Brève contribution suite à l’arrêt de la Cour suprême
Au-delà de la cause «Karim Wade» qui est éphémère et passagère, il faut se féliciter d’une jurisprudence révolutionnaire en matière de promotion et de protection des droits fondamentaux au Sénégal.
Le juge suprême sénégalais vient de rappeler que le législateur peut, certes, adopter des règles de procédure différentes mais ne saurait porter atteinte sous quelque forme que ce soit aux droits fondamentaux garantis aux citoyens aussi bien par la Charte fondamentale de notre pays que par les Conventions Internationales ratifiées.
Faut-il rappeler que les droits de la défense au cœur desquels la présomption d’innocence, le droit au recours et le droit d’être défendu par un avocat tout au long de la procédure pénale sont considérés comme relevant du jus cogens c'est-à-dire du droit non dérogeable.
Cependant, la motivation de la Haute Cour se limite à ce niveau à la problématique de l’exigence de l’ouverture du droit au recours pour tout citoyen dans le cadre d’une procédure pénale et ne préjuge pas de la question de constitutionnalité ou non de la loi sur la Cour de répression d’enrichissement illicite (CREI) dont l’appréciation relève du juge constitutionnel.
En réalité, c’est ce qui justifie le renvoi de la cause devant cette juridiction sous forme d’une question prioritaire de constitutionnalité. Sans doute, c’est par rapport à ce second aspect de la décision qu’il s’agit d’une option audacieuse comme l’a si bien dit un journal de la place.
En effet, le juge de la Cassation n’arrive à un tel extrême que s’il est convaincu du caractère très sérieux de la question de constitutionnalité soulevée.
Récemment en France dans l’affaire Médiapart, la Cour de Cassation a décidé de ne pas saisir le Conseil Constitutionnel alors que cette société de presse qui avait été condamnée au pénal pour avoir divulgué des enregistrements dans l’affaire Betancourt, considérés par la juge Sylvia Zimmermann qui avait inculpé le Procureur de Nanterre Philipe Courroye comme des collectes d’information opérées de façon illicite, déloyale et en violation du secret des correspondance, demandait à ce que les textes du Code pénal ayant sous-tendu la dite condamnation soient déclarés inconstitutionnels parce que portant atteinte selon elle à la liberté de l’information d’intérêt général.
La cour de cassation française, dans sa motivation de ne pas saisir le Conseil Constitutionnel, estimait que la question de constitutionnalité soulevée par la société Médiapart ne présentait pas un caractère sérieux.
Tel ne semble donc pas être l’avis de la Cour Suprême sénégalaise par rapport aux arguments développés par les avocats de Monsieur Karim Wade et qui implicitement par ce renvoi consacre le caractère sérieux de la question de constitutionnalité.
Maître Assane Dioma NDIAYE,
Avocat à la Cour et Coordonnateur de la L.S.D.H.