Publié le 8 Aug 2017 - 23:34
ÉCHEC LISTE JOYYANTI AUX LÉGISLATIVES

Par pertes et sans profits

 

Abdoul Mbaye et sa coalition ont pris une gamelle le 30 juillet 2017. Le résultat du zèle d’un néophyte englué dans sa tentative d’affirmation d’une identité politique indépassable, ‘‘aidé’’ par ses anciens compagnons de la liste adverse, Bby, qui n’ont cessé de lui savonner la planche.

 

La douche électorale a été froide pour certains plus que pour d’autres, au lendemain de la publication des résultats de la Commission nationale de recensement des votes. Pour la coalition Joyyanti par exemple. Celle-ci a obtenu 14.207 voix sur les 3.300.974 suffrages valablement exprimés, soit moins de 1 %, et une 40e place sur les 47 listes en compétition.

Que s’est-il donc passé pour que la coalition conduite par l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye se soit effondrée alors que des coalitions ou personnalités du même standing, ou moins cotées politiquement, ont sauvé l’honneur en s’accaparant une place à l’hémicycle ? Le zèle du néophyte qui s’est emprisonné dans sa tentative, un peu radicale, d’affirmation  d’une identité politique remarquable et indépassable. Pour le nouveau parti qu’il est, l’Act (mai 2016) s’est démarqué de Manko Wattù Senegaal dans une logique de séparation qu’il a toujours prônée de la coalition gouvernementale après son éviction de la primature, et a manqué se coaliser avec des forces émergentes de même envergure comme, par exemple, la tête de gondole médiatique d’alors, Ousmane Sonko. Un cas de figure que les observateurs avaient donné comme probable, mais qui ne s’est pas concrétisé. ‘‘L’opposition au Sénégal n’est pas monolithique. Vous avez des partis qui ont exercé le pouvoir dans cette opposition et nous ne partageons pas la manière dont ils ont exercé le pouvoir’’, défendait-il en mai dernier lors du lancement de la coalition qui allait porter sa candidature à la députation.

Le Dr en sciences politiques, Maurice Soudieck Dionne, souligne le décalage dans la perception de la réalité. ‘‘Il semble qu’il a voulu initier dans ses stratégies politiques des ruptures trop radicales qui ne cadrent pas avec les réalités du terrain. Car tout le problème, c’est de trouver les recettes à même d’intéresser l’électorat et de le mobiliser dans le sens de son projet’’. Bien qu’il ait essayé de composer avec des groupes qui ont blanchi sous le harnais, comme la Ligue des masses de Cheikh Sidya Diop, l’ancien porte-parole de la Ligue démocratique Abdou Karim Fall, le Mouvement national des serviteurs des masses, la Nouvelle alternative pour la solidarité, l’ex-conseiller économique et social Mbaye Fall Lèye, le Rassemblement et l’unité (NASRU) de Serigne Moustapha Mbacké Gaïndé Fatma (tête de liste départementale à Mbacké)... leur influence limitée dans le paysage politique n’a pas été d’un apport décisif. ‘‘Abdoul Mbaye aurait pu regrouper autour de lui beaucoup plus de personnalités d’envergure, mieux organiser ses mobilisations populaires, travailler les mises en scène, susciter davantage l’engouement populaire par l’animation. C’est aussi un aspect de la politique, surtout dans une campagne électorale’’, poursuit M. Dionne qui estime que sa position clair-obscur sur ses ambitions réelles à sa sortie du gouvernement, le 1er septembre 2013, l’a un peu desservi.

 En effet, Abdoul Mbaye crée le Club Travail et Vertu qui servira de think tank pour beaucoup de cadres ayant produit des réflexions, mais qui servira surtout de rampe de lancement à un parti qu’il créera quelque temps après, l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) qui le fera démissionner du club. ‘‘Il aurait dû être clair dès le départ, en affichant sans ambiguïté ses intentions, de manière à fédérer toutes les personnalités réunies dans le club, dans la perspective de son projet politique. Cela lui aurait permis, sur cette lancée, de recruter beaucoup de cadres’’, note Docteur Maurice Dionne.

