Faire renaître l'union de la maison de Keur Léopold
À l'approche des élections législatives de novembre 2024, la récente annonce d'une coalition entre Taxawu Sénégal de Khalifa Sall et la Nouvelle responsabilité d'Amadou Ba a provoqué des remous dans le paysage politique sénégalais. Ce rapprochement, bien qu'encore non officiel, selon Ngouda Sall, responsable de Taxawu Sénégal à Keur Massar, témoigne d'une volonté commune de s'opposer au pouvoir en place.
À moins de deux mois des législatives du 17 novembre 2024, la scène politique sénégalaise se transforme en un véritable théâtre d'alliances hétéroclites. ‘’Un gouvernement contre nature et contre la nature’’, a déclaré Marine Tondelier, la dirigeante des Écologistes, en s'attaquant au gouvernement Barnier en France. Cette critique résonne fortement dans le contexte politique sénégalais où l'émergence de coalitions hétéroclites semble souvent motivée par des stratégies électorales plutôt que par des principes idéologiques solides.
En France, Tondelier dénonce un alignement qui semble dénaturer les valeurs écologiques et sociales au profit d'intérêts partisans. De même, au Sénégal, les alliances politiques se forment et se déforment non pas par conviction, mais plutôt par opportunisme, créant un paysage où les idéaux semblent relégués au second plan, analysent plusieurs observateurs politiques.
Taxawu Sénégal, dirigé par Khalifa Sall, se positionne dans ce contexte complexe, cherchant à solidifier sa place face à la coalition DiomayePrésident au pouvoir.
Les nouvelles alliances : Taxawu Sénégal et Amadou Ba
La récente annonce d'une coalition entre Taxawu Sénégal de Khalifa Sall et la Nouvelle responsabilité d'Amadou Ba a suscité des réactions dans le paysage politique. Ce rapprochement, bien que non encore officiel, selon Ngouda Sall, responsable de Taxawu Sénégal à Keur Massar, montre une volonté de convergence contre le pouvoir en place. Fort de ses 38 % obtenus lors de la dernière élection présidentielle, Amadou Ba, en s'associant à Aminata Mbengue Ndiaye (PS) et à Khalifa Sall, vise à créer un front uni pour affronter la mouvance présidentielle.
Cette coalition est le résultat de mois de discussions, mais elle reste teintée d'hésitations. Les militants de Taxawu semblent réticents à s’allier avec Amadou Ba, craignant une perte d'identité politique. De plus, les leaders des deux entités sont perçus comme ayant verrouillé leurs décisions, suggérant qu'une déclaration officielle pourrait bientôt être attendue. Des rumeurs circulent même sur d'autres personnalités, comme Bougane Guèye Dany et Karim Wade, qui pourraient rejoindre ce mouvement pour renforcer l’opposition.
Dans la foulée, la coalition Taxawu Sénégal a tenu à éclairer l’opinion hier dimanche. Contrairement aux informations relayées, Khalifa Ababacar Sall, leader de la coalition, n’a pas visité la maison du Parti socialiste pour formaliser une quelconque alliance. Cette visite s’inscrivait dans une série de rencontres que l’ancien maire de Dakar mène avec différents partis et coalitions politiques pour discuter des perspectives politiques du Sénégal.
Dans un communiqué, Taxawu Sénégal a rappelé que des canaux officiels sont mis en place pour garantir la diffusion d’informations exactes et vérifiées concernant ces échanges. La coalition a également invité les médias et l’opinion publique à s’en tenir à ces sources officielles pour éviter toute confusion. Khalifa Sall a formellement démenti toute alliance à ce stade, affirmant qu’aucune coalition n’a été scellée pour le moment.
Le passé récent de Taxawu Sénégal
Taxawu Sénégal a une histoire récente marquée par des alliances et des ruptures. Lors des dernières élections législatives, le mouvement s’était allié avec le parti Pastef d’Ousmane Sonko pour former Yewwi Askan Wi, une coalition qui avait enregistré plus de 50 députés, y compris ceux du Pur. Formée à la fin de 2021, cette coalition représentait une force d’opposition sans précédent, mais les relations se sont rapidement détériorées, culminant avec une rupture le 9 août 2023.
