Publié le 13 Apr 2025 - 01:04
CHRONIQUE

Le Jub Jubal Jubanti à l’épreuve de Mbackiyou Faye

 

Deux milliards (2 000 000 000) de francs CFA ! Voilà la somme astronomique que l’homme d’affaires Mbackiyou a remis à Serigne Mountakha, le khalife général des mourides en guise de participation personnelle dans les travaux de la grande mosquée de Touba. « Ces 8 valises contiennent 2 milliards 13 millions de FCFA. C’est une donation de ma part. Et ce n’est que le début du commencement. C’est juste un geste symbolique. Ce n'est rien comparé à la dimension de Serigne Touba», a déclaré Mbackiyou Faye.

Si l’argent était passé dans des comptes bancaires, il y aurait peu de choses à dire. Encore que l’Etat gagnerait à se donner les moyens de tracer la provenance de cette somme. Mais les deux milliards n’ont emprunté aucun circuit bancaire, aucun circuit officiel. Les billets ont été mis dans des valises, acheminés à Touba et présentés au khalife dans une séance filmée.  

Depuis ce jour, les vidéos ont fait le tour des réseaux sociaux. Si les citoyens en parlent, de façon prudente d’ailleurs, aucune réaction par contre n’a été noté, ni du côté de l’opposition si prompte à se saisir de certains dossiers, ni de la société civile, celle qui s’occupe de la transparence financière notamment, le Forum civil de Birahim Seck en particulier, encore moins du régime en place et des autorités étatiques qui pourtant ont promis au Sénégalais d’opérer une rupture nette dans la conduite des affaires publiques.

Toutes ces trois entités censées être les composantes vitales de la démocratie et de l’Etat de droit se sont prosternées, emmurées dans un silence intrigant. C’est comme si deux milliards de francs transportés en liquide ne constitue aucun problème au vu des lois et règlements de ce pays.

Les raisons du silence

En vérité, il n’est pas difficile de comprendre cette politique de l’autruche de la part de ces trois catégories d'acteurs. Il suffit de poser le débat pour être taxé d’ennemi de Serigne Touba, de jalousie envers les mourides et de tous les péchés d’Israël. Ainsi, par calcul électoral pour les politiques et frilosité pour la société civile, on préfère détourner le regard. La priorité est ailleurs.

Pourtant, si cet argent concernait un secteur autre que religieux, différentes voix se seraient déjà fortement élevées pour demander transparence. Si les deux milliards de Mbackiyou Faye étaient destinés à l’Etat qui fait face à des difficultés financières, on aurait crié à un scandale de corruption. Si c’est destiné à la société civile, on aurait crié à une tentative de déstabilisation du pays. Ce serait encore le retour des forces occultes, forces spéciales et autres commandos.

Certes, la destination de l’argent est ici très claire, puisqu’il s’agit de la grande mosquée de Touba. Mais cela ne doit en rien empêcher de se poser les bonnes questions dans une République digne de ce nom.

Où est-ce que Mbackiyou Faye a trouvé ces deux milliards ? L’homme s’est-il acquitté de ses obligations envers l’Etat, le Fisc notamment ? Il faut savoir qu’au Sénégal, le don fait l’objet de fiscalisation, sauf renoncement. Ce montant a-t-il été déjà fiscalisé ? L’Etat était-il au courant ? Quels sont ses arguments, en cas d’exonération dans ce contexte de raréfaction des ressources. Ensuite, pourquoi l’argent n’a pas été déposé à la banque et un chèque remis à Serigne Mountakha au lieu de traîner des valises.

Voilà autant de questions auxquelles le duo Diomaye-Sonko doit répondre. Ils ont promis le jub, jubal, jubanti au Sénégalais, une nouvelle gouvernance qui doit concerner toutes les couches de la société. Face à la presse, le président Bassirou Diomaye Faye a eu raison de dire que ce n’est parce que quelqu’un est milliardaire qu’il doit échapper à la prison, s’il a fauté. Selon ce même principe, ce n’est pas parce qu’un autre milliardaire porte des habits religieux qu’il doit échapper à la loi de ce pays. 

Du déjà vu, à une échelle réduite

Ces derniers temps, le procureur a lancé tellement d’enquêtes que certains se demandent s’il passe son temps sur les réseaux sociaux. Rien ne lui échappe. Le procureur financier est aussi en plein régime. Or, 2 milliards, ce n’est pas un petit montant à prendre à la légère. L’Etat doit assumer son rôle régalien.

Lorsque des montants d’un certain niveau sont découverts chez des citoyens, ils sont tout de suite soupçonnés. Pourquoi alors permettre à Mbackiyou Faye de transférer 2 milliards en liquide, sans bouger le plus petit doigt. Si par malheur des malfaiteurs étaient informés et qu’ils réussissent à prendre l’argent ou une partie, les moyens de l’Etat seraient déployés dans les minutes qui suivent. C’est donc la preuve que l’Etat est concerné à tous points de vue.  

En novembre 2020, on a vu le ministre de l’intérieur Antoine Diome remettre aux sinistrés du marché Ocass la somme de 50 millions mis dans un sac à dos, en présence du khalife générale des mourides. Avec ce nouveau régime, on croyait ces pratiques révolues. Hélas  

Ps : On nous dira certainement que cela ne nous concerne pas, mais on peut s’interroger sur l’utilité d’avoir des mosquées dont les travaux à coup de milliards ne terminent jamais. Aujourd’hui, on a l’impression qu’il y a une compétition entre confréries à propos des mosquées à la fois dans les foyers religieux qu’à Dakar, la capitale. Dans un pays aussi pauvre que le Sénégal, la priorité ne devrait-elle pas être la création d'opportunités d’emplois plutôt que d’embellir davantage des mosquées déjà splendides.  

Mbaye Sadikh

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