dans la capitale, principalement sur la VDN 3, Malika, Cambérène et Parcelles-Assainies. La circulation y était devenue presque impossible.
Le siège de Taxawu Sénégal aussi a reçu la visite des gendarmes qui y ont jeté des grenades lacrymogènes, alors que le leader de la coalition, Khalifa Ababacar Sall, se rendait au point de départ des candidats sur la VDN. Plusieurs blessés ont été dénombrés et la voiture de Khalifa Ababacar Sall a reçu des jets de lacrymogènes qui l’ont endommagée.
‘’Il faut qu'il se débrouille pour nous organiser notre élection’’
Aliou Mamadou Dia, du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), de son côté, était en train de mener tranquillement sa campagne dans les environs de son quartier général. L’annonce a été faite par lui-même à travers une vidéo. "On se mobilise. On est en train de faire notre campagne. Personne ne peut nous empêcher de faire notre campagne. On est là-dessus. Tous les jours, nous allons faire notre campagne, que ce soit à Dakar ou à l'intérieur du pays, dans les villages, les communautés. Nous avons besoin que l'élection soit organisée le 25 février. Il faut qu'il se débrouille pour nous organiser notre élection. Point. Donc, on se mobilise’’, a-t-il indiqué. Accompagné de ses militants et en tenue de combat, M. Dia a continué à distribuer ses flyers et tenté de convaincre les Dakarois de voter pour lui.
Du côté de Kaolack, selon le député Guy Marius Sagna, sa collègue de l’ex-Pastef, Rokhy Ndiaye, et neuf autres personnes ont été arrêtées.
Au-delà des dégâts matériels et des embouteillages notés, les manifestations ont causé l’interruption d’un match de Coupe de la Ligue.
CHEIKH THIAM