Quel Président Sénégalais au milieu des tourmentes d’un monde incertain ?
Entre le gaz et le pétrole, la présence du terrorisme chez certains de nos voisins notamment à l’Est, les résidus de rébellion au Sud, les pressions internationales venant des lobbies de toutes sortes et les impacts des crises latentes du monde, le Sénégal est assis sur un arbre de complexité à plusieurs branches à ne pas réduire en simplicité sur la base naïve de slogans pompeusement populistes. C’est dans ce contexte qu’il faut sous peu choisir un nouveau capitaine parmi vingt (20) prétendants pour le navire Sénégal. Il ne s'agit pas de choisir un Président d'association ; mais plutôt un citoyen qui va durant au moins 1826 jours engager toute une Nation.
Face à cette complexité des équations, il est bon de se rappeler que notre pays, cinquième (5ème) puissance gazière d’Afrique et vingt-septième (27ème) mondiale, a adopté un nouveau Code pétrolier qui fait grincer des dents dans certaines chaumières de l’Occident boulimique.
Nous savons tous que le Sénégal tient bon dans la préservation de l’intégrité territoriale face aux réelles intentions de déstabilisation terroriste et séparatiste. Si cela a pu se faire, c’est grâce à une intelligente souveraineté militaire dans le choix libre de nos achats et dans la définition et la mise en œuvre de nos stratégies endogènes de défense et de sécurité. La « grande muette » et l’Etat ne communiquent pas sur les détails de tout ceci pour des raisons d’Etat ; mais si les citoyens sénégalais vivent dans la quiétude et vaquent tranquillement à leurs occupations, c’est parce que le choix n’a pas été de « sous-traitance » de notre sécurité à une quelconque puissance étrangère.
Notre pays gère bon an mal an avec des difficultés liées aussi aux impacts de la crise mondiale issue de la Covid-19 et des incertitudes de l’éventualité d’une guerre d’envergure mondiale (pour ne dire guerre mondiale) si on observe les velléités guerrières en Ukraine, à Taiwan, Corée, Gaza et dans le Sahel.
Sur le front culturel et cultuel, le Sénégal résiste intelligemment pour préserver ses valeurs face à l’insidieuse puissance des lobbies de toutes sortes qui ont l’ambition affichée et offensive de transformer leurs hobbies en « droits de portée universelle ».
Il ne faut pas se voiler la face. Nous avons des compatriotes plus affiliés à l’internationalisation de mode de pensée et d'expression de la religion qu’aux valeurs issues du legs des précurseurs qui ont fait entrer dans notre pays les religions révélées. S’il est vrai que nous devons protéger la liberté pour permettre à chacun d’exercer librement son rapport au culte, il n’en demeure pas moins vrai qu’il est de la responsabilité pour l’Etat de tout faire pour éviter un saccage des fondements de l'héritage issu des bases confrériques qui sont des remparts contre certaines formes d’intolérance. La grande porte de déstabilisation du pays pourrait passer par là si nous n'avons pas un Chef d’État assez costaud pour veiller au respect de nos héritages en la matière.
En clair, prôner un changement d’ADN du Sénégal, c’est une façon de semer les bases d’une confrontation fratricide propice au pillage de nos ressources.
Les citoyens doivent savoir qu’en « back-office » des pressions de tous ordres, c’est un Sénégal debout qui traverse un instant de choc institutionnel interne largement amplifié par « l’internationale de l’influence » de façon opportuniste pour chercher coûte que coûte à fragiliser le pays pour se mettre en position de négociation favorable devant le pouvoir qui sortira des urnes après l'élection présidentielle de 2024 (dont la date sera fixée après consultation par l’institution compétente en la matière incarnée par le Président de la République).
Notre propos n’est pas de revenir sur les péripéties de l’épisode politico-juridique. Le Conseil constitutionnel a tranché la question et l'exécutif a pris l’engagement, après consultation, de la mise en œuvre de la décision du juge électoral.
