4 km pour trouver de l’eau

Le village de Hamarabe, dans la commune de Ogo, est actuellement confronté à une pénurie désespérante d'eau. Depuis plusieurs semaines, les populations doivent parcourir 4km pour trouver de l’eau dont la qualité laisse à désirer. Une situation qui affecte véritablement les habitants de cette localité du département de Matam.
A Hamarabe, une localité rurale située à peine à 3 km de la route nationale, trouver de l'eau pour boire relève d'un véritable parcours du combattant. L’eau ne coule plus des robinets depuis que le forage qui alimentait le village est tombé en panne, il y a plusieurs mois. Tous les jours, les femmes doivent marcher une distance de plus de 2km pour arriver au ravin où elles puisent de l'eau et refaire la même distance avec une bassine à la tête pour regagner leurs maisons. Un supplice qu'elles répètent plusieurs fois matin et soir.
« Tous les jours, on vient ici pour puiser de l'eau, raconte Aissata Sy, une jeune fille d’environ 18 ans. Nos mamans viennent le matin, elles font plusieurs aller-retours avec de grosses bassines sur la tête. Avec ce poids sur la tête, elles marchent jusqu’au village. C’est extrêmement pénible ce que nous endurons. Le soir, c’est à nous, les jeunes filles de subir le même calvaire », fait-elle savoir.
Le ravin se trouve, en effet, à la lisière du village. Nous avons trouvé un groupe de jeunes filles à l’œuvre, elles avaient de petits pots en train de cueillir patiemment de l'eau jaillissant au fond des petits trous. « Il faut creuser avec ses mains ou à l’aide d'un pot, un petit trou pour avoir de l’eau. Souvent on peut creuser à peine 50 centimètres et on voit de l'eau. Il faut alors évacuer cette première eau remplie de boue avant d'avoir de l’eau qu’on peut boire, explique la jeune fille, élève en classe de 2nde S. Quand on trouve l’eau qui est plus clair de par son aspect, il faut écoper avec beaucoup de patience. Pour remplir une bassine, il faut entre 20 et 30 minutes parce que si on est trop impatient on risque de puiser de la boue aussi, et l'eau sera imbuvable ».
Une bassine sur la tête, un seau à la main sur une distance de 2km
Sur le site, plusieurs trous ont été creusés, à ciel ouvert, à la tombée de la nuit, ils peuvent se transformer en repaires pour des animaux. Un danger permanent qui ne fait pas peur à la jeune dame Hawa, mariée et mère de 4 enfants. Elle vient très tôt le matin chercher de l’eau, accompagnée d’autres femmes, parfois seule. « Il est possible de trouver toute sorte de créatures dans ces trous, mais on efface ces éventualités de nos têtes pour affronter les dangers, non pas parce que nous ne ressentons pas de la peur, mais parce que tout simplement nous n'avons pas d’alternatives. On ne peut pas se passer d'eau dans nos maisons et si on ne vient pas ici, où est-ce qu'on va trouver de l'eau ? », demande-t-elle.
Elle fait deux aller-retours avant 9 heures, une bassine sur la tête et un seau à la main sur une distance de 2 km. « C’est très dur, confie-t-elle dans un petit sourire. Marcher plus de 2km avec tout ce poids, c’est très dur mais on n'a pas le choix. C’est pourquoi, quand on se réveille les matins, on a des courbatures partout. Il faudrait que le forage soit réparé très rapidement, sinon on risque de vieillir toutes avant l’heure ».
« Nous buvons cette eau sans la filtrer »
Malgré l’aspect coloré de cette eau, les populations la consomment sans filtre. Selon l'infirmier Ass Thiam, Secrétaire général régional du Sutsas, cette eau qui est consommée, présente beaucoup de risques sanitaires. Elle expose les populations à de graves maladies. Mais, elles ignorent les risques et continuent de boire cette eau. « Cette eau douce est plus délicieuse même que l’eau qui vient des robinets. Nous la buvons sans même la filtrer, nous la trouvons potable, car nos ancêtres la buvaient ainsi sans problème. Et nous aussi, on la boit et ça ne nous cause aucun problème de santé », déclare Aissata.
13 millions pour la réparation du forage
Le forage du village qui était la principale source d’eau n’est plus fonctionnel depuis des mois. La cause au puits qui s'est abîmé. Selon M. Camara, le responsable de la gestion du forage, c’est ce puits qui s'est définitivement détérioré. « L’eau qui sort du puits comporte une grande quantité d'argile. Nous avons fait appel à beaucoup de techniciens mais ils n’ont pas réussi à régler le problème. Au départ, nous avons pensé que c’était un problème de pompe, on en a acheté deux, mais elles se sont abîmées toutes. Actuellement, il nous faut creuser un autre puits pour avoir de l’eau potable et l’entreprise nous demande 13 millions pour forer un puits », explique-t-il.
En attendant l’intervention des autorités, les ressortissants du village installés à l’étranger ont déjà entamé les cotisations pour rassembler le montant qui abrégera le grand supplice des femmes de Hamarabe.
Djibril Bâ