A Touba, tout va et tout revient
Touba n’existe pas sur le plan administratif. Cette ville est impossible. Comment comprendre que la deuxième démographie du Sénégal reste toujours une communauté rurale ? Comment comprendre que 3 millions d’individus se retrouvent, pendant au moins 3 jours, dans cette localité mi-village mi-ville ? Comment comprendre que charretiers et conducteurs de véhicules soient condamnés à cohabiter sur ces routes étroites ? Voilà pourquoi à Touba, il règne une ambiance indescriptible en période de Magal.
Ce n’est pas cet élément du Groupement mobile d’intervention (GMI) qui dira le contraire, obligé qu'il est de troquer son arme à une chicotte de cheval pour gérer la circulation alambiquée au quartier corniche.
Les charrettes roulent et évitent souvent de justesse, ces gros trous creusés pour recueillir le sang du bétail égorgé. Les têtes de bœufs immolés pullulent dans tous ces quartiers aux rues souvent très sablonneuses. Sur les routes, l’écrasante majorité des véhicules destinés au transport urbain sont des masses de métal ambulant. A coup sûr, plusieurs d’entre eux ont été très vite retapés pour servir et valoir ce que… d’argent. Deux ou trois bancs en bois introduits à l’intérieur de barils de métal découpés et motorisés, et le tour est joué. Ils défilent de la grande mosquée à Dianatoul Mahwa en passant par Niarry étages, Darou Minam, la corniche, etc.
Souvent, ils stoppent net devant un bâtiment faisant face à la route principale pour s’approvisionner en gas-oil. Ce semblant de station est un danger permanent, engouffré au beau milieu des concessions. A la moindre escarmouche, un drame peut très vite arriver. Le bruit soutenu par toute sorte de moteur circulant maintient Touba en vie.
Sur l’axe principal en provenance de Mbacké, de jeunes gens perchés sur des camions fatigués jouent avec la mort. Tous les moyens sont bons pour se rendre au Magal. Ailleurs, ce sont les préparatifs marqués par des filles qui prennent d’assaut les salons de coiffure. On les voit assises à même le sol à l’entrée des salons, se faisant tresser. Le commerce autour de la mosquée nourrit ses hommes et ses dames. Souvent l’esprit est agressé à travers un large éventail de produits coquins. Des perles de toutes sortes qui brillent et scintillent autour de petits pagnes pervertis par des dessins et des mots ô coquinement pensés. C’est tout le charme de cette ville qui est brandi avec fierté par une population charmeuse et religieuse à la fois. A Touba, tout va et tout revient.
AMADOU NDIAYE