Les accusations de trahison entre Taxawu et Pastef, qui ont suivi un remaniement au Conseil municipal de Dakar, ont exacerbé les tensions. Abass Fall, ancien adjoint au maire, a dénoncé la complicité de Taxawu avec le pouvoir en place, alors que les attaques réciproques entre militants des deux partis se sont intensifiées sur les réseaux sociaux. Ce climat de rivalité, peu habituel au Sénégal, pourrait ressurgir lors de la campagne électorale, à un mois de son lancement.
Le parcours de Khalifa Sall : Une figure politique éprouvée
Khalifa Ababacar Sall n'est pas un novice en politique. Élu maire de Dakar en 2009, il a su s’imposer malgré une carrière jalonnée d’épreuves. Révoqué et incarcéré en 2017, son parcours a été marqué par des victoires électorales, notamment sa réélection en 2014 face à Aminata Touré. Sa stratégie a souvent reposé sur un soutien populaire solide, notamment dans des quartiers comme Grand-Yoff, qui ont fait de lui une figure emblématique.
En 2014, Khalifa Sall a remporté une victoire éclatante contre Aminata Touré, alors Première ministre, ce qui a conduit à son limogeage dans le deuxième gouvernement de Macky Sall. À cette occasion, il a reçu le soutien des populations de Grand-Yoff ainsi que de quatorze autres communes sur les dix-neuf que compte Dakar.
Pour sa part, Aminata Touré a subi une défaite lors de son premier examen électoral, y compris dans son propre bureau de vote. Elle a été remerciée par le président Macky Sall le vendredi soir, avant même de célébrer le premier anniversaire de sa nomination comme Première ministre, le 1er septembre 2013.
Sall a aussi connu des revers, comme son incapacité à concourir lors de la Présidentielle de 2019, où il a soutenu Idrissa Seck, marquant ainsi sa volonté de rester actif dans le jeu politique, malgré les obstacles. Son expérience en tant que ministre, député et consultant pour les Nations Unies lui confère une légitimité qui pourrait jouer en sa faveur lors des prochaines Législatives.
La position de Taxawu Sénégal et ses limites
Pour rappel, Taxawu Sénégal demeure une force politique significative dans le pays, avec des figures emblématiques telles que Barthélemy Dias, maire de Dakar, ainsi que Diane Diakhaye, Seydina Issa Laye Samb de Yoff, Madiop Diop de Grand-Yoff et Dieuppeul Derklé. Le mouvement compte également 14 députés.
Malgré un ancrage politique significatif, Taxawu Sénégal a obtenu des résultats décevants lors des dernières élections, avec moins de 2 % des voix. Cette performance soulève des questions sur sa capacité à mobiliser un électorat autour de ses nouvelles alliances. D'autant plus que la coalition, forte d'une base solide avec des figures comme Barthélemy Dias et d'autres élus, doit naviguer dans un contexte où les divisions internes pourraient affaiblir son impact.
La présence de Khalifa Sall en tant que leader charismatique pourrait néanmoins galvaniser ses partisans, mais il devra surmonter le scepticisme de certains militants vis-à-vis de ses choix stratégiques. La dynamique actuelle, où le pouvoir en place semble bénéficier de la division de l’opposition, pose un défi majeur à Taxawu et ses alliés.
La gestion des nouvelles coalitions en vue des élections législatives de novembre 2024 représente un défi complexe pour Taxawu Sénégal et Khalifa Sall. Les enjeux électoraux contraignent les acteurs politiques à jongler entre alliances opportunistes et véritables convergences idéologiques.
Dans un contexte de tensions et de rivalités internes, la capacité de Taxawu à se positionner comme une alternative crédible face à Pastef sera cruciale. De plus, le mode de scrutin à un tour avantage le régime, car l'absence d’un second tour pourrait désavantager les coalitions de l'opposition, à moins qu'une intercoalition ne se forme entre elles, comme cela avait été le cas pour Yewwi Askan Wi et Wallu en lors des Législatives de 2022, souligne Ngouda Sall.
AMADOU CAMARA GUEYE