Tong tong sur le domaine agricole de l’Isra
En violation de la réglementation, l’assiette foncière du domaine agricole de Sangalkam, abritant l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra), d’une superficie initiale d’un peu plus de 519 ha, a fait l’objet d’un dépeçage en règle.
Encore un autre scandale foncier de la même veine que celui du tong tong (partage) sur le lotissement de Mbour 4 à Thiès, du moins beaucoup plus effarant. Il s’agit de l’assiette foncière du domaine agricole de Sangalkam, abritant l’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra). La superficie globale d’un peu plus de 519 ha en question porte sur six titres fonciers.
Comment le pot aux roses a-t-il été découvert ? Tout est parti de la volonté du président Macky Sall d’installer, dans la région dakaroise, un domaine agricole communautaire, dans le cadre du programme dédié, le Prodac. Mais ô surprise, l’assiette dûment affectée à l’Isra par l’État du Sénégal, par décret en 1979, a fait l’objet d’un dépeçage en règle via des attributions non conformes à la réglementation en vigueur.
En fait, à l’insu, en tout cas sans l’avis préalable conforme du Conseil d’administration de l’Isra, des autorités administratives d’alors ont fait tenir des commissions de contrôle des opérations domaniales (CCOD) pour procéder à des affectations de terrains.
Le pillage via trois CCOD a démarré en février 1999, peu avant la chute du régime de Diouf, puis s’est poursuivi en mars 2001 et juillet 2011 sous Abdoulaye Wade, malgré l’alerte qui a été faite depuis 2005 par la Direction des domaines, qui avait demandé le retrait des baux accordés et le gel de toutes les transactions sur le site.
Plus tard, à la suite d’une enquête de la Direction de la surveillance et du contrôle de l'occupation du sol (Dscos), après plainte de l’Isra, en octobre 2015, le chef de l’État d’alors a fait prendre par le ministre chargé de l’Économie et des Finances des mesures conservatoires pour l’arrêt immédiat de toutes les procédures de délivrance d’actes de propriété ou de régularisation foncière.
Des hectares manquants
Et l’arrêté pris à cet effet, en janvier 2019, a visé la résiliation de l’ensemble des baux concernés. Mais l’état des lieux qui a été fait après la première mesure conservatoire en avril 2007, montre que la superficie a fondu pour ne concerner qu’un peu plus de 475 ha pour un titre foncier mué n°849/R. Où sont passés les près de 45 autres hectares ? Des personnalités et autres entités morales parmi de nombreux autres bénéficiaires sont-elles passées entre les mailles ?
Dans le rapport de la Dscos, consulté par ‘’EnQuête’’, la liste des attributaires, 152 au total, concerne des agents des impôts et des domaines, des magistrats, des autorités religieuses, des coopératives d’habitat. Et à l’instar de Mbour 4, les superficies cédées vont de 0,2 ha à 100 ha pour une seule personne, en l’occurrence un grand dignitaire lébou.
Le dossier, qui est entre les mains du nouveau gouvernement, fait trembler à tel point que les locaux de la Direction générale de l’Isra, sis à Hann-Bel Air ont été cambriolés, à la mi-septembre dernière. Selon nos confidences, des ordinateurs ont été emportés, dont ceux du directeur général en personne et du secrétaire général. Coïncidences troublantes.
À suivre…
AMADOU FALL