Il s’agit ici d’attirer l’attention pour que les citoyens et acteurs politiques évitent d’être les dindons de la farce d’une planification d’actions pour dynamiter (faire sauter) un pays qui a les atouts d’une dynamisation (progrès) à bâtir dans la paix et la concorde. Nous pouvons et devons éviter de tomber dans les abîmes de ceux qui piaffent d’impatience de voir sens dessus-dessous le Sénégal, l’un des porte-étendards d'une Afrique libre de choisir ses partenaires et amis.
Pendant douze ans, le Président Macky Sall a tenu bon le navire en alliant et alternant avec finesse la résistance du baobab et la souplesse du roseau.
C'est sous son magistère que la Chine est passée de vingt-quatrième (24ème) à partenaire économique numéro un (1) du Sénégal avec une Turquie plus présente dans les grands projets. C'est avec Macky Sall Président de l'Union Africaine qu'une bonne partie de l'Afrique ne s'est pas alignée sur l'un des belligérants directs ou par procuration de la guerre Russo-Ukrainienne. C'est sous le Président Macky Sall que le refus est porté contre le nouveau diktat pour l'arrêt des investissements sur les énergies fossiles. C’est encore sous Macky Sall que la réaffirmation du refus d’acceptation de l’universalisation de certains phénomènes et hobbies a été aussi clair.
Qu’en sera-t-il après Macky Sall ? Est-ce que le futur Président sans trop d'exubérance saura être à la fois baobab et roseau ?
A vrai dire, l’élection présidentielle de 2024 est dangereusement grosse de deux Sénégal possibles :
- La possibilité d’accouchement d’un pays trop fragile à la merci des lobbies économiques et culturelles ou ;
- La consolidation d’une Nation qui garde sans bomber le torse le cap accéléré du développement endogène et d’une résistance africaine intelligente.
A voir les tirs groupés durant ce moment de vacillement institutionnel, c’est à se poser les quatre questions essentielles suivantes :
- Notre position de pays pétrolier et gazier dérangerait-elle ceux qui préfèrent nous mettre dans une posture d’éternel demandeur d’aide ?
- Les prises de position du Président Macky Sall face aux lobbies sur des problèmes sociétaux et face aux superpuissances qui auraient souhaité par exemple un alignement africain dans la crise russo-ukrainienne agaceraient-elles l’occident éternel donneur de leçons ?
- La préservation de notre modèle cultuel d’équidistance de l’État protecteur de notre héritage cultuel indisposerait-elle les nouveaux prêcheurs d’un expansionnisme religieux faussement universel ?
- Notre stabilité au milieu du feu de l’Afrique de l’Ouest susciterait-elle la douce « jalousie amicale » de certains de nos voisins progressistes conjoncturels et de certains compatriotes aigris qui n’ont pas la même lecture des notions d’intangibilité et d’intégrité territoriale que la majorité ?
Ces quatre questions doivent aujourd’hui inviter à une introspection de tous les acteurs.
Au-delà des nuances et différences des projets politiques, les thématiques majeures et utiles pour le débat de campagne et le profil des candidats devraient être analysés autour des cinq (5) grappes de problématiques que sont :
- L’intangibilité, l’intégrité et l’inaltérabilité du territoire et de la souveraineté nationale ;
- L’unité nationale, le respect des libertés et la promotion des droits du citoyen ainsi que l’élimination des injustices, inégalités et discriminations ;
- La séparation et l’équilibre des pouvoirs dans le respect et la consolidation d’un État de droit ;
- L’accès des citoyens aux services publics et à l’exercice du pouvoir ;
- Les relations cordiales, loyales et équitables entre le régime élu et l’opposition démocratique.
Beaucoup de choses ont été faites au niveau de ces cinq grappes de problématiques. Il s’agira de les renforcer et d’éviter de vendre aux populations l’idée populiste d’un « État-Zorro » qui va résoudre tous les problèmes.
Quels doivent être le sens de l'équilibre, la posture et la largesse d'épaule du Président de la République qu'on va élire pour dynamiser et non dynamiter le Sénégal ? Cette question est d’une extrême importance pour le devenir de notre cher pays.
