Les droits d’auteur du Pastef
C’est la première arrestation politiquement chargée, depuis l’alternance de mars 2024. Bah Diakhaté, en portant de graves accusations contre Ousmane Sonko, savait que le glaive de la justice serait implacable. Mais au-delà du faits-divers, c’est la confirmation qu’une nouvelle forme d’opposition s’est durablement installée dans notre jeu politique. Et Pastef en détient l’appellation d’origine contrôlée…
La justice reprend du service. Après une période de relative accalmie, elle s’est déployée hier et s’est abattue sur celui que l’on pourrait considérer comme le premier ‘’politique’’ arrêté sous l’ère Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Il s’appelle Bah Diakhaté, se définit comme le président des activistes républicains et anime la page ‘’Baatu Degg (la voix de la vérité)’’ sur le réseau social Facebook.
Sur ladite page, il informe ses followers en ces termes : ‘’J’ai reçu la visite d’agents de la Dic dirigée par Adramé Sarr. Je tiens à informer l’opinion nationale comme internationale que je suis entre les mains de la police. Je ne suis ni malade ni souffrant. Je réitère mes propos tenus à l’encontre d’A. K. et de sa proximité avec Ousmane Sonko. Je réitère mes propos concernant Ousmane Sonko et les pro-LGBT’’, fulmine-t-il, non sans préciser qu’il va bientôt revenir et que ‘’la guerre ne fait que commencer’’.
Selon nos informations, l’activiste a été arrêté par des éléments de la Division des investigations criminelles (Dic), à la suite d’une autosaisine du parquet. Il lui serait reproché une vidéo dans laquelle il accuse Ousmane Sonko de proximité avec certains milieux homosexuels.
Seulement, la vidéo en question remonterait au 22 juin 2022. Il réagissait aux sorties du leader de Yewwi Askan Wi accusant Macky Sall (à l’époque président de la République) d’avoir un agenda pour les LGBT.
Il faut rappeler que M. Diakhaté est revenu à la charge sur cette affaire de l’homosexualité, dans des vidéos récentes, sans cette fois accuser directement Ousmane Sonko, devenu Premier ministre.
Il lui est reproché, selon des informations, les délits de diffamation, injures, diffusion de fausses nouvelles.
Samedi dernier, le mouvement Dollel Transport n’a pas pu tenir sa marche motorisée initialement prévue de la VDN jusqu’à l’intersection du Relais, sur la route de Ouakam. C’est le préfet de Dakar qui a brandi l’interdiction, avançant le motif de troubles à l’ordre public. En effet, l’autorité préfectorale estime que le trafic risque d’être perturbé à ce niveau de la voie de dégagement nord (VDN).
Arrestation d’un activiste et interdiction d’une marche : moins de deux mois après son installation, le nouveau pouvoir expérimente donc ce qui fait l’essence de l’Exécutif, même si le dossier de Bah Diakhaté est une initiative du procureur près le tribunal régional hors classe de Dakar.
Ce faisant, à travers le déploiement de ses instruments de coercition, il convoque tout au registre lié à l’égalité des citoyens de la loi, au pouvoir de saisine du procureur de la République ‘’défenseur de la société’’ et au respect des institutions.
Seulement, les événements des mois qui ont précédé la Présidentielle sont encore trop frais dans les esprits pour qu’un parallèle ne s’établisse pas entre ces événements et les postures du régime de Macky Sall quand il faisait face à l’opposition du Pastef. Les graves propos tenus par M. Diakhaté à l’endroit du Premier ministre ne pouvaient rester sans conséquences.
Mais à bien des égards, le profil de l’activiste républicain correspond à celui des soldats de ‘’l’armée numérique’’ qui a accompagné le Pastef dans sa difficile marche vers le pouvoir. Cette similitude dans les pratiques (lives sur les réseaux sociaux, références aux mœurs, accusations, révélations, propos diffamatoires) était attendue. Les néo-opposants comme Bah Diakhaté ont dû se dire que là est la voie royale pour (re) trouver le pouvoir. Pas de rupture à ce niveau. On ne change pas de méthode quand elle marche !