Le message de Théophile Obenga aux Africains

Une cérémonie de haute facture a été organisée dans le cadre de la célébration du 15e anniversaire du monument de la Renaissance africaine et de la Journée de la renaissance africaine. L’historien, égyptologue et linguiste Théophile Obenga a fait une intervention marquante à cette occasion.
‘’À quand la renaissance africaine ?’’. Ce questionnement formulé par Cheikh Anta Diop, alors qu'il était étudiant à Paris, reste plus que jamais d'actualité aujourd'hui, selon l'historien, égyptologue et linguiste Théophile Obenga. Ce jeudi, à l’occasion de la célébration du 15e anniversaire du monument de la Renaissance africaine et de la Journée de la renaissance africaine, le premier disciple de Cheikh Anta a déclaré : ‘’Ce questionnement de Cheikh Anta Diop, en France, lorsqu’il avait 24 ans et était arrivé en France à peine deux ans auparavant, est encore le nôtre aujourd'hui.’’
Âgé de 89 ans, Théophile Obenga intervenait en ligne au panel ‘’Afrique dans le monde’’ organisé par le monument de la Renaissance africaine. ‘’Il faut que la jeunesse africaine accède à toutes les documentations, à tous les savoirs contemporains, jusqu'à l'intelligence artificielle. Il faut organiser ainsi la renaissance africaine’’, a-t-il dit.
Poursuivant, il souligne que les Africains ont des sols et sous-sols qu'il faut connaître et dont il faut bénéficier. ‘’Les terres riches vont permettre l'agriculture, d'autres viendront les exploiter eux-mêmes. Vous allez donner de l'uranium et d'autres ressources aux autres, vous n'en aurez rien...’’, a-t-il regretté, soutenant que l’éducation, la culture, l’histoire et l'enseignement sont capitaux.
‘’Il nous faut reconquérir notre souveraineté narrative’’
Pour sa part, le secrétaire d’État à la Culture, aux Industries créatives et au Patrimoine historique, Bakary Sarr, note que l'Afrique a une parole à porter, en ces périodes où le monde est secoué par des crises multiples et multiformes : climatiques, géopolitiques, sanitaires et identitaires. ‘’Il nous faut d’abord reconquérir notre souveraineté narrative. Comme l’a si bien enseigné le professeur Cheikh Anta Diop, il n’y a pas de renaissance sans conscience historique’’, a-t-il soutenu. ‘’Sans une réappropriation fière de nos langues, de nos cultures et de ces savoirs endogènes que des intellectuels comme vous tous réunis ici, comme le professeur Théophile Obenga depuis Paris - on lui souhaite une longue vie - ont consacré leur vie et leurs carrières à réhabiliter, avec courage et courtoisie, compétence et élégance intellectuelle’’, a-t-il ajouté, ravi d’annoncer le lancement du cycle des grandes conférences du monument de la Renaissance sur la renaissance africaine.
‘’Nous voici aujourd'hui rassemblés en cette date mémorable du 3 avril, veille de la célébration de l'indépendance du Sénégal, coïncidant avec la célébration de la Journée de la renaissance culturelle africaine, pour lancer un cycle de grandes conférences’’, a indiqué, de son côté, l’administrateur général du monument de la Renaissance africaine. La renaissance africaine est, pour Birame Mbarou Diouf, une exigence historique, une posture éthique, une responsabilité intellectuelle, individuelle et collective. ‘’Elle est cette dynamique par laquelle nous interrogeons nos héritages, confrontons nos trajectoires et projetons nos sociétés vers des horizons nouveaux. C'est également un acte de foi en notre capacité collective à créer, à innover, à nous réapproprier nos récits, nos langues, nos savoirs et nos symboles pour la reconquête d'un espace mental longtemps confisqué’’, a indiqué l’administrateur du monument de la Renaissance africaine.
D'après lui, ce panel inaugural, placé sous la présidence du secrétaire d'État, donne le ton. ‘’Il affirme notre volonté d'inscrire durablement la renaissance africaine dans les esprits, dans la conscience collective et dans les cœurs, au-delà des commémorations’’, a-t-il dit.
Cycle des grandes conférences
Concernant le cycle des grandes conférences sur la renaissance africaine, cela consiste en une série de conférences organisées de manière cyclique, dans les prochaines semaines et mois, au monument de la Renaissance africaine et à travers le pays. L’objectif est de créer une tribune d'échanges et de contributions ainsi qu'une plateforme de convergence et d'engagement collectif pour la cause du Sénégal et de l'Afrique, en partenariat avec des collaborateurs privilégiés et diverses sommités africaines.
Ainsi, il y aura des espaces de dialogue audacieux où historiens et économistes, artistes et citoyens, universitaires et étudiants, ou encore artisans et agriculteurs débattront. Les sujets vont tourner autour de la décolonisation des savoirs et de la valorisation des universités africaines, de l’intégration économique par et pour les Africains, de la place de l’art et de la culture comme leviers fondamentaux de développement ou encore de la gestion durable de notre patrimoine culturel et naturel.
Coopération Congo-Sénégal
Le Congo est le pays invité d’honneur de cette célébration des 15 ans du monument de la Renaissance africaine, coïncidant avec la journée dédiée à la renaissance culturelle africaine depuis la 15e session ordinaire de l’Union africaine, tenue en juillet 2010 à Kampala, en Ouganda. Dans l'après-midi, c’était au tour du ministre de la Culture. La cérémonie, marquée entre autres par des prestations artistiques et des manifestations culturelles, a vu la présence d’une forte délégation du Congo. Elle a été présidée par la ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Khady Diène Gaye, qui a salué les relations entre le Sénégal et le pays invité.
‘’De l’épopée des royaumes précoloniaux aux luttes partagées pour l’indépendance, de la musique qui vibre entre Dakar et Brazzaville aux entretiens intellectuels nourris par les élites de nos nations, nos cultures dialoguent, s’enrichissent et tracent une voie commune’’, a-t-elle souligné. Pour elle, les deux pays doivent, ensemble, continuer à valoriser leurs patrimoines, à soutenir leurs artistes et à faire de la culture un levier pour l’éducation, la paix et le développement économique.
‘’Votre visite s’inscrit dans cette dynamique. Qu’il s’agisse de coopération artistique, de préservation du patrimoine ou de promotion des industries créatives, le Sénégal est fier de marcher avec vous, avec toutes les nations africaines pour la construction d’une Afrique forte, propulsée par le secteur de la culture, des arts, des lettres et des industries créatives’’, a soutenu Khady Diène Gaye, devant la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs du Congo, Marie-France Lydie Hélène Pongault. Madame Gaye considère que le Congo et le Sénégal, bien que séparés par des géographies, partagent une âme sœur : celle d’une Afrique créative.
Depuis plusieurs décennies, les deux pays ont tissé des relations nourries par une vision commune de l’émancipation par le savoir. ‘’Aujourd'hui, il me tient à cœur de magnifier ce pont invisible, mais indestructible qui nous relie et dont l’École des arts et des métiers de la culture du Sénégal, ex-École nationale des arts de Dakar, et l’École des peintres de Poto-Poto sont des joyaux éclatants’’, a soutenu la ministre.
BABACAR SY SEYE