Les artistes entre désespoir et déception
Des artistes représentatifs dans leur domaine de prédilection jugent largement insuffisante l'action éphémère de Youssou Ndour à la tête du ministère de la Culture. Un secteur que Macky Sall lui a d'ailleurs arraché pour ne lui laisser que le Tourisme et les Loisirs.
Autant la nomination de Youssou Ndour comme ministre de la Culture et du Tourisme avait soulevé des débats, souvent passionnés, autant sa rétrogradation comme gérant du ministère du Tourisme et des Loisirs ne laisse pas indifférents les acteurs culturels. Approchés par EnQuête, ceux-ci ont bien voulu se livrer à un exercice d'appréciation du bilan culturel de la star You. A ce jeu, désespoir et déception sont les sentiments les mieux partagés. «Six mois, c'est peu, c'est vrai, mais on s'attendait à ce que Youssou Ndour pose des actes considérables vu qu'il vient du milieu de la culture», se désole le plasticien Kalidou Kassé. «Je n'ai rien contre la personne de Youssou Ndour, mais il faut vraiment dire que les artistes sont restés sur leur faim», rajoute Pape Faye, le porte-parole de l'Association nationale des artistes comédiens du théâtre sénégalais (ARCOTS).
«Je ne m'attendais pas à grand chose» (Daddy Macky)
Pour sa part, le reggae-man Daddy Macky se veut à peine plus mesuré. «C'est une déception dans la mesure où 6 mois, c'est peu pour juger quelqu'un même si les acteurs culturels n'ont pas senti de grand changement» avec Youssou Ndour comme ministre», poursuit celui qui s'appelle Macky Sylla dans le civil. Pour s'éviter cette peine consistant à analyser en profondeur l'action de l'ex-lead vocal du Super Étoile, Matador, le patron de Africulturban choisit de faire simple en rappelant son scepticisme dès l'annonce de sa nomination. «Je ne m'attendais pas à grand chose de Youssou Ndour», a-t-il confié à EnQuête.
La désillusion touche même le cinéaste Mansour Sora Wade qui se dit «déçu», mais par rapport à une autre perspective. «Nous avions commencé un travail dans le secteur du cinéma. Vous me voyez aujourd'hui déçu et dépité de le voir partir alors que nous en sommes à la finalisation du rapport final», dit-il au cours d'un entretien téléphonique accordé hier à EnQuête. C'est que la corporation des cinéastes semble la plus chanceuse d'entre les secteurs du monde culturel. Le ministère de tutelle leur avait organisé en effet un conclave à Saly afin de définir les voies et moyens de relancer le cinéma sénégalais. A cette fin, l'ex-ministre de la Culture a effectué plusieurs voyages à l'étranger pour nouer des partenariats avec des cinéastes d'autres cieux intéressés par notre pays sur ce plan, a indiqué Mansour Sora Wade. Toutes ces initiatives vont rester en suspens, en attendant que le nouveau ministre Abdoul Aziz Mbaye prenne fonction.
«Il n'a pas été à la hauteur»
«Je fondais beaucoup d'espoir sur Youssou Ndour. Cependant, il n'a pas été à la hauteur», se plaint Robert Lahoud, musicien et opérateur culturel renommé. «A son arrivée, il a parlé de disso (NDLR : entraide). Mais il n'a échangé avec presque personne», indique-t-il. Une complainte relayée par Pape Faye, Matador, Kalidou Kassé et Daddy Macky. Et pourtant, précise Mansour Sora Wade, «tout ministre de la Culture qui vient ne peut faire la culture seul. Il doit travailler avec les acteurs du secteur.»
Le manque de concertation a donc peut-être perdu l'ex ministre en charge de la Culture. Cela lui aurait peut-être permis de savoir que les comédiens attendent de lui qu'il mît en place une politique de subventions «comme le faisaient ses prédécesseurs», qu'il prît part à certaines de leurs manifestations, selon Pape Faye. En outre, un meilleur effort de connaissance des attentes du monde des cultures urbaines et une volonté concrète de «poser des actes forts au lieu de dépoussiérer simplement de vieux dossiers» lui auraient permis de gagner la sympathie d'une grande partie du monde culturel sénégalais. «Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin de rupture au niveau du ministère de la Culture qui reste instable, explique Kalidou Kassé. Ce qui n'aide pas à une bonne gestion du secteur.»
BIGUÉ BOB
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