Malgré une campagne qu’il ait voulu nationale, Joyyanti a été plutôt empruntée dans l’occupation du terrain. Son idéalisme dans le champ politique n’a pas été sa seule carence. L’inexpérience de la tête de liste nationale dans le management de son parti a été aussi son talon d’Achille. L’ancien Premier ministre a voulu briser le moule du conformisme politique, mais sa piètre connaissance des logiques sociologiques en cours, en matière électorale notamment, lui a été fatale. Ce qu’il a dû concéder dans une interview avec le site en ligne du magazine Intelligence, hier. ‘‘Nous sommes allés dans ce scrutin avec le souci d’apprendre, car nous sommes très jeunes, et nous avons beaucoup appris’’.

 Quant au Dr Dionne, il est d’avis qu’‘‘il faut dire que la politique, c’est une forme d’investissement de soi-même, de son temps, de ses énergies. Mais surtout de ses moyens, ce qui suppose donc à la base une volonté et une générosité pour les investir. Non pas exclusivement dans une logique clientéliste d’échanges interpersonnels, mais il est possible déjà, parce qu’on le peut, de soulager les populations en finançant des services ou des activités d’intérêt général sans attendre l’État’’. 

Le coup de Jarnac de Bby

Les options maladroites prises par l’ancien chef du gouvernement n’ont pas été les seuls motifs de ce cuisant échec. Ses adversaires au pouvoir l’ont un peu ‘‘aidé’’, nonobstant son statut symbolique de Premier ministre de la deuxième Alternance (3 avril 2012 - 1er septembre 2013). En direction de ces législatives, ‘‘tous les présidentiables ont été durement combattus à bien des égards’’, fait savoir le Dr Dionne. La création de sa formation politique, l’Act, en mai 2016, coïncide avec le début de ses ennuis judiciaires.  ‘‘Une affaire privée de divorce qui s’est transformée en ridicule affaire d’Etat’’, s’offusquait-il après sa mise sous contrôle judiciaire par la chambre d’accusation pour faux et usage de faux et tentative d’escroquerie sur son ex-épouse, pour une affaire vieille de 23 ans. Ce qui lui fait théoriser un ‘‘complot d’Etat’’ contre lui.

L’ancien banquier est sauvé par la prescription de l’action publique qui lui fait bénéficier d’une relaxe. Libre de ses mouvements, Abdoul Mbaye n’aura pas eu le temps de souffler que la coalition adverse, Bby, s’emploie à lui savonner la planche. Dans sa logique de phagocyter toute adversité, l’état-major de la coalition présidentielle est implacable. Une prise de contrôle hostile des éléments de Joyyanti, après leur investiture, s’opère sans retenue. A peine un mois avant la tenue du scrutin, le 23 juin 2017, après un Conseil interministériel, l’actuel Pm Mahammed Dionne décime Joyyanti en attirant douze personnes déjà investies dont un stratégique directeur exécutif et chargé des élections, Thierno Demba Sy, ainsi que le chargé de stratégie et de propagande Mouhamed Naby Diagne, sans compter les quelques autres représentants dans les circonscriptions à Sédhiou, à Fatick et à Kédougou. Le parti d’Abdoul Mbaye, qui n’avait pas maillé tout le territoire, est complètement diminué avant de s’aligner sur la ligne de départ. Le résultat, à l’arrivée, ne pouvait être que décevant.

‘‘Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, on a exercé l’achat de consciences sur des candidats qui étaient déjà déclarés sur des listes’’, a-t-il regretté hier dans l’entretien avec le magazine Intelligences. S’il s’est voulu très fair-play après la sortie des résultats, ne souhaitant pas les contester, l’ancien Premier ministre n’a pas manqué de fustiger les ratés de l’organisation, parmi lesquels l’absence de citoyens sur les listes et le sabotage des bulletins de vote de sa coalition dans certains centres à Cambérène.

Certes, les pronostics ne le donnaient pas super favori, mais ne tablaient pas non plus sur une déroute aussi consternante pour un ancien Premier ministre avec des ambitions présidentielles. Une première expérience électorale qui risque d’être désagréable, sinon fatale au conducteur d’un parti né il y a un peu plus d’une année. Mise au tombeau de l’un des derniers-nés de la scène politique ? ‘‘Avec ce faible score aux législatives, cela peut être une source de démotivation pour Abdoul Mbaye. Mais il peut rectifier le tir et travailler d’ici le temps relativement court qui nous sépare de la présidentielle de 2019’’, conclut l’enseignant en sciences politiques Maurice Soudieck Dionne. 

OUSMANE LAYE DIOP

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