Les chiffres en “vert” et en “rouge” de l’ère Macky Sall
Pour la dernière année d’exécution budgétaire sous la houlette de l’actuel président de la République, le Sénégal présente quelques agrégats économiques similaires à ceux qui ont contribué à causer la chute du régime de son prédécesseur.
C’est un dernier exercice budgétaire que l’Administration, sous la houlette du président de la République Macky Sall, s’apprête à lancer pour l’année à venir. Année au cours de laquelle le locataire du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor compte remettre les clés à son successeur, au mois d’avril 2024. N’étant pas candidat à un troisième mandat à la tête du Sénégal, le chef de l’État a défini la politique de la nation pendant les 12 dernières années. Une politique marquée principalement par l’exécution du Plan Sénégal émergent (PSE).
Cette décennie a propulsé le pays d’une situation de recettes du budget général recouvrées, en 2012, à hauteur de 2 341,472 milliards F CFA à des recettes de budget générales projetées à 4 915,2 milliards F CFA en 2024. Ce qui correspond à une différence de 2 573,728 milliards F CFA, équivalent à un doublement de recette de l’État sur 12 ans.
Si, à l’image de cet indicateur, le taux de croissance, de même que d’autres agrégats économiques ont connu des avancés remarquables, d’autres chiffres ont été moins reluisants pour la postérité du bilan de Macky Sall. Parmi eux, l’endettement, le déficit budgétaire et les politiques d’emploi des jeunes.
Une situation compliquée en 2012
À l’arrivée au pouvoir du président Macky Sall, la situation économique du Sénégal est décrite par le rapport des services du Fonds monétaire international (FMI) sur les consultations de 2012 : ‘’Ces dernières années, les déficits budgétaires se sont creusés, réduisant la marge de manœuvre budgétaire et suscitant des préoccupations à propos de la viabilité des finances publiques. (…) À moyen terme, le principal défi consiste à atteindre une croissance plus élevée, soutenable et solidaire. Les autorités ont un rôle important à jouer pour accroître le potentiel de croissance en fournissant des infrastructures cruciales, en améliorant le climat des affaires et en approfondissant le secteur financier.’’
La situation observée par le FMI a été traduite en chiffres dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances initiale 2024 : ‘’Une croissance économique (1,8 % en 2011) inférieure à la croissance démographique (2,8 %, en 2011) ; une situation délicate des comptes publics avec un déficit budgétaire proche de 8 % ; un pouvoir d’achat réduit par une inflation au-dessus du plafond communautaire de l’UEMOA ; un besoin net de trésorerie de 302,572 milliards F CFA’’, etc.
Un début d’exercice sobre du pouvoir
Les principales recommandations économiques de l’institution financière furent le maintien du déficit budgétaire de 2012 en dessous de 6 % du PIB et le réduire à moins de 5 % du PIB en 2013 et davantage encore à moyen terme ; l’amélioration de l'efficacité des dépenses publiques en réduisant le coût de fonctionnement de l'État ; la mise en œuvre rapide de la stratégie sur les nouveaux investissements dans le secteur de l’électricité, de même que la restructuration de la Senelec, compte tenu de son impact sur la croissance et sur le bien-être de la population. Enfin, s’assurer que la croissance soit diversifiée et soutenable et que ses dividendes sont largement partagés.
En début d’exercice du pouvoir par le nouveau régime, le budget a été exécuté avec prudence. Les efforts déployés pour tenir la promesse du président Macky Sall d'un État plus modeste, responsable et efficace font se matérialiser par un nombre de ministères nettement réduit ; le Sénat et la vice-présidence supprimés ; la rationalisation de la représentation diplomatique à l'étranger avec un certain nombre d'organes publics fermés ou fusionnés. De plus larges efforts ont aussi été déployés en vue de réduire le train de vie de l'État (par exemple, l'utilisation des lignes téléphoniques, de l'eau et des véhicules).
Grosses amélioration des statistiques
Cette prudence dans l’exécution des affaires publiques a vite laissé place à la mise en œuvre du PSE qui a été officiellement consacré comme référentiel unique des politiques publiques, à l’occasion de la réunion du Groupe consultatif des partenaires techniques et financiers du Sénégal, tenue à Paris les 24 et 25 février 2014.
Faisant cap sur 2035, le PSE, après deux mandats du président Macky Sall et deux plans d’action prioritaires (PAP) exécutés, a amorcé un rythme de croissance qui consacre le projet de loi de finances 2024. Celui-ci projette un budget global pour l’année à venir de 7 003,6 milliards F CFA.
Ces avancées indéniables au plan statistique cachent toutefois une situation économique difficile.
Si le taux de croissance annuel moyen des années Wade s’est stabilisé à 3,3 % entre 2006 et 2011, son successeur a réussi à rehausser une croissance moyenne estimée à 5,6 % sur la période 2014-2023. Et les statistiques concernant le déficit budgétaire traduisent des améliorations, même si les performances ne sont pas meilleures.
2011 vs 2023
Sur la dernière année d’exécution pleine du régime d’Abdoulaye Wade, le Sénégal a connu, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), dans ‘’la situation économique et sociale du Sénégal en 2011’’, un déficit budgétaire global creusé ‘’de 106,7 milliards F CFA pour s’établir à 440,3 milliards F CFA’’. Rapporté au PIB, il est évalué à 6,5 %.
Dans le projet de loi de finances initiale 2024, il ressort des chiffres du tableau d’équilibre un déficit budgétaire de 840,2 milliards F CFA, correspondant à 3,9 % du PIB projeté pour 2024. La dernière année d’exécution de la gestion de Macky Sall sera de 1 045,5 milliards F CFA, soit 5,5 % en 2023. Tous ces chiffres restent au-dessus du plafond communautaire de 3,0 %.
Mais les chiffres les plus rouges concernent l’endettement. À l’arrivée au pouvoir du président Macky Sall, l’encours de la dette publique était de 2 741,4 milliards F CFA équivalant à 40 % du PIB au 31 mars 2012. Avec un PIB estimé à 21 551,3 milliards F CFA, le ratio de dette publique aurait avoisiné 77 % du PIB en 2022, nettement au-dessus du seuil de 70 % fixé comme critère de convergence au sein de l'UEMOA. Il pourrait baisser en 2023 (74 %), selon la Direction évaluation, études et prospective de BPI France.
Des difficultés similaires
Si la fin d’exercice de pouvoir du président Abdoulaye Wade a été marquée par une crise économique, en partie due aux conséquences de la crise financière de 2008-2009, celle de son successeur abonde dans le même sens avec des variables. L’accord conclu avec le FMI a abouti à l'élimination progressive des subventions à l’énergie (1 % du PIB en 2024). Cela s’est déjà traduit par une forte hausse des factures d'électricité et la gronde commence à monter. D’autres plus que d’autres secteurs pourraient répercuter ces hausses, créant une inflation généralisée dans les prochains mois. D’ailleurs, les prévisions du FMI pour l'inflation moyenne en 2023 ont été révisées à la hausse, passant de 5 % à 6,1 %.
Lamine Diouf