Publié le 2 May 2025 - 16:40

IL NE S’AGIT PLUS SEULEMENT D’INTERPRÉTER !

 

"Jusque-là, les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde ; l’important maintenant c’est de le transformer » (Karl Marx, thèses sur Feuerbach)

L’invalidation de la loi interprétative de la loi d’amnistie de Macky Sall, loin d’être un coup de tonnerre dans un ciel serein, pourrait plutôt constituer la confirmation d’une nouvelle orientation prise par le Conseil constitutionnel sénégalais, qui semble atteindre sa phase de maturation en cour constitutionnelle.

UNE INCOMPÉTENCE STRATÉGIQUE

Dans le passé, cette institution s’était plutôt illustrée par une option délibérée pour l’incompétence stratégique, signe d’un excès de bienveillance à l’endroit des différents pouvoirs exécutifs, qui se sont succédé dans notre pays. Pour ne pas remonter trop loin dans le passé, on peut citer les quelques exemples suivants :

le recours en inconstitutionnalité contre la loi constitutionnelle n° 29/2005 prorogeant le mandat des députés, votée par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2005,
la confirmation de la candidature de Me Abdoulaye Wade à un troisième mandat en 2012,
l’invalidation, en 2018, du recours déposé par les députés de l’opposition pour l’annulation de la loi sur le parrainage,
La gestion de ce processus de parrainage citoyen aura d’ailleurs fortement terni l’image du conseil et nui à sa crédibilité, entrainant un fort sentiment de défiance de la part de la majorité des acteurs politiques.
Heureusement qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire !

LE TOURNANT DU 15 F ÉVRIER 2024

C’est le jour où, face au coup d’état constitutionnel du 3 février 2024, les Sages avaient eu une réaction appropriée en refusant de se plier à la volonté de Macky Sall de remettre en cause, non seulement le calendrier républicain, (en reportant l’élection présidentielle), mais aussi la durée, voire le nombre de mandats présidentiels.

Les sept Sages iront plus loin, dans leur décision du 5 mars 2024, en refusant d’avaliser les conclusions du soi-disant dialogue de Diamniadio et en réaffirmant, que la date de l’élection présidentielle ne saurait aller au-delà du 2 avril, date de passation de pouvoir.

De par sa posture inhabituelle mais remarquable, saluée par l’écrasante majorité du peuple, le conseil constitutionnel se posait, dorénavant, en défenseur du caractère républicain et de la nature démocratique de notre système politique.

UN « DÉSAVEU » SALUTAIRE

L’organisation des Assises de la Justice, deux mois après la victoire du 24 mars 2024, est là pour attester que le duo Diomaye-Sonko a fait de la Justice, un des secteurs prioritaires de sa politique. Encore que plusieurs acteurs politiques et de la société civile auraient préféré qu’on s’adressât, de manière holistique aux questions institutionnelles, car la plupart des dysfonctionnements de la Justice découlent de l’excès de pouvoir dont jouit le premier magistrat de la Nation, en somme de l’hyper-présidentialisme.

Et de fait, malgré quelques timides efforts dans le raccourcissement des délais de traitement de certains dossiers, le système judiciaire sénégalais reste encore fortement imprégné par des séquelles de l’idéologie carcérale (privilégiant la détention), qui anime la plupart des acteurs de la Justice. On note également les interdictions quasi-systématiques des marches par les nouvelles autorités et le peu d’empressement, dont elles font montre à abroger certaines lois liberticides.

C’est dire que l’invalidation de la loi interprétative de PASTEF constitue, non pas un coup de frein salutaire, mais une bonne leçon à la classe politique dans son ensemble, pour substituer à l’animosité ambiante, un esprit de dialogue constructif.

Le camp patriotique doit s’extirper de la fange politicienne nauséabonde, dans laquelle veulent le maintenir, ceux dont l’avenir politique est irrémédiablement compromis, s’ils persistent dans le déni du réel et le refus d’un indispensable aggiornamento.

ALLER VERS UNE NOUVELLE REPUBLIQUE !

Certes, la vie politique, qu’il s’agit précisément d’assainir, lors du prochain dialogue, est parasitée par l’emprise que les délinquants à col blanc exercent sur les secteurs de l’ancienne classe politique issus de la bourgeoisie bureaucratique.

Si le PASTEF et ses alliés ont réussi à poser le prémices politiques de rupture avec la domination néocoloniale, ils se doivent, non pas de se frayer un chemin à travers une armature institutionnelle obsolète, mais mettre sur pied une autre République, à travers une nouvelle Constitution fondatrice.

En un mot comme en mille, il ne s’agit plus d’interpréter la réalité politique sénégalaise, mais de la transformer.

NIOXOR TINE

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