Les peuples africains formulent leurs exigences
En prélude à la tenue de la Cop29 qui se tiendra le mois prochain à Bakou, les organisations de la société civile africaine ont formulé des exigences pour la prise en charge de leurs préoccupations respectives en matière de lutte contre les changements climatiques.
Le Collectif africain pour la justice climatique a organisé la première Contre-Cop des peuples africains (APCC) à Saly Portudal, cette semaine. Dans ce cadre, les peuples africains ont formulé des exigences concernant les décisions qui seront prises lors de la Cop29 à venir. Neuf exigences ont été formulées lors de cette rencontre qui a regroupé plus d’une vingtaine de pays africains.
‘’Nous exigeons la justice climatique pour les communautés du Sud mondial au cœur de la crise climatique. Les nations du Nord mondial, qui ont le plus contribué à la crise, doivent mener le processus de réduction des émissions à la source et financer la transition énergétique nécessaire en guise de paiement de la dette climatique due au Sud mondial. Nous appelons à des réparations, des réparations et des compensations pour les populations africaines touchées. Nous dénonçons toutes les formes de fausses solutions au changement climatique telles que REDD+, Net zéro et la géo-ingénierie qui ont aggravé les crises climatiques’’, a déclaré Fatoumata Mbodj.
En effet, selon la porte-parole du jour, il faut mettre fin aux extractions de combustibles fossiles en Afrique maintenant : ‘’Toutes les formes d'exploration, d'extraction et de production de combustibles fossiles en Afrique doivent être immédiatement arrêtées. Il est temps de donner la priorité aux pratiques durables grâce à une énergie renouvelable centrée sur les personnes, qui protège nos écosystèmes et soutient les économies locales. Les entreprises de combustibles fossiles doivent payer pour la réhabilitation des terres, des océans et des rivières dégradés résultant de l'extraction d'hydrocarbures.’’
Sur le même registre, la représentante de Lumière Synergie et Développement Sénégal (LSD) poursuit : ‘’Avec l'augmentation des crises climatiques, de nombreux Africains sont contraints de migrer, risquant leur vie dans des voyages dangereux vers le Nord global ou devenant des réfugiés climatiques en Afrique. Pour y remédier, il faut atténuer les impacts climatiques tels que les sécheresses, les inondations et la désertification, et veiller à ce que les communautés disposent des ressources nécessaires pour rester dans leurs pays d'origine.’’
De ce fait, soutient-elle, des réparations climatiques, parallèlement aux réparations coloniales, doivent être versées aux nations africaines et aux pays du Sud, à la mesure de l’ampleur des dommages causés par le changement climatique et l’exploitation historique.
‘’Ces réparations devraient prendre la forme de subventions et non de prêts, qui aggravent encore la dette. Les pays africains devraient se concentrer sur des partenariats stratégiques qui élèvent la position de l’Afrique dans la chaîne de valeur. Il est urgent de réformer la structure fiscale de l’architecture financière actuelle afin de garantir que les sociétés transnationales (STN) paient les taux d’imposition les plus élevés dans les pays hôtes où elles extraient des ressources, plutôt que dans les pays où elles ont leur siège’’.
Pour ce faire, il faudra réformer les lois foncières et promouvoir la souveraineté alimentaire. ‘’Les gouvernements africains doivent adopter la souveraineté alimentaire en donnant la priorité aux cultures vivrières locales par rapport aux cultures commerciales et en promouvant des méthodes de conservation des semences qui résistent aux OGM. Cette protection doit inclure des politiques contraignantes ratifiées telles que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales. Il est urgent de réévaluer les lois coutumières qui donnent du pouvoir aux communautés locales’’.
Par ailleurs, Fatoumata Mbodj estime que le passage aux énergies renouvelables en Afrique doit être soutenu en priorité avant que l’Afrique n’exporte ses ressources pour la transition vers les pays du Nord. ‘’Les projets d’énergies renouvelables doivent être détenus par la société et bénéficier aux communautés locales avant l’industrie. La transition doit être menée par la base, en veillant à ce que les politiques donnent la priorité au bien-être des personnes et de l’environnement, et non aux profits des entreprises’’.
C’est dans cette perspective que les peuples africains disent ‘’halte au colonialisme des déchets’’ : ‘’L’Afrique n’est pas un dépotoir et nous ne sommes pas jetables. Il est donc primordial pour nous, Africains, de nous adapter au Traité mondial sur les plastiques qui nous permet de lutter contre la pollution plastique tout au long de son cycle de vie, de l’extraction à la production jusqu’à l’élimination’’, se sont-ils offusqués. Dans la foulée, ils rappellent que le droit des communautés au consentement libre, informé et préalable (Clip) doit être ratifié et mis en œuvre dans tous les projets d'extraction. ‘’Les communautés doivent avoir le droit de dire oui ou non au développement. Si les communautés disent oui, elles doivent dicter les termes du projet d'une manière qui leur soit bénéfique ainsi qu'à leur environnement. L'indemnisation doit être proportionnelle à l'ampleur des déplacements et des pertes’’, exigent les organisations membres de la Contre-Cop des peuples africains.
Enfin, ils demandent aux Africains de se soulever contre l'oppression systématique et l'injustice climatique en partageant leurs compétences en matière de résilience et leurs connaissances traditionnelles par le biais de récits, de partage d'expériences et d'apprentissage, et de mettre ces connaissances en pratique dans nos communautés africaines. ‘’Ces connaissances doivent être respectées et intégrées dans d'autres systèmes et processus, car il s'agit de connaissances spécialisées’’, précise Fatoumata Mbodj.
La Cop du contre-pouvoir populaire africain est organisée parce que la Cop a été cooptée par le capitalisme et le Nord global qui continuent de reproduire les injustices qui ont causé la crise climatique. Pour ce pouvoir populaire, ‘’c’est pourquoi nous, les pays du Sud, et les Africains en particulier, devons mener des actions pour remédier aux crises climatiques de manière juste et globale’’.
IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)