Publié le 18 Sep 2025 - 13:49
ÉGALITÉ EN DANGER

L’alerte d’Onu Femmes

 

Malgré les progrès enregistrés dans les domaines de l'éducation, de la santé et des réformes juridiques, 351 millions de femmes et de filles vivront toujours dans l'extrême pauvreté en 2030 si les mesures prises ne s'accélèrent pas. C’est un rapport d’Onu Femme publié hier qui le dit.

 

Dans un rapport publié hier, Onu Femmes a souligné qu'investir dans l'égalité n'est pas seulement une question de justice : cela pourrait ajouter 1.500 milliards de dollars au PIB mondial en cinq ans et générer 342.000 milliards de bénéfices d'ici 2050. Le monde recule en matière d'égalité des sexes, et le coût se mesure en vies, en droits et en opportunités. À cinq ans de l'échéance des Objectifs de développement durable (ODD) en 2030, aucun des objectifs en matière d'égalité des sexes n'est en voie d'être atteint.

C'est ce qui ressort du Gros plan sur l’égalité des sexes 2025 publié hier par Onu Femmes et le département des affaires économiques et sociales des Nations unies (Desa), qui s'appuie sur plus de 100 sources de données pour suivre les progrès réalisés dans les 17 objectifs.

L'année 2025 marque trois étapes importantes pour les femmes et les filles : le 30e anniversaire de la Déclaration et du programme d'action de Beijing, le 25e anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité, et le 80e anniversaire des Nations unies. Cependant, au vu des nouvelles données qui donnent à réfléchir, il est urgent d'accélérer les actions et les investissements.

Parmi les conclusions du rapport, la pauvreté féminine n'a pratiquement pas évolué en cinq ans, stagnant autour de 10 % depuis 2020. La plupart des 233 millions de femmes sur les 300 millions qui vivent encore dans la pauvreté extrême se trouvent en Afrique subsaharienne.

Sur le plan alimentaire, les inégalités sont également criantes : en 2024, 26,1 % des femmes étaient confrontées à l’insécurité alimentaire contre 24,2 % des hommes, soit 64 millions de femmes de plus. Une femme en âge de procréer sur trois pourrait être anémique d’ici 2030, compromettant sa santé et son avenir.

Les femmes payent le prix fort

Alors que le monde continue d’allouer des sommes colossales à la défense plus de 2.700 milliards de dollars par an aux dépenses militaires, seuls 420 milliards de dollars suffiraient à financer l’égalité des sexes, soit l’équivalent de seulement 57 jours de budget militaire mondial. Rien qu'en 2024, 676 millions de femmes et de filles vivaient à proximité d'un conflit meurtrier, le nombre le plus élevé depuis les années 1990. Pour celles qui se trouvent dans des zones de guerre, les conséquences vont bien au-delà du déplacement. L'insécurité alimentaire, les risques sanitaires et la violence augmentent considérablement, note le rapport.

La violence à l'égard des femmes et des filles reste l'une des menaces les plus répandues. Plus d'une femme sur huit dans le monde a subi des violences physiques ou sexuelles de la part d'un partenaire au cours de l'année écoulée, tandis que près d'une jeune femme sur cinq a été mariée avant l'âge de 18 ans. Chaque année, on estime que quatre millions de filles subissent des mutilations génitales féminines, dont plus de la moitié avant leur cinquième anniversaire.

Les facteurs de stress liés au changement climatique tels que les inondations, les sécheresses et les canicules mortelles s’aggravent, et les femmes sont les premières à en subir les conséquences, avec de plus longues distances à parcourir pour trouver de l’eau, une perte de revenus énorme lorsque les exploitations agricoles et les pêcheries s’effondrent. Le changement climatique à lui seul pourrait précipiter 158 millions de femmes de plus dans la pauvreté d'ici 2050. Pourtant, les femmes continuent d’être exclues des négociations de paix et des processus de planification des catastrophes climatiques

Progrès avérés

Pourtant, malgré ces statistiques sombres, le rapport souligne ce qu'il est possible de réaliser lorsque les pays donnent la priorité à l'égalité des sexes. La mortalité maternelle a chuté de près de 40 % depuis 2000, et les filles ont aujourd'hui plus de chances que jamais de terminer leur scolarité. S'adressant à Onu Info, Sarah Hendriks, directrice de la division des politiques à Onu Femmes, a déclaré que lorsqu'elle s'est installée au Zimbabwe en 1997, ‘’donner naissance était en fait une question de vie ou de mort’’. ‘’Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Et c'est un progrès incroyable en seulement 25 ou 30 ans’’, a-t-elle ajouté.

La technologie est également prometteuse. Aujourd'hui, 70 % des hommes sont connectés à l'Internet, contre 65 % des femmes. Selon les estimations du rapport, la réduction de cet écart pourrait profiter à 343,5 millions de femmes et de filles d'ici 2050, sortir 30 millions de personnes de la pauvreté et ajouter 1.500 milliards de dollars à l'économie mondiale d'ici 2030. ‘’Lorsque l'égalité des sexes a été une priorité, cela a fait progresser les sociétés et les économies.  Les investissements ciblés en faveur de l'égalité des sexes ont le pouvoir de transformer les sociétés et les économies’’, a déclaré Sima Bahous, directrice exécutive d'Onu Femmes.

Dans le même temps, un recul sans précédent des droits des femmes, le rétrécissement de l'espace civique et la réduction croissante du financement des initiatives en faveur de l'égalité des sexes menacent les acquis obtenus de haute lutte. Selon Onu Femmes, sans action, les femmes restent ‘’invisibles’’ dans les données et l'élaboration des politiques, avec 25 % de données sur le genre en moins disponibles actuellement en raison des coupes budgétaires dans les enquêtes.

‘’Le Gros plan sur l’égalité des sexes 2025 montre que les coûts de l'échec sont immenses, mais que les gains liés à l'égalité des sexes le sont tout autant. Des actions et des interventions accélérées axées sur les soins, l'éducation, l'économie verte, les marchés du travail et la protection sociale pourraient réduire le nombre de femmes et de filles vivant dans l'extrême pauvreté de 110 millions d'ici 2050, générant ainsi un rendement économique cumulé estimé à 342.000 milliards de dollars’’, a confié Li Junhua, Secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires économiques et sociales.

Mais les progrès restent inégaux et souvent douloureusement lents

Les femmes ne détiennent que 27,2 % des sièges parlementaires dans le monde, et leur représentation dans les gouvernements locaux stagne à 35,5 %. Dans le domaine de la gestion, les femmes n'occupent que 30 % des postes, et à ce rythme, la véritable parité n'est pas atteinte avant près d'un siècle.

À l'occasion du 30e anniversaire du Programme d'action de Beijing, le rapport présente l'année 2025 comme un moment charnière. ‘’L'égalité des sexes n'est pas une idéologie. Elle est fondamentale pour la paix, le développement et les droits humains’’ prévient-il.

À l'approche de la semaine de haut niveau des Nations unies, le rapport appelle à investir dès maintenant dans les femmes et les filles. ‘’Le changement est tout à fait possible, et une voie différente s'offre à nous, mais il n'est pas inévitable et nécessite la volonté politique ainsi que la détermination des gouvernements du monde entier pour faire de l'égalité des sexes, des droits des femmes et de leur autonomisation une réalité une fois pour toutes’’, a-t-il précisé.

 CHEIKH THIAM

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