En vérité, le vacillement (pour ne dire crise) institutionnel dont parlent certains ne doit pas cacher ces instants de bégaiement de la citoyenneté qui a fait que beaucoup de compatriotes sont tombés dans le piège qui a consisté à vouloir regarder les réalités de notre peuple sous le prisme déformant de l’emprise médiatique d’un occident en déclin. Les occidentaux qui ont produit des monstres géniteurs de guerres mondiales ont aujourd'hui mieux à faire chez eux avec la résurgence des pensées et prises de pouvoirs dans leurs terroirs par des théoriciens et praticiens du monde fou, égoïste et raciste des extrêmes.
Notre pays a certes ses problèmes, mais il a sa Jeunesse qui est beaucoup plus un adjuvant qu'un fardeau. Le dernier recensement de 2023 réalisé par l’ANSD montre qu’avec nos 18 032 473 habitants, la moitié est âgée de moins de 19 ans et les moins de 15 ans constituent 39,2% de la population globale. Le Sénégal a hélas 46,8% de sa population concentrée sur 6,12% du territoire c’est à dire dans l’axe des régions de Dakar, Thiès et Diourbel. Rien qu’à Dakar, dans chaque km², il y’a en moyenne une densité de 7277 habitants au moment où à Kédougou la densité est de 15 habitants au km².
Face à nos équations démographiques et spatiales, les politiques d’équité territoriales mises en œuvre constituent un socle à partir duquel il faudra continuer de bâtir dans la paix et la concorde.
Pour développer notre pays, il faudra éviter d’avoir dix-huit millions de « revendicateurs » mais tout faire pour avoir une masse critique importante de « bâtisseurs » qui comprennent que l’ADN du pays ne doit pas changer pour faire plaisir à des marchands d’illusion.
C’est la préservation de notre ADN fait de tolérance et d’acceptation de nos différences qui donnera les gages d’un développement endogène. Autrement, on aura travaillé pour une fragilisation de notre pays dans l’intérêt des « éternels influenceurs » du « monde nouveau » qui a et n'a que la certitude de ses angoissantes incertitudes.
Le futur Président de la République du Sénégal aura à résoudre l'équation de la préservation des acquis et du renforcement du développement endogène dans un environnement hostile exacerbé par nos découvertes pétrolières et gazières qui aiguisent de féroces appétits et que d’aucuns n’hésiteront pas à transformer en poudrière pour tous.
Notre pays n’a pas le droit de vendre des chimères à sa jeunesse. Simplifier l’équation sénégalaise par la banalisation du profil du « civil Chef Suprême de nos Armées et de notre Diplomatie » serait comme un saut périlleux vers l'inconnu.
Un mauvais choix ne nous fera pas seulement que reculer. Il nous plongera également dans l'abîme si nous mettons par mimétisme ou effet de mode ce pays sur de frêles épaules.
C’est pourquoi l’écoute des candidats et l'auscultation au microscope de leurs parcours sont vitales pour un choix judicieux et réfléchi dans l’intérêt supérieur du Sénégal.
Pour cette élection, ceux qui veulent d’un Sénégal faible feront tout pour la promotion populiste de candidats sur des bases émotionnelles et réactionnaires. Il appartient donc aux acteurs politiques et aux équidistants de rester dans le débat axé sur le meilleur profil apte pour la conduite du navire Sénégal dans un monde suffisamment complexe. Le débat ne doit pas être binaire entre pouvoir et opposition. Vingt candidats signifient vingt projets et vingt profils. Quel vaut chacun des vingt candidats ? Quel est le parcours de chacun ? Quel est le projet de chacun ? Quelle est l’aptitude à la fonction présidentielle de chacun ? Ces questions, entre autres, paraissent plus importantes que les adhésions identitaires, affectives ou hystériques.
Dans un Sénégal où le faux côtoie le vrai, il faudra se rappeler du proverbe de la langue Shona de l'Afrique australe qui affirme à juste raison que « le lion rugissant ne tue aucun gibier ». Comme quoi, on ne dirige pas un pays avec des slogans et de certitudes naïves. Le civil Chef Suprême des Armées que nous élirons devra, sur la base de son parcours être en mesure de maintenir à flot et faire progresser le Sénégal au milieu des cyclones d’un monde déjà nouveau et et amplement incertain pour tous.
Par Mamadou NDIONE
Économiste Écrivain
Maire de Diass