Olivier Boucal accélère la mue de l'Administration
Le ministre de la Fonction publique, Olivier Boucal, a lancé, hier jeudi, les Concertations nationales pour la réforme du service public. Un panel animé par la haute représentante du président de la République a permis de débattre sur la question.
Le ministre de la Fonction publique ne perd pas de temps et s'attèle à accélérer la cadence, comme dirait Aminata Touré, présente elle aussi à ce lancement des concertations nationales. Juste après la validation de la Stratégie nationale de formation continue des agents de l’État (SNFC 2025-2029), dans un peu moins d'un mois, Olivier Boucal engage ce deuxième chantier.
‘’Je tiens d'abord à rappeler que nous avons hérité de nombreux défauts de la colonisation, du point de vue de l'Administration. L'accueil et l'arrogance des administrateurs vis-à-vis du citoyen sont les principaux maux qui gangrènent le système. On ne devrait pas perdre de vue que le fonctionnaire est rémunéré par ce même citoyen qui s'acquitte de ses obligations fiscales. L'accueil, j'insiste là-dessus, on peut et on doit y remédier maintenant, car c'est là où la première qualité du service public s'effondre’’, argue la haute représentante du président de la République, Aminata Touré.
Selon elle, ‘’aujourd'hui, il est évident qu'un changement profond doit avoir lieu. Par la formation continue des agents de l'Administration, par exemple, nous y arriverons. Toujours est-il que cette initiative est la bienvenue. Toutefois, il ne faudrait pas en faire un énième conclave dont les conclusions pertinentes seront encore rangées dans les tiroirs. Il faut du suivi, car ce n'est pas la première fois qu'on parle de la Fonction publique’’.
Dans sa démonstration, l'ancienne Première ministre a aussi préconisé la mise en place de ‘’sanctions’’ et d'un ‘’système de notation’’ pouvant inciter le fonctionnaire à mouiller davantage le maillot dans la satisfaction des attentes des citoyens.
Aminata Touré a, par ailleurs, remis en question la pertinence du ‘’principe des contrats à vie’’. L'ancienne ministre de la Justice opte plutôt pour ‘’une obligation de performance dans les contrats, comme avec le système des Nations Unies’’.
À l'image de son prédécesseur, le professeur Babacar Kanté reconnaît, d'abord, que le rapport entre le citoyen et la Fonction publique est loin d'être ‘’sain’’. Poursuivant sa réflexion, l'ancien vice-président du Conseil constitutionnel a identifié les trois principales niches à problèmes de la Fonction publique.
Selon lui, il s'agit des secteurs de la ‘’santé, de l'éducation et de la justice’’. Monsieur Kanté s'est voulu clair : il faut s'atteler à la ‘’reconstruction de la confiance entre l'Administration et le citoyen’’.
Pour conclure, Babacar Kanté a plaidé pour la fin de la ‘’déresponsabilisation citoyenne’’. Par-là, il faut entendre la construction d'un ‘’savoir-être citoyen’’. Parce qu'aux yeux du professeur, les populations doivent respecter un minimum de comportement.
Poussant encore plus loin sa réflexion, l'ancien vice-président du Conseil constitutionnel a évoqué la nomination d'un ‘’ministre d'État chargé des réformes qui n'aura des comptes à rendre qu'au président de la République’’.
Pour une digitalisation des services
Cette concertation nationale a aussi vu la participation du professeur Souleymane Bachir Diagne. Dans son raisonnement, le ‘’facteur temps’’ dans l'Administration reste essentiel. Car, à l'en croire, ‘’certains délais sont inacceptables’’. Pour plus de célérité dans la Fonction publique, M. Diagne invite à miser sur la ‘’digitalisation’’, parce qu'il estime qu'’’il n'est pas nécessaire d'être une superpuissance pour utiliser le numérique dans le service public’’. Toutefois, l'enseignant ne nie pas que le service public sénégalais dispose d'un noyau fort, mais qu'il doit être entretenu continuellement. ‘’L'Administration, c'est l'épine dorsale d'un État, car elle est seule à pouvoir être dans les coins les plus reculés du territoire. Dans le contexte sénégalais, aucun point n'est laissé à l'abandon, mais il ne faut pas dormir sur nos lauriers. En outre, il faut continuer à mettre l'usager au centre des préoccupations’’.
Bouclant un peu la boucle, le ministre de tutelle n'ignore pas les faiblesses de la Fonction publique. ‘’L'Administration publique sénégalaise souffre de nombreux maux de nature diverse et variée. Et les effets sur le quotidien des Sénégalais sont déplorables. C'est ainsi que cette réforme apparaît comme un impératif moral pour répondre aux besoins constants de l'usager-client’’, affirme le ministre de la Fonction publique et de la Réforme du service public. Ce dernier ajoute, pour apprécier le lancement de ces concertations nationales : ‘’Cette démarche, qui se veut la plus participative possible, n'est qu'à sa phase initiale. La diaspora est également aux premières loges. En outre, des consultations régionales se tiendront dans le but toujours de recueillir le maximum de préoccupations de nos concitoyens, les vrais patrons de l'Administration.’’
Mamadou Diop