Les exigences du FDR

Après avoir examiné la situation politique, économique et sociale du pays, la Conférence des leaders du Front pour la défense de la démocratie et de la République (FDR) a formulé quatre exigences : la fin du ‘’harcèlement’’ des opposants, l’ouverture de véritables concertations politiques, l'arrêt des licenciements et enfin le retrait de la loi interprétative de la loi d’amnistie. Le FDR appelle également à une mobilisation collective.
‘’Près d’un an après l’arrivée au pouvoir de Pastef, la situation politique, économique et sociale du Sénégal suscite de vives inquiétudes. Les atteintes à la démocratie et à l’État de droit se multiplient, installant, au fil des jours, une période sombre pour le pays’’.
C’est ainsi que débute la déclaration de la Conférence des leaders du FDR, reçue hier par ‘’EnQuête’’.
Le FDR, qui juge la situation préoccupante, tient à alerter solennellement l’opinion nationale et internationale ainsi que les partenaires et amis du Sénégal. Il exige ‘’la fin du harcèlement’’ des opposants et l’ouverture de véritables concertations politiques, conformément aux traditions démocratiques du Sénégal. En deuxième lieu, il demande la renonciation aux mesures ‘’antisociales du pouvoir Pastef’’, notamment les hausses des prix du carburant et d'autres produits de première nécessité, qui visent à ‘’faire payer par la population les conséquences de l’incurie et de l’amateurisme du gouvernement’’.
En troisième lieu, le FDR exige l'arrêt immédiat et inconditionnel des licenciements ‘’organisés dans tous les secteurs’’ de l’économie. Enfin, il demande le retrait de la loi interprétative de la loi d’amnistie. Ainsi, le FDR appelle à une mobilisation collective pour, dit-il, préserver la démocratie et éviter que le Sénégal ne sombre pas dans le chaos.
‘’Les succès obtenus par les enseignants du supérieur prouvent que seule la lutte résolue peut faire entendre raison à un pouvoir sourd et aveugle aux véritables préoccupations du peuple. Aucun ‘pacte social’ ne peut, à cet égard, empêcher les luttes légitimes et nécessaires pour la sauvegarde des acquis démocratiques et sociaux de notre peuple. Au total, le FDR appelle tous les partis et mouvements politiques, toutes les forces vives de notre pays, sans exclusive, à faire face à l’État-Sonko, pour mettre fin à la dégradation institutionnelle, politique, économique et sociale de notre pays. Le FDR convie ces forces vives à préparer avec lui les réunions et les rassemblements populaires qu’il compte organiser dans les prochains jours’’, a déclaré la Conférence des leaders.
Interdiction de voyager
Il faut noter que pour le FDR, ‘’l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques devient une pratique courante, érodant les fondements mêmes de l’État de droit et de l’égalité des citoyens devant la loi’’. Il constate qu’après le cas Farba Ngom, d’autres députés de l’opposition risquent de perdre leur immunité parlementaire ‘’sans qu’aucun dossier d’accusation solide ne soit présenté à l’Assemblée nationale’’.
Par ailleurs, le constat est que le nombre d’activistes critiques du gouvernement, traduits en justice et emprisonnés, augmente.
‘’L’État-Sonko, avec une désinvolture indicible, interdit de voyage des responsables de l’opposition, un des derniers exemples étant celui de l’ancien ministre Mansour Faye, sans qu’aucune décision de restriction de leurs libertés n'ait été prise par la justice ou qu'une enquête officielle dans des affaires limitativement fixées par la loi n'ait été ouverte les concernant. Ce même État liberticide procède à des redressements injustifiés, quand il n’emprisonne pas des hommes d’affaires pour ‘délit de proximité avec l’opposition’’’, regrette le FDR, qui estime que le gouvernement semble ainsi donner la priorité à la persécution et à l’emprisonnement de ses opposants politiques, ‘’comme pour assouvir un désir de vengeance ou de représailles’’.
Selon le front, la reddition des comptes, pourtant essentielle à une gestion saine des affaires publiques, est ‘’travestie en une entreprise de règlement de comptes politiques et personnels’’. Le Parquet financier, que l’ancien régime avait créé pour donner suite à la tenue du dialogue national, était censé matérialiser une avancée dans la lutte contre la corruption. Mais selon le FDR, il est utilisé comme un outil politique de répression des adversaires réels ou supposés du parti au pouvoir.
Événements 2021-2023 : la volonté de ‘’mettre Pastef hors de portée de la justice’’
Par ailleurs, le FDR soutient que Pastef n’a jamais voulu abroger la loi d’amnistie. ‘’Ses gesticulations et ses fausses promesses n’avaient pour objectif que de cacher son jeu, sa politique étant faite de reniement systématique, pour ne pas dire systémique, les actions concrètes ne suivant jamais ses discours enflammés. De sorte que son choix d’une ‘loi interprétative’ de la loi d’amnistie risque de conduire inéluctablement notre pays vers le chaos’’, a indiqué le FDR qui soutient bec et ongles que cette proposition de loi interprétative, au lieu de donner des éclaircissements sur la loi, traduit la volonté de ‘’mettre Pastef hors de portée de la justice’’ concernant les événements de 2021 à 2023.
‘’Elle nourrit le dessein fou de condamner l’État et les forces de défense et de sécurité, et d’affaiblir durablement notre pays après avoir mis par terre pratiquement toutes les institutions constitutionnelles’’, accuse le FDR. ‘’Jamais, depuis l’accession à l’indépendance du Sénégal, un gouvernement n’aura autant entrepris pour nuire à son pays. Cette entreprise vise à affaiblir durablement les bases de l’État de droit au Sénégal et à garantir l’impunité des véritables responsables de ces événements. Pour faire bonne mesure, en matière sociale et économique également, Pastef a fini par trahir tous ses engagements’’, a poursuivi le FDR.
Il est également constaté, dans plusieurs ministères et des sociétés publiques, une vague de licenciements de milliers de travailleurs soupçonnés d’avoir des liens avec l’opposition. Même des employés bénéficiant de contrats à durée indéterminée (CDI) sont renvoyés, plongeant de nombreuses familles dans la précarité et la misère. ‘’À cela s’ajoute le blocage injustifié des paiements des bourses familiales, privant des centaines de milliers de familles, extrêmement pauvres, de ressources vitales’’, fustige le FDR.
‘’L'immobilisme, voire le net recul sont devenus la règle dans tous les domaines’’
Sur le plan économique, la situation est tout aussi préoccupante, aux yeux du FDR. ‘’Tous les indicateurs financiers sont au rouge et l’État se trouve dans une situation de quasi-faillite, du seul fait de son incurie’’, analyse l’opposition.
‘’La volonté de manipulation de l'opinion publique a poussé à une falsification des données de la dette souveraine, avec l’inclusion frauduleuse de dettes du secteur parapublic et d’avances de trésorerie. Cette falsification a entraîné une dégradation brutale de la notation financière du pays et une récession sévère à tous les niveaux’’, soutient le FDR.
L'abaissement des notes du Sénégal par les agences de notation et les grandes banques traduit, pour le front, avant tout leur fort scepticisme quant au succès des mesures dites de "redressement" annoncées par le gouvernement.
‘’Pour tout dire, le discrédit du ‘pouvoir Pastef’ est total, tant au plan national qu’international. Au point que la CEDEAO a préféré mandater le nouveau président ghanéen, John Dramani Mahama, au niveau des États de l’AES pour un dossier pourtant confié à notre pays ! Tous ces éléments confirment, une fois de plus, la médiocrité, la dangerosité et l’aventurisme qui caractérisent l’État-Sonko’’, fulmine la Conférence des leaders.
Pour ces membres de l’opposition, la trajectoire de ‘’progrès dans laquelle le Sénégal s'était inscrit est suspendue, sinon complètement dévoyée’’.
‘’L'immobilisme, poursuit le FDR, voire le net recul, est devenu une des règles dans tous les domaines et dans tous les secteurs, notamment le BTP ou les activités portuaires et aéroportuaires. De nombreux chantiers d'infrastructures essentielles (routières, scolaires, universitaires, sanitaires, etc.) qui étaient en cours de réalisation sont à l'arrêt, ce qui les expose à des risques imminents de dégradation et de renchérissement. Il faut s’en convaincre : la poursuite de ces dérives inacceptables ne peut que plonger le Sénégal dans une période de grave instabilité, tant sur le plan politique qu’économique et social’’.
BABACAR SY